The Good Business
Dans le souci de satisfaire la curiosité de happy few chinois et de nourrir leurs rêves de glamour, le groupe Modern Media multiplie les partenariats afin d’offrir à ses compatriotes des magazines élitistes et luxueux. Homme de passion avant tout, son président fondateur, Thomas Shao, n’est pas un simple money maker, mais un insatiable curieux, définitivement amoureux du beau.
Gage de prospérité, une carpe rouge virtuelle frétille sous les pas du visiteur qui entre dans la salle de réunion de Thomas Shao : une galerie d’exposition, en fait, dont les sculptures modernes et les tableaux signés Damien Hirst (@hirst_official) ou Liang Yuanwei témoignent du goût artistique de ce collectionneur hors du commun. Car, au sommet de cette tour du quartier chic de Shanghai, voisine de la maison Hermès, mais aussi des vitrines de Cartier, de Dolce & Gabbana ou de Burberry, cet ancien édile de la ville de Canton collectionne aussi les magazines luxueux.
Depuis 1993, il en a lancé une bonne quinzaine, avec, chaque fois, un succès qui, à nos yeux d’Occidentaux, apparaît presque indécent en cette époque si éprouvante pour la presse ! Mais, contrairement au mauvais vent qui souffle sous nos latitudes, le formidable décollage économique de la Chine sert magnifiquement les ambitions de ce patron de presse passionné et insatiable. Car, si la belle diversité et la bonne santé des titres de l’empire Modern Media ne sauraient, hélas, témoigner d’une avancée démocratique de l’empire du Milieu, du moins reflètent-elles l’intérêt croissant de ses élites pour le monde extérieur, et l’émergence d’une classe moyenne.
Une curiosité insatiable
A l’instar du gigantisme des tours du nouveau quartier de Pudong ou de l’avide curiosité des Chinois, l’éclectisme des investissements réalisés par Thomas Shao sous forme de partenariats ou de joint-ventures semble n’avoir aucune limite (Bloomberg Businessweek, The New York Times, The Economist, AFP, Numéro, The Good Life, IDEAT…). Et, sur le front numérique, Modern Media est omniprésent, enregistrant 30 millions de téléchargements par an pour ses différents titres, dont 14 millions rien que pour l’application iWeekly, du magazine Modern Weekly. La stratégie du groupe étant de faire évoluer les marques de presse papier vers le numérique et d’y proposer des services (lifestyle, guide conso…), mais aussi vers l’événementiel (expositions, forums, salons…), de façon à développer, on-line et off-line, des communautés actives.
Dernière illustration de cette efficace stratégie d’un groupe de presse à l’affût des meilleures opportunités de développement et de diversification : la sortie sous licence, en mars 2015, d’IDEAT en chinois, qui s’est révélée d’emblée un franc succès. « Ici, tout est possible. Et même si le contexte reste parfois chaotique, on explore des voies nouvelles, on expérimente, on crée, sans même se demander si notre média doit être papier ou numérique », confie, enthousiaste, Shaway Yeh, l’élégante directrice de la rédaction lifestyle du groupe et du cahier « Modern Lady » du Modern Weekly. Numéro un des féminins en Chine depuis six ans, ce magazine est consacré à la mode et à l’art de vivre. Il se vend chaque semaine à 960 000 exemplaires, avec une audience de 1,8 million de lecteurs, sans compter, évidemment, les visiteurs du site web. Et les grands annonceurs ne s’y trompent pas, comme la maison Cartier qui s’offre régulièrement la double page de publicité d’ouverture. « La Chine est trop grande pour que nous puissions écrire pour tout le monde. Aussi, avec Modern Weekly, nous nous adressons à une élite, à la femme chinoise moderne, ambitieuse, curieuse, intelligente et énergique », ajoute Shaway Yeh, qui, en matière de contenu, ambitionne pour son titre d’être un peu le pendant du New York Times Magazine.