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Du sud de Hell’s Kitchen au Meatpacking District, à New York, le paysage urbain ne cesse de changer depuis le début de la décennie, avec en point d’orgue l’immense projet immobilier Hudson Yards. Promenade le long de la High-Line qui fait le pont entre ces quartiers qui bougent et transforment l’ouest de Manhattan.
Hudson Yards : deux mots sur toutes les lèvres des habitants de Manhattan. Le projet pharaonique initié en 2012 par la ville et l’Etat de New York – le plus important de l’histoire des Etats-Unis financé par le privé – commence à prendre sérieusement forme, avec l’ouverture du premier immeuble en 2016 (le 10 Hudson Yards) et la croissance vitesse grand V de ses « frères » autour de lui. En tout, six nouveaux buildings auront vu le jour en 2024, étalés sur 11 hectares à l’ouest de Manhattan, pour un investissement de 20 milliards de dollars, avec le cabinet d’architectes Kohn Pedersen Fox, l’un des plus puissants du monde (la Tour First à Paris, l’ICC à Hong Kong), aux manettes.
Si c’est avant tout pour créer un nouveau centre névralgique dans Manhattan,son borough le plus encombré, que New York a lancé les grandes manœuvres d’Hudson Yard, elle veut aussi faire de ce nouveau far west un symbole de la ville. Il lui faut alors un iconic landmark au même titre que le Charging Bull (et la fillette en bronze qui lui fait face depuis peu) de Wall Street ou que l’Atlas qui trône devant le Rockefeller Center. Un challenge que le studio britannique Heatherwick a décidé d’accepter, en concevant le Vessel. Aucune fonction particulière pour ce monstre cuivré en construction, dont la livraison est prévue pour l’année prochaine. Il devra impressionner, attirer la sympathie des habitants et intriguer les touristes jusqu’à en faire un point de rendez-vous incontournable. Si vous avez pensé à la Tour Eiffel, alors vous êtes aussi ambitieux(ses) que son architecte… qui a osé cette comparaison lors de la révélation du projet en septembre 2016 (dont on vous parlait ici).
De grands projets qui, forcément, en appellent d’autres. C’est bien simple, à la sortie du métro on slalome entre les chantiers. Parmi les plus attendus, le 3 Hudson Boulevard sur la 34e rue, par Fxfowle Architects, dont l’inauguration est prévue pour 2019 et qui posera son imposante empreinte de 315 mètres de haut sur la skyline de Manhattan. L’horizon urbain de New York devra aussi s’habituer à un autre habitant tout aussi prestigieux : The Spiral, de vert et de verre, imaginé par Bjarke Ingels, qui dépassera lui aussi les trois centaines de mètres. Une effervescence et un nid à « archistars » qui attirent les firmes promptes à changer d’adresse (L’Oréal, CNN, HBO, Time Warner notamment). De grands groupes qui viennent s’installer au bord de la High-Line, quand Turtle Bay, Midtown et le sud de Manhattan trustaient alors tous les centres d’affaires de New York. L’ouest de Manhattan aura bientôt – a déjà ? – son mot à dire.
La ligne verte de New York
Une fois passés les chantiers d’Hudson Yards, derrière un grillage, presque une entrée dérobée, l’accès à la dernière portion de la High Line, inaugurée cette année. Etalée entre 2009 et 2017, l’ouverture progressive de la voie verte de New York touche à sa fin. Initiée par les habitants du quartier et approuvée par un Michael Bloomberg fraîchement élu en 2004, la réhabilitation de cette ancienne voie ferrée est, sans conteste, à l’origine de la transformation des quartiers qu’elle traverse et relie. Hudson Yards au nord, le prestige retrouvé de West Chelsea alors presque en déshérence et la mutation du Meatpacking District en quartier trendy, au sud. Tout au long du parcours, des panneaux d’agences immobilières, des immeubles signés d’architectes de renom comme Zaha Hadid et des œuvres d’art, posées ci et là. Une promenade qui a contribué à la réalisation de dizaines de projets immobiliers, dont plus de 30 sont encore à l’étude ou en construction. Impressionnant.
L’agitation qui chahute l’ouest de Manhattan ne se résume pas qu’à une bataille de skylines avec le reste du borough. Le Meatpacking district – oui, comme à Copenhague – connaît un destin similaire à son homonyme scandinave. Ancien quartier à éviter, il se fait tendance depuis le passage à l’an 2000. D’anciens abattoirs reconvertis en boutiques et concept-stores branchés, comme Artist and Fleas, bazar bobo-chic brooklynien qui a choisi le quartier pour installer sa boutique de Manhattan, des restaurants vegan et locavores à la pelle – ici, pas de Wendy’s ou de Taco Bell – et des boutique-hôtels chics à l’image du Maritime. Climax de cette gentrification (qui n’est pas terminée, on zigzague encore entre les pelleteuses et bétonnières), l’ouverture en 2015 du Whitney Museum of American Art. Une nouvelle fois, c’est un « starchitecte » à la manœuvre, l’Italien Renzo Piano.
Gentrifications en série, projets immobiliers de grande envergure, réhabilitation urbaine et culturelle, l’ouest de Manhattan gagne à la force du poignet sa place sur la carte de Manhattan. Mais ces trois quartiers ne deviendront pas le nouveau Williamsburg pour autant, la faute à des différences notables entre les prix des loyers et de l’immobilier. Là où les habitants du cœur de Brooklyn touchent en moyenne 32 000 $ par an et par ménage, ceux de Chelsea en gagnent 98 000 $ et ceux du Meatpacking 214 000 $. Mais ils offrent un nouveau visage à Manhattan, en transformant le paysage, puis en attirant une population plus jeune que celle de Midtown (36 ans contre 50 ans de moyenne d’âge). Un Brooklyn qui troque la bière pour des cosmo, en somme.
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