Lifestyle
Sept griffes incontournables, une sélection très subjective qui fait la nique aux mastodontes du secteur.
• Bode, Eloge de la lenteur. A tout juste 30 ans, Emily Adams Bode est la nouvelle sensation de la scène new‑yorkaise. Première femme à avoir présenté une collection de mode masculine à la fashion‑week, la styliste incarne une forme de « slow fashion », à rebours des grandes marques. Petites quantités produites (sur place), soin démesuré apporté à chaque pièce et, surtout, amour fou du recyclage. A partir d’un dessus-de-lit des années 20, elle fabrique de magnifiques blousons ; de rubans des années 70, des pantalons éclatants de lumière. En juin dernier, lors de son premier show à Paris, elle a demandé à ses mannequins de défiler lentement. Elle voulait que chacun puisse admirer les détails peints ou cousus main sur les vêtements. Ses collections sont disponibles dans plusieurs grands magasins (comme Bergdorf Goodman, sur la 5e Avenue), mais les passionnés iront visiter son studio, à Chinatown.
L’empire des sœurs Olsen
• The Row, Minimalisme étudié. Pendant huit saisons, elles ont incarné, à tour de rôle, la petite Michelle dans la série « La Fête à la maison ». Enfants stars, les sœurs jumelles Ashley et Mary-Kate Olsen ont depuis longtemps troqué les plateaux télé pour le monde de la mode. Elles ont constitué un véritable empire, composé d’une marque grand public (Elizabeth and James, dont le chiffre d’affaires est estimé à 40 M $), de parfums vendus chez Sephora (18 M $ dégagés en 2016) et d’une collection de luxe : The Row. Cette dernière a sorti sa première ligne pour hommes l’année dernière, centrée autour d’élégants costumes, et a reçu un accueil enthousiaste. Karl Lagerfeld louait le « goût, l’esprit et la modernité » de Mary-Kate. Leur très belle boutique de l’Upper East Side est à l’image de ce minimalisme étudié. Elle expose également des œuvres des plus grands designers, comme Jean Prouvé.
3 questions à Marisa Ma, cofondatrice de la marque Atelier & Repairs, spécialisée dans le recyclage de luxe.
• Atelier & Repairs, Fibre écolo.
The Good Life : L’industrie américaine de la mode ne jure plus que par le développement durable mais, chaque année, 90 millions de tonnes de vêtements finissent à la décharge, rien qu’à New York…
Marisa Ma : Certaines entreprises ne s’impliquent que pour des raisons marketing. D’autres ne s’engagent que sur des périodes courtes. Objectivement, ce n’est pas toujours simple de réorganiser sa chaîne de production.
TGL : Quelle est votre approche ?
M. M. : Nous récupérons des stocks militaires, des tenues professionnelles, des fins de collection, du vintage « classique »… et nous leur donnons une seconde vie. Nous travaillons aussi avec des marques existantes, pour les inciter à réutiliser les tonnes de chutes de tissus. Nous avons, par exemple, imaginé une collection entièrement recyclée pour la chaîne de magasins American Eagle Outfitters.
TGL : Avez-vous, parfois, l’impression de rejouer le combat de David contre Goliath ?
M. M. : Tous les jours ! Peu à peu, les choses changent : nous avons entamé des négociations avec de grandes entreprises, comme Nike. Il faut les convaincre que le développement durable ne représente pas forcément un coût, mais une opportunité économique. Chez Atelier & Repairs, le taux de fidélité de nos clients avoisine les 90 %.
Atelier & Repairs, chez Blue in Green, 8 Greene Street, Soho. www.atelierandrepairs.com www.blueingreensoho.com
• Supreme, Il était une fois en Amérique. Chaque jeudi, c’est l’émeute. La marque reine du streetwear a beau avoir soufflé ses 25 bougies, elle n’a rien perdu de son pouvoir de séduction. Avec ses casquettes, tee‑shirts et sweats à capuche, la marque au logo rectangulaire incarne la success‑story à l’américaine. D’un petit magasin de Manhattan ouvert par un fan de skateboard dans les années 90, l’entreprise est devenue une firme internationale, évaluée à 1 Md $. Symbole de l’influence du streetwear sur les podiums, Supreme a collaboré en 2017 avec Louis Vuitton. Son fondateur, James Jebbia, s’est vu remettre le titre de meilleur styliste de l’année 2018 par le Council of Fashion Designers of America (CFDA). Il succédait, entre autres, à Raf Simons, Thom Browne et Tom Ford.
Unisexe
• Official Rebrand, Gender free. Homme, femme, les deux ? Pour près de 40 % des Américains de moins de 24 ans, « le genre ne définit pas une personne comme cela pouvait être le cas auparavant » (étude de l’agence J. Walter Thompson Innovation Group). A New York, on ne compte plus les jeunes créateurs qui développent des lignes unisexes, explosant les codes et les certitudes. MI Leggett est l’un des visages de cette nouvelle génération « non binaire ». Sa marque Official Rebrand et ses créations, à la fois gender free et écolos (car basées sur la récup), l’ont propulsé sur les podiums de la fashion‑week, les scènes d’art contemporain (pour Miami Art Basel) et dans les colonnes du New York Times. A retrouver dans le concept-store The Phluid Project, sur Broadway, où tous les produits sont garantis sans aucune norme de genre.
• Pyer Moss, Styliste et activiste. Pour certains stylistes, impossible de rester en dehors de l’arène politique. Né à Brooklyn de parents haïtiens, Jean-Raymond Kerby se sert des podiums comme d’un porte‑voix. Violences policières, inégalités, discriminations… Avec le réveil de l’Amérique anti-Trump, ses messages trouvent une puissante caisse de résonance. Michelle Obama s’est affichée avec l’une de ses créations. Reebok lui a ouvert ses portes pour une collaboration remarquée et un prix de 400 000 $ vient de lui être décerné par le CFDA. Pas de quoi lui faire tourner la tête. Kerby reste toujours aussi exigeant sur ses lignes de « sportswear spirituel » et la qualité de son réseau de distribution.
Adieu la fast fashion
• James Veloria, la fripe c’est chic. Acheter une chemise flambant neuve, sortie tout droit d’un atelier ? Bientôt, cette idée pourrait paraître complètement ringarde, tant le marché de l’occasion prend de l’ampleur. Lutte contre le gaspillage, budget serré… En 2018, le secteur américain de la fringue d’occasion a représenté 24 Mds $ (étude ThredUp‑GlobalData) et, selon certaines projections. A New York, difficile de ne pas tomber sur un de ces thrift stores. Celui de Collin Weber et Brandon Giordano est connu de tous les amoureux de la mode, malgré son emplacement au fin fond d’un centre commercial de Chinatown. Le couple y présente des pièces des plus grands créateurs (Jean Paul Gaultier, Versace, Moschino…) pour moins de 200 $, et organise même des ventes thématiques, comme celle consacrée au travail du styliste Tom Ford.