Mode : Levi’s, une impressionnante longévité

Par Alexis Chenu, le 18 mai 2022

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Lifestyle

Quasiment cent cinquante ans après le lancement du premier jean aux poches rivetées, Levi’s est toujours vivant. La marque a même enregistré des ventes record ces derniers mois. Engagée sur les sujets de société et d’écoresponsabilité, cherchant à se renouveler en permanence, l’entreprise semble avoir réussi son pari : durer.

L’histoire de Levi’s commence au milieu du XIXe siècle, époque à laquelle Levi Strauss, un Juif bavarois, s’installe aux États-Unis. Marchand de tissu à San Francisco, spécialiste des pantalons et salopettes de travail taillés dans des toiles de tente et destinés aux chercheurs d’or qui abondent alors en Californie, il met au point, en 1873, avec son complice et tailleur Jacob Davis, le premier jean Levi’s, cette-fois en toile sergée de Nîmes (le futur « denim »), breveté d’un système de rivets aux poches et des fameuses surpiqûres orange.

En 1890 est lancé le premier jean 501 en teinte indigo, équipé d’une braguette à boutons, de poches à rivets, et proposé en coupe droite. Initialement destiné au monde du travail et devenu l’icône du vestiaire des cow-boys, le modèle change de registre au début des années 30, époque où les étudiants et les femmes l’adoptent dans leur quotidien.

« Attribut du bad boy à l’image d’un Marlon Brando dans L’Équipée sauvage, symbole de rébellion avec James Dean dans La Fureur de vivre, ou objet de fantasme chez Marilyn Monroe qui le porte en version moulante, le jean devient universel, et se prête alors à toutes les coupes, explique Susan Lee, spécialiste du denim et à la tête du nouveau concept-store du denim vintage Wilder Los Angeles. On le voit en pattes d’eph au début des années 70 avec la génération Woodstock, en version taille haute dans les années 80, large et ample dans le vestiaire des rappeurs tels Dr Dre ou Ice Cube… »

En perte de vitesse au milieu des années 90, touché par une concurrence de plus en plus féroce – « de Diesel à H&M, tout le monde s’est mis à faire du jean » ajoute Susan Lee –, la marque, vieillissante, résiste et reprend finalement des couleurs avec l’arrivée en 2011 de Chip Bergh, auparavant chez Procter & Gamble et ancien capitaine dans l’armée de terre américaine. Pour redonner des couleurs à Levi’s, le nouveau patron lance un plan d’économies – et, avec lui, plus de 800 suppressions d’emplois – et met sur pied une nouvelle équipe avec James Curleigh comme leader (aujourd’hui à la tête des guitares Gibson).

Celui-ci participe à la « lifestylisation » de Levi’s, mise sur les marchés phares de la marque – les États-Unis, la France, son deuxième plus gros marché, l’Allemagne… –, élargit les gammes de prêt-à-porter et investit dans le numérique et le réseau de boutiques en propre pour rebooster les ventes. Des décisions qui ne tardent pas à porter leurs fruits. En 2017, six ans après l’arrivée de Chip Bergh, Levi’s repart de plus belle, une embellie confirmée en 2019 par la réintroduction en Bourse du groupe Levi Strauss.

Pour Levi’s, les actes valent plus que les mots

Pour rester dans le coup, la marque a su s’adresser aux jeunes et partir à la conquête des millennials. Après Brad Pitt dans les années 90, le chanteur et acteur Justin Timberlake est enrôlé dans les années 2010 pour plusieurs collaborations.

Levi’s réussit ainsi à traverser la crise sanitaire sans sombrer, et voit même ses ventes en ligne s’envoler, avec une croissance affichée à + 50 %. La firme américaine souhaite aussi s’ancrer davantage sur le marché féminin. « Nombre de nos pièces et de nos iconiques sont genderless comme le 501 ou la veste Trucker, indique Mathilde Vaucheret, directrice marketing Europe du Sud pour la marque. L’idée est que chacun puisse trouver ce qu’il veut chez Levi’s sans céder à certains dictats. Mais il est vrai que les collections se diversifient et les pièces féminines trouvent de plus en plus d’écho. »

Il y a deux ans, la marque lançait ainsi la production de son premier sac à main et faisait appel, quelques mois plus tard, à l’influenceuse Hailey Baldwin (épouse du chanteur Justin Bieber) pour incarner la nouvelle campagne 501. Elle défile alors, sur fond rose, en jean skinny ou short avec sweat à capuche et crop top… et fait bondir les ventes de la griffe. En parallèle, la marque s’offre des collaborations dans le vent (notamment avec New Balance), surprend en s’associant avec la licence Star Wars en 2020, et signe l’année dernière avec la marque de mode non genrée des Pays-Bas Atelier Réservé une collection unisexe et upcyclée.

Un engagement sur le terrain de la mode, sociétal et social qui résonne avec les nombreuses prises de position émises par Chip Bergh depuis son arrivée, de ses engagements sur la question de la réglementation des armes à feu et le soutien des communautés LGBTQ+ (Levi’s propose tous les ans sa collection Pride), jusqu’aux donations faites aux associations luttant contre le racisme.

« Chez Levi’s, on considère que les actes valent plus que les mots et qu’il est juste qu’une marque aussi démocratique et iconique que la nôtre puisse s’élever dans la défense de grandes causes », souligne Mathilde Vaucheret. Pour répondre aux nouvelles demandes des consommateurs, la marque continue de multiplier les innovations, des nouveaux matériaux Stretch surfant sur la vague « athleisure » jusqu’aux matières recyclées, à l’instar du 501 Original en denim recyclé.

Levi’s est sur tous les fronts. En octobre 2020, la firme annonçait la création d’une nouvelle plate-forme SecondHand, un programme interne de recyclage des anciens jeans, laissé jusqu’à présent à l’initiative des friperies du monde entier, et sur lequel Levi’s entend reprendre la main.

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