Lifestyle
Le parfum indépendant made in France jouit d’un prestige qui ne demande qu’à s’exporter. Une manne sur laquelle des groupes étrangers ont fait main basse ces dernières années.
L’Artisan Parfumeur (1976), racheté par Puig (Espagne), en 2015. En 1976, Jean François Laporte est le premier à défendre une parfumerie traditionnelle qui disparaît au profit des grandes marques, du marketing et de la mondialisation. Marque authentique et alternative, L’Artisan Parfumeur donne naissance à quelques jus culte (comme Mûre et musc, le premier fruité du marché) et gagne une clientèle fidèle, mais cantonnée à la France, l’Italie et aux États Unis. Selon son PDG actuel, Lance Patterson, son rachat en 2015 par le géant espagnol Puig a totalement changé la donne : « Nous nous sommes déployés en Russie, en Allemagne et en Chine, qui est notre plus gros nouveau marché. » Grâce, notamment, à la plate forme chinoise de vente en ligne Tmall, où la marque est présente depuis quelques mois. Surprise : les acheteurs s’y passionnent pour une création datant de 1999 : Passage d’Enfer. « Ils y voient une symbolique importante dans la culture chinoise : celle de la vie après la mort »,explique Lance Patterson. Ce n’est donc pas un hasard si L’Artisan Parfumeur vient d’offrir une déclinaison Extrême à ce parfum, dans un flacon à la teinte rouge… très chinoise.
Annick Goutal (1981), racheté par Amore Pacific (Corée), en 2011. Voilà plus de trente cinq ans qu’Annick Goutal séduit loin de son Paris natal. Déjà, en 1985, son rachat par le groupe Taittinger avait propulsé la petite marque à l’international, quatre ans seulement après sa création. Les États Unis, surtout, ont porté aux nues la créatrice qui souhaitait « transformer ses émotions en parfum » : L’Eau d’Hadrien y est devenue un hit. En 2011, son rachat par le géant Amore Pacific lui insuffle une transformation plus profonde : devenue Maison Goutal, la marque – dont la fondatrice est décédée en 1999 – a ouvert ses premières boutiques en Asie l’année dernière, où elle entend bien devenir incontournable… Son chiffre d’affaires y est déjà croissant (27 % en 2020), tout comme au Moyen Orient et en Europe de l’Est. La France, en revanche, perd du terrain (de 54 % à 47 % entre 2019 et 2020). www.goutalparis.com
Diptyque (1961), racheté par Manzanita Capital (États Unis), en 2005. Longtemps, Diptyque a été un secret d’initiés. La marque fondée en 1961 à Paris par trois amis artistes, aujourd’hui décédés, n’avait rien de très commercial. « Ils n’avaient pas de stratégie de développement. Leur idée était de vivre un projet créatif », résume la directrice générale Fabienne Mauny. L’ouverture à l’international s’est faite sans hâte, au gré des (belles) rencontres… Détenue par le fonds d’investissement américain Manzanita Capital depuis 2005, la marque a accéléré son expansion, notamment en Asie et aux États Unis, ses plus gros marchés. Présente dans 45 pays, elle possède 1 200 points de vente et 80 boutiques en propre, dont elle gère la grande majorité. « Car nous voulons continuer à raconter nous mêmes notre histoire », explique Fabienne Mauny. Et si son best seller, Do Son, porte l’inspiration du Viêtnam, Diptyque sait que son âme parisienne est essentielle à son succès. En ce 60e anniversaire, sa nouvelle eau de parfum, Orphéon, rend hommage au club éponyme qui jouxtait la boutique historique du boulevard Saint Germain.
By Kilian (2007), racheté par Estée Lauder (États Unis), en 2016. Entre des partis pris olfactifs forts et un univers ultraluxueux, By Kilian conjugue réussite commerciale et succès d’estime depuis ses débuts. À son rachat en 2016 par Estée Lauder, l’enseigne était déjà présente dans plus de 40 pays, avec des boutiques à Paris, New York, Londres, Moscou ou encore Doha. Rebaptisée Kilian Paris en 2019, la marque couvre désormais 15 marchés supplémentaires, dont la Chine, et gagne encore du terrain en Russie, son marché no 1. Malgré une progression fulgurante – son chiffre d’affaires a doublé en cinq ans –, Kilian Paris reste fidèle à la personnalité charismatique de son fondateur, héritier de la famille de producteurs français de cognac Hennessy. À voir l’excellent départ de sa dernière collection, baptisée The Liquors, cela lui réussit. www.bykilian.fr
Éditions de Parfum Frédéric Malle (2000), rachetées par Estée Lauder (États Unis), en 2014. Frédéric Malle incarne une vision singulièrement artistique de la parfumerie indépendante. En créant sa maison au tournant du millénaire, cet esthète, petit fils du fondateur des Parfums Christian Dior, choisit de calquer sa relation avec les créateurs sur celle d’un éditeur avec ses écrivains. Les plus grands noms du métier le suivent dans cette aventure où la liberté règne en maître : pas de brief marketing, pas de contrainte de coût. Rachetée par Estée Lauder en 2014, la marque est toujours dirigée par son fondateur. Elle conserve ainsi son identité distinctive malgré un déploiement à l’étranger, notamment en Chine, où deux premières adresses ont ouvert en 2020, année de son 20e anniversaire. www.fredericmalle.eu