The Good Business
Il est vice-président du conseil d’administration d’Audemars Piguet, maison de haute horlogerie qui fête cette année les 25 ans de la mythique Royal Oak Offshore. La manufacture suisse vient d’ouvrir sa première AP House en Asie, à Hong Kong. C’est là-bas, durant la foire Art Basel, qu’Olivier Audemars, passionné d’art et de sciences, a répondu aux questions de The Good Life.
The Good Life : Pourquoi avoir collaboré avec le photographe Dan Holdsworth ?
Olivier Audemars : En 2012, le 40e anniversaire du modèle Oak prévoyait une exposition avec plusieurs artistes, dont un photographe britannique, Dan Holdsworth, à qui nous avions commandé des photos de la vallée de Joux. Ce fut un véritable choc : il est arrivé avec des images de rochers, de brouillard… qui donnaient à voir une région vraiment hostile. Mais c’est précisément parce que cette région était hostile – le seul bien dont les habitants disposaient était le temps – qu’ils ont développé une horlogerie extrêmement sophistiquée. Les clichés de Dan nous ont ainsi permis de redécouvrir nos propres origines.
The Good Life : Pourquoi avoir choisi l’architecte Bjarke Ingels pour votre musée ?
Olivier Audemars : Pour agrandir le musée existant, nous cherchions des architectes avant-gardistes, qui ne soient pas des stars et qui étaient capables de comprendre la région dans laquelle nous vivons. Le projet de Bjarke Ingels a fait l’unanimité : il s’intègre dans l’environnement de la vallée tout en apportant un élément extrêmement avant-gardiste incarné par la double spirale qui rappelle des éléments d’horlogerie.
Olivier Audemars et l’art…
TGL : Quel lien cultivez-vous personnellement avec l’art contemporain ?
O.A. : L’art contemporain est un moyen de comprendre l’évolution du monde. J’aime voir la vie à travers les lunettes des artistes.
TGL : Où découvrir l’art ?
O.A. : Je profite d’Art Basel, que ce soit à Bâle, Miami ou Hong Kong, pour visiter des galeries et découvrir les stands des différents galeristes.
TGL : Le livre qui parle le mieux d’art ?
O.A. : Etant diplômé en physique des matériaux, tout ce qui touche à la compréhension de l’univers et à la façon dont les mathématiques représentent le monde m’intéresse beaucoup. L’essai Gödel, Escher, Bach : les Brins d’une guirlande éternelle met en parallèle les travaux du logicien Gödel, de l’artiste Escher et du musicien Bach. Ce livre m’a permis d’aborder l’art sous un angle qui me parlait, celui de la science.
TGL : Quel est votre premier souvenir artistique ?
O.A. : Un tableau de Magritte, dont j’ai oublié le nom, qui représentait une maison, la lune, et qui montrait, comme chez Escher, une impossibilité dans la combinaison des choses. Je devais avoir 10 ou 11 ans, j’ai passé beaucoup de temps à essayer de comprendre le tableau en question. Si j’avais un budget illimité, c’est cette oeuvre que j’essaierais d’acquérir.
TGL : Un secret de jeunesse que vous appliquez toujours ?
O.A. : Quand j’étais jeune, je me suis fait très mal au dos. J’ai été handicapé pendant plusieurs mois. Un ami m’a alors recommandé de me muscler le dos. Depuis, j’essaie de conserver une certaine activité physique. J’ai compris que lorsque le physique lâche, l’esprit lâche aussi.
TGL : Quel est le lien entre horlogerie et art ?
O.A. : Si on remonte dans l’histoire, la mesure du temps en Occident s’est développée à l’époque où les horloges ont été installées sur les clochers des églises. Le but n’était pas tant de connaître l’heure que de prendre le contrôle de la vie des gens. C’était un instrument de pouvoir exécuté par les plus grands artistes de l’époque. Plus tard, dans la vallée de Joux spécifiquement, la maîtrise de la technique et de la beauté ont toujours été superposées. Aujourd’hui, on n’a pas plus besoin d’une montre mécanique que d’une peinture sur un mur, mais les deux parlent aux gens – beaucoup plus au cœur qu’au cerveau, d’ailleurs.
Le rapport au temps…
TGL : Quel est votre rapport au temps ?
O.A. : Lorsque quelque chose m’intéresse, le temps disparaît – je dois veiller à ne pas rater de rendez-vous ! Par ailleurs, je m’intéresse à l’astrophysique et à la physique quantique, des domaines qui interrogent sur la nature même du temps et sur notre raison d’être.
TGL : Où partez-vous pour échapper à la routine ?
O.A. : Je pars me ressourcer dans la nature, je vais marcher ou courir. Rien n’est comparable à se retrouver seul, au milieu des forêts suisses, avec les sons de la nature, à la lueur des étoiles ou de la lune.
TGL : Comment mettez-vous à profit vos déplacements ?
O.A. : J’adore voyager, mais mon emploi du temps ne me permet pas de m’échapper. Mon rêve serait de dégager quelques jours, voire quelques semaines, pour découvrir des choses, des gens, d’autres cultures…
TGL : Un restaurant en Suisse ?
O.A. : La Barillette, nichée sur une montagne juste au-dessus de chez moi où je vais courir. Ce restaurant offre un point de vue exceptionnel.
TGL : Un lieu secret ?
O.A. : Audemars Piguet développe des projets avec l’Ecole polytechnique de Lausanne. Lorsque j’y ai des séances de travail, j’aime beaucoup m’arrêter au Montreux Jazz Café et à l’Art Lab.
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