The Good Business
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Fondée en 2019 par deux anciennes de la maison Chloé, Nomasei impose une vision singulière du luxe à prix premium. Plébiscitée aux Etats-Unis où elle vient de rendre les clés de sa première boutique éphémère, la France reste un marché où la marque doit encore s'imposer. Mais, à l'heure où le luxe est à la peine, des jours radieux s'annoncent pour ces souliers éthiques, confortables et ultra désirables.
« Pourquoi votre paire de chaussures devrait vous faire souffrir ? » C’était en 2019, Paule Tenaillon et Marie Braquet nous présentaient leur première collection de souliers et soulignaient ce point primordial. Passées par de grandes maisons de luxe, respectivement comme modéliste et responsable marketing, les deux associées jurent de ne plus jamais appliquer les codes appris dans leur carrière. Nomasei (« six mains » en italien, dans une sorte de verlan) était né, sa première collection dessinée d’après une longue étude du pied féminin français (la plupart des marques utilises des formes de pieds standards) et produite, comme aujourd’hui, dans une usine italienne partenaire. Le chemin parcouru en cinq ans est immense (une levée de fond, trois embauches et un succès retentissant outre-Atlantique) et, si la « marche reste encore haute », les talons de leurs souliers prennent de la hauteur au même rythme que grandit le succès.
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Un modèle de distribution atypique
Depuis sa création, Nomasei a adopté un modèle direct-to-consumer, leur permettant de maîtriser leurs marges (elles sont affichées sur leur site internet pour chaque modèle) et de proposer des produits à des prix accessibles (entre 310 et 820 euros), en refusant le schéma classique du luxe, qui s’attache notamment à des réseaux de retailers. « Nous ne voulions pas que nos chaussures soient inaccessibles à nos amies, ni à nous-mêmes« , explique l’une des fondatrices. Contrairement aux géants de la mode qui augmentent leurs prix à travers des intermédiaires, Nomasei mise sur la vente directe pour maintenir des prix justes. Cette stratégie s’avère efficace pour fidéliser une clientèle, particulièrement sensible à l’authenticité de la marque. La force de cette approche se reflète dans l’attachement des clientes : plus de la moitié possède au moins deux paires et certaines en possèdent jusqu’à quinze !
Alors que la France commence à reconnaître leur talent, la marque continue d’élargir sa base outre-Atlantique (près de 50 % de son chiffre d’affaires est américain). Le modèle des pop-ups s’est révélé être un outil puissant pour bâtir cette expansion. Après plusieurs boutiques éphémères à Paris, un nouvel objectif s’est dessiné pour 2024 : conquérir New York (« in real life« ) avec un pop-up d’une semaine aux portes du quartier branché de Soho. Un succès « au delà de nos espérances, comme s’enthousiasme Marine Braquet jointe par email après l’événement. Nous avions pour objectif que ce soit plutôt une opération visibilité car elle était de courte durée. L’objectif etait de faire un break even. Mais finalement en plus d’une opération visibilité ça a été un succès commercial. Nous reviendrons donc peut-être à l’automne prochain, sur un format plus longs. »
A Paris, les collections de la marque sont disponibles à la vente dans le showroom Nomasei où s’activent quotidiennement les équipes et où Paule et Marine prêtent main forte si une cliente hésite sur un modèle. Des pop-ups sont à prévoir dans la capitale mais aussi, peut-être, dans quelques grandes villes françaises l’an prochain, et même Londres où elle a déjà « une communauté de fidèles ».
Une gestion maîtrisée et des défis financiers
Pour soutenir cette croissance, Nomasei a réussi à lever 470 000 euros, majoritairement via du « love money », une somme modeste mais indispensable à la suite. « Notre business model étant novateur et compliqué, chercher la rentabilité reste notre plus gros challenge à l’heure actuelle« , explique Marine Braquet pour justifier le temps que prend l’ouverture d’une première boutique. Celle-ci, c’est tout décidé, prendra une forme non conventionnelle — c’était à parier ! — à son ouverture : « avant même de lancer notre première collection, nous avions en tête ce « lieu-boutique », un parfait hybride de point de vente et de club où se retrouverait notre communauté autour des événements culturels que nous organiserions« , explique, les étoiles dans les yeux, Paule Tenaillon.
Jusqu’ici, la jeune marque a navigué avec succès à travers les défis financiers en restructurant sa dette et en maintenant des relations solides avec ses partenaires — parmi les investisseurs, leur fabricant italien, convaincu du potentiel de la marque, a investi une partie significative de son patrimoine personnel.
Un produit qui parle de lui-même
Le produit reste au cœur du succès de Nomasei. Les clientes sont attirées par la qualité des chaussures, comme en témoigne le best-seller « Baghera », apprécié par des femmes de tous âges. « Qui est notre cliente ? Elle a entre 28 et 75 ans et choisit parfois les mêmes modèles. Toutes les femmes rencontrées recherchent le rapport qualité prix, la qualité, le confort, le style, l’originalité chic mais le confort est sur toutes les lèvres« , analyse Marine Braquet de sa récente expérience new-yorkaise.
Mais au-delà de la simple chaussure, c’est la personnalité de la marque qui séduit : une communication personnelle, incarnée, où chaque cliente se sent proche des fondatrices. Il n’est pas rare de voir Marine ou Paule prendre la parole sur Instagram, pour expliquer avec ses mots l’intérêt d’un nouveau modèle. Cette dernière, directrice artistique de la marque, s’occupe d’ailleurs personnellement de chacun des shootings des nouvelles collections. Pas question, comme à l’accoutumée dans les maisons de mode, de faire appel à des grands photographes ou des top models pour incarner Nomasei, pourtant portée par des stars comme Nicole Kidman et Blake Lively — la star de la série « Gossip Girl », qui ne travaille pas avec des stylistes, a écrit elle même, sur Instagram, au compte officiel de la marque pour lui apporter son soutien.
Le succès de ce Petit Poucet du soulier est inédit en France, son port d’attache qui peine pourtant à lui laisser sa chance. Peut-être parce qu’à la différence des Etats-Unis, le pays de tous les possibles, la France (et les Françaises) privilégient encore et toujours les marques héritage. Mais, alors que LVMH a publié un chiffre d’affaires en baisse de 4,4% quand celui de Kering s’est effondré de 15%, l’avenir d’un luxe plus sensible semble radieux…
Site internet de Nomasei
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