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Classée au patrimoine mondial de l’Unesco, la capitale de la Sicile attire artistes et visiteurs aussi grâce à son festival Le Vie dei Tesori.
Une ville insulaire
Palerme est certainement l’une des villes les plus fascinantes d’Europe. Depuis des siècles, des générations d’artistes, écrivains, photographes, cinéastes et, bien sûr, touristes affluent. Le lieu devient petit à petit un puissant pôle d’attraction. Palerme attire pour son exubérance baroque. Son choc des cultures à la croisée entre Orient et Occident intrigue aussi. Une ville cosmopolite, qui n’est ni vraiment l’Europe, ni vraiment l’Afrique, un gros caillou posé au cœur de la Méditerranée. La cité est aussi au centre des enjeux politiques, migratoires et commerciaux européens. Palerme, et plus largement la Sicile, c’est, en vrac, les Grecs, les Romains, Byzance, les Normands, l’Espagne, l’islam, le catholicisme, Goethe, Visconti, Alexandre Dumas, Cosa nostra, Dolce & Gabbana et la caponata, un plat doux-amer, comme le sont peut-être les Siciliens…
Un mélange de fatalisme et de fierté, de grandeur et de décadence. En déambulant dans Palerme on se confronte sans cesse à d’improbables collages. Du grandiose au délabré, un trop-plein de tout : palais, églises, ornements, étals des marchés… Il y a, bien sûr, les incontournables ! Comme le palais des Normands, la chapelle Palatine, la place des Quatro Canti, la fontaine Pretoria, le Teatro Massimo…
Une renaissance culturelle
Il y a aussi des trésors cachés. Une multitude de lieux archéologiques et historiques sont révélés au public par le festival Le Vie dei Tesori (les rues des trésors). Cette association a été fondée par Laura Anello en 2013. Il s’agissait cependant d’un projet plus ancien, d’abord implanté au sein de l’université de Palerme. En 2006, la journaliste, proche du monde de la culture, fait le constat suivant. Une somme considérable de connaissances dort dans les tiroirs de l’institution. Des richesses qui pourraient, dans cette ville en manque d’estime de soi, semer les graines d’un développement culturel et citoyen positif.
« Je me suis mise à rêver d’un Palerme qui reprendrait possession de ses sites et de son histoire, qui pourrait devenir un petit Athènes ou la culture serait synonyme d’amour et d’harmonie, explique Laura Anello. Créer ce festival répondait à une question existentielle sur la raison de mon retour à Palerme, moi qui, comme tant d’autres Siciliens, pensait que mon futur ne pouvait se construire qu’ailleurs. De retour à Palerme après avoir travaillé à Urbino et à Rome, j’ai ressenti le besoin de participer à la renaissance de ma ville. Pour résumer, Le Vie dei Tesori incarne la fierté d’une ville – et d’un pays – qui refuse de jeter l’éponge. »
Réunir et faire réfléchir tous les talents
Il était alors plus que nécessaire de changer le discours narratif sur Palerme. Ne plus apparaître aux yeux de ses habitants et à ceux du reste du monde comme la ville de la violence, de la corruption, de la mafia. Et c’est la culture qui fut le médium emprunté. Déjà en 2015, l’Unesco avait inscrit la Palerme arabo-normande et les cathédrales de Cefalù et Monreale sur la liste du patrimoine mondial. Une reconnaissance qui agit comme un premier coup d’accélérateur. Puis, en 2018, la ville est Capitale italienne de la culture. Elle accueille alors la Manifesta, grande biennale européenne d’art contemporain. L’occasion de réunir, de faire réfléchir tous les talents, de solidifier le réseau entre ses institutions culturelles.
Un projet local devenu global
« Le succès de notre première initiative à l’université m’a convaincue que le projet pouvait se déployer, poursuit Laura Anello. J’ai contacté les membres du conseil municipal, les autorités régionales, des directeurs de musées, de théâtres, les associations et les propriétaires de bâtiments historiques. Tous ceux que j’avais croisés en tant que reporter. Un par un, nous les avons convaincus d’ouvrir leurs lieux. Tout s’est fait de façon informelle, et le fait d’être une petite entité privée nous donnait une liberté, une réactivité que les grandes institutions n’avaient pas. Nous demeurons une organisation qui ne reçoit pas de fonds publics garantis et nous devons, chaque année, trouver le moyen de financer nos activités. Nous sommes en quelque sorte une anomalie ! »
Le Vie dei Tesori est pourtant devenu un grand projet qui couvre maintenant toute la Sicile. Il y a d’abord le festival qui aura lieu cette année du 11 septembre au 31 octobre dans une vingtaine de villes. Ce volet nommé Borghi dei Tesori (villages des trésors), est rejoint par 57 municipalités et un magazine en ligne. La pandémie a été l’occasion de créer un système d’audioguide pour téléphone mobile couvrant 400 lieux et un futur podcast. Autant de chemins pour une fierté retrouvée.
Plus d’informations sur leviedeitesori.com et sur visitsicily.info
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