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La start-up berlinoise N26 entend devenir la banque de nombreux utilisateurs lassés de la lourdeur et du coût des réseaux bancaires traditionnels. Avec déjà plus de 1 million de clients en France et 5 millions dans le monde, le défi est lancé : atteindre 100 millions de clients de le monde.
Dans néobanque, il y a surtout « néo », et Jérémie Rosselli le vérifie quasi quotidiennement. Le patron France de la banque N26 travaille en mode start-up, avec changement de bureau incessant – les locaux du siège de Berlin sont vite devenus exigus –, missions multiples – jusqu’à s’occuper de distribuer le courrier – et, surtout, obsession permanente de l’amélioration de l’application mobile, sésame de ces établissements 100 % numérisés à la croissance fulgurante. « Quand j’ai été embauché il y a trois ans, nous étions 100 ; nous sommes aujourd’hui 1 500 et nous embauchons tous les jours », explique celui qui chapeaute une équipe permanente d’une centaine de collaborateurs à Paris sur un marché français déterminant.
Comme Revolut, son principal concurrent venu de Londres, N26 se targue d’être un établissement exclusivement en ligne et étranger à tout réseau bancaire traditionnel. C’est en fait une entreprise de technologie qui fait de la banque comme d’autres du commerce en ligne ou de la mobilité.
C’est d’ailleurs parce qu’il cherchait le « prochain Uber » que Jérémie Rosselli a spontanément candidaté auprès des fondateurs Valentin Stalf et Maximilian Tayenthal, deux trentenaires autrichiens passés notamment par Rocket Internet, qui ont choisi de s’installer à Berlin pour y trouver les talents et les investisseurs.
N26, disponible dans 25 pays
Créée en 2013, leur start-up s’est lancée deux ans plus tard, forte de sa technologie de rupture, ainsi que d’une licence européenne indispensable aux métiers réglementés de la banque. Dès l’origine, l’ambition est exponentielle : conquérir 100 millions de clients dans le monde.
Disponible dans 25 pays aujourd’hui, N26 a franchi le cap des 5 millions en janvier dernier, en doublant son score sur la seule année 2019, à la satisfaction – mesurée – de Valentin Stalf : « C’est une très belle réussite, mais la croissance n’est pas notre seul objectif. Si nous sommes aujourd’hui l’un des acteurs majeurs de la banque en ligne, notre premier objectif reste de défier une industrie qui peut être radicalement transformée. »
En creux, le constat est sans appel : le monde bancaire classique est figé et n’a pas su prendre le virage du numérique. En face, l’offre de N26 veut rendre fluide le rapport toujours délicat à l’argent : huit minutes chrono pour ouvrir un compte sur son smartphone, package de services simplifiés, service client disponible 7 jours sur 7 en cinq langues, tarifs moyens divisés par quatre (selon une étude KPMG de juillet 2019). « Nous faisons la preuve que l’expérience bancaire peut être simple et intuitive, poursuit son cofondateur. Nous avons beaucoup investi dans notre produit et le service proposé aux utilisateurs. »
Dans le top 10 des fintechs mondiales
Les innovations technologiques, les exigences réglementaires et l’expansion des équipes sont les principales sources de coûts. Pour les financer, alors que les revenus restent encore modestes, N26 a levé au total 670 millions de dollars, ce qui la valorise à 3,5 milliards de dollars et la place dans le top 10 des fintechs mondiales.
« La hausse de notre valorisation démontre le chemin parcouru, assure Maximilian Tayenthal. Les investisseurs nous font confiance. Cela va nous permettre d’accélérer notre développement à l’international. » L’an dernier, N26 est sorti des frontières de l’Europe pour la première fois, en visant rien de moins que le marché américain. Une ambition saluée par les investisseurs eux-mêmes : « L’idée que les meilleures start-up destinées au grand public naissent toutes dans la Silicon Valley est dépassée. N26 montre que l’innovation a changé de sens, elle va maintenant de l’Europe vers les Etats-Unis », avise James Fitzgerald, de Valar Ventures, le fonds du milliardaire Peter Thiel.
Si les entreprises de nouvelles technologies américaines ont peu investi le secteur financier, la menace se précise, et pas la moindre : les GAFA s’intéressent à la banque… Cette année, Google va proposer aux particuliers des comptes courants avec Citigroup, alors qu’Amazon travaille à une offre comparable. Apple a choisi d’entrer par le biais des cartes de crédit, tandis que Facebook prépare toujours sa cryptomonnaie Libra.
Dans le vieux monde, les réseaux traditionnels restent pris en étau entre la politique de taux bas des banques centrales, qui rogne leurs marges, et la mutation structurelle du modèle d’activité liée à la numérisation. En France, dans un secteur très contrôlé par la puissance publique et qui pèse près de 800 000 emplois au total, la Société générale ou BNP Paribas ferment des agences et réduisent les effectifs tout en s’installant timidement sur le marché en ligne.
Pendant ce temps, N26, comme ses jeunes concurrents, pense mobile et design de l’application, et annonce engranger 2 000 nouveaux clients par jour après avoir dépassé le million en trois ans (dès juillet 2019). N26 entend ainsi devenir la banque de plusieurs millions de Français. Seront-ils bientôt convaincus de lui confier leur argent ?
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