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Voilà près de 90 ans que les célèbres baskets à semelle de caoutchouc chaussent les Français. Portrait d’une entreprise familiale qui a toujours su concilier tradition et modernité, perpétuées aujourd’hui par la dernière génération en date.
Il faut être bien informé pour savoir que c’est à Belleville que se cache l’une des plus anciennes entreprises de mode française. L’une des plus cultes aussi, qui a chaussé Jane Birkin comme de nombreux Français. C’est au cœur du passage Piver, niché dans le XIe arrondissement de la capitale, que Spring Court, célèbre pour ses baskets en toile et caoutchouc, s’est établie dès 1936. Les usines ont disparu, mais le cœur battant de la marque, lui, est toujours là, incarné aujourd’hui par trois sœurs, Florence, Laura et Theodora Grimmeisen. Les héritières d’une histoire de famille pas comme les autres, où se croisent tonneaux, amateur de tennis et Mai 68.
Spring Court en quelques chiffres
- 73 références pour adultes
- 4 design permanents
- 1 semelle ventilée brevetée
- 100 points de vente en France et en Europe
- 3 boutiques Spring Court à Paris
- 15% des ventes en ligne concernent le modèle G2 White Canvas
- Les principaux marchés : France 31%, Japon 29%, Europe (UK et Belgique) 22%, Australie 18%
Spring Court, une saga familiale
Pour mieux appréhender l’épopée Spring Court, il faut effectuer un saut dans le passé, lorsque la première génération de Grimmeisen s’installe en 1870 au sein du passage Piver, alors vaste friche industrielle.
La génération suivante exploite le caoutchouc, matériau révolutionnaire qui permet d’étanchéifier les fameux tonneaux, mais pas que. Sous l’impulsion de la troisième génération, menée par Georges Grimmeisen, grand-père des actuelles tenantes des lieux, la société évolue et se lance dans le chaussant. Joueur de tennis amateur, ledit Georges cherche à remplacer ses espadrilles par un soulier plus adapté à la terre battue. Il crée alors une chaussure confortable et ventilée en toile de coton et semelle de caoutchouc vulcanisé. Nous sommes en 1936, la tennis Spring Court est née.
« À son origine, Spring Court était un équipementier sportif qu’on trouvait dans les grandes enseignes », explique Florence Grimmeisen, aujourd’hui à la tête de l’entreprise avec ses deux cadettes.
Les années 60 et leurs séries de révolutions font bouger les lignes de la marque française, qui quitte les courts de tennis pour les pavés de la rue. « Les gens ont commencé à porter leurs chaussures de sport en ville », confirme l’aînée du trio, qui évoque aussi la kyrielle de stars chaussées de la célèbre tennis en toile blanche – Serge Gainsbourg, Jane Birkin ou encore John Lennon.
Un vent de fraîcheur souffle alors sur l’Hexagone et sur Spring Court, symbole d’une nouvelle génération qui n’hésite pas à bousculer les codes établis. Une philosophie qui anime encore la griffe aujourd’hui : « On essaie de continuer à cultiver cet esprit de liberté, gravé dans l’ADN de la marque », précise Theodora Grimmeisen, la benjamine.
Spring Court entre définitivement dans le vocabulaire courant lors des années 70 et 80. La marque est alors gérée par la quatrième génération de Grimmeisen, qui lui donne un second souffle. Ensemble, les parents de Florence, Laura et Theodora, font du passage Piver un véritable « éco-système d’activités [photographie, média, design, architecture, musique, restauration, ndlr] qui se répondent les unes aux autres mais vivent aussi très bien chacune de leur côté », explique Laura Grimmeisen.
Les dates-clés de Springcourt
1870 : Implantation au 5 passage Piver, 75011 Paris (siège actuel)
1917 : Création de l’entreprise familiale Société TH GRIMMEISEN
1936 : Naissance de la marque DSpring Court
2020 : Arrêt de la saisonnalité
2022 : Ouverture de la boutique rue du Poitou, à Paris
La chaussure transgénérationnelle et unisexe
Toutes trois n’envisageaient pas pour autant de rejoindre à plein temps l’entreprise familiale, même si elles semblaient y être prédestinées. Après avoir mené leur barque chacune de leur côté, les voici aujourd’hui associées et directrices générales. Florence fait beaucoup de photographie pour la marque et s’implique « un petit peu » dans la direction artistique que Theodora coordonne. Laura, elle, a commencé au service commercial, et supervise désormais le développement international, même si, de l’aveu général, chacune s’implique pleinement dans la vie globale de l’entreprise.
Reste à relever un défi de taille : « préserver et valoriser un patrimoine assez incroyable avec une très belle histoire », souffle Theodora. Le tout, sans le rendre poussiéreux ou le dénaturer. « Le secret, c’est qu’on se pose beaucoup de questions », affirme la directrice artistique de Spring Court.
« On est vraiment les garantes de l’histoire de la marque », abonde Laura. « On préserve ce qui est à préserver mais on veut aussi être en phase avec les enjeux de notre génération. » Le trio a ainsi fait le choix de sortir de la saisonnalité et de construire, autour de la célèbre basket G2 en toile blanche, un « vestiaire » de permanents où se mêlent classiques et modèles revisités.
Le tout en suivant les jalons posés 86 ans auparavant par leur grand-père : faire un produit utile et collectif, fonctionnel et unisexe. « Le genderless est une valeur hyper importante pour nous, qui est là depuis le début », abonde Theodora Grimmeisen. « Toute notre base de permanents a été pensée comme ça. »
Ces repères établis, le trio laisse désormais libre cours à sa créativité au travers de collaboration, d’éditions spéciales ou de collections capsules. Dernier projet en date : une capsule Temporelle, prévue pour début décembre, qui fusionne un modèle d’archive des années 70 et une boîte des années 60, tous deux retravaillés pour coller à l’ère du temps. Preuve que Spring Court sait plus que jamais concilier passé, présent et futur.