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Miami : la Magic City, capitale des Amériques - The Good Life
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Miami : la Magic City, capitale des Amériques

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Au cours de son histoire et de son développement politique, économique et culturel, Miami a su embrasser sa destinée de carrefour des Amériques. Aujourd’hui célébrée pour son creuset culturel et son identité hispanique, ainsi que pour son dynamisme récent, stimulé par l’influence grandissante des populations sud‑américaines, elle a gagné le surnom de « capitale de l’Amérique latine ».

Au restaurant Los Fuegos du Faena Hotel de Miami Beach, la salle est comble. Les clients sont venus savourer les plats de la superstar argentine Francis Mallmann. Première observation, ce n’est pas l’anglais qui anime les conversations, mais bien l’espagnol. Si l’on prête encore plus l’oreille, on peut se rendre compte que cet espagnol se teinte de mille et un accents chantants trahissant les origines des uns et des autres. Colombiens, Vénézuéliens, Cubains… Parfois, ce sont des sonorités portugaises qui signalent la présence de Brésiliens.

C’est dans l’un des hôtels les plus luxueux de Miami, imaginé par l’Argentin Alan Faena, que cette élite fortunée, élégante et sophistiquée se retrouve dans un entre-soi qui s’apparente à une mise en scène grandiose et sulfureuse d’une Amérique latine puissante et conquérante. « Miami n’est pas une ville comme le reste de l’Amérique du Nord. Pour moi, elle est plus latine qu’américaine. Quand vous parlez espagnol, vous êtes ici chez vous », explique notre chauffeur Uber pendant que la radio diffuse à plein tube des airs latinos. Il est né à Miami, mais ses parents sont cubains. Avec son épouse, vénézuélienne, ils se sont installés à Doral, une ville appréciée par les classes moyennes située près de l’aéroport.

Le quartier d’affaires de Brikell, prisé des Sud-Américains en quête d’investissements.
Le quartier d’affaires de Brikell, prisé des Sud-Américains en quête d’investissements. Young-Ah Kim

Dans cette enclave sud-américaine, 80 % de la population est hispanique – majoritairement vénézuélienne. La voiture finit par s’arrêter devant le Ball and Chain, un bar dansant incontournable de Little Havana et de la culture cubaine. A l’intérieur, des couples se déhanchent sur des rythmes endiablés pendant que, dans le patio, une soirée karaoké bat son plein, enchaînant des tubes et des chansons en espagnol, le tout dans une atmosphère qui fleure bon la nostalgie.

Aujourd’hui, cette portion de la Calle Ocho, patrimonialisée à dessein, offre une vitrine touristique de la culture cubaine. Cette immersion en deux temps rend palpable le fameux melting-pot propre à Miami. En effet, ici, plus de la moitié de la population est née à l’étranger, et 63 % des habitants parlent espagnol. Si son passé fut cubain, son présent et son avenir semblent être sud-américains.

Un Graal social, économique et symbolique

En 2017, la population sud-américaine de Miami compte 270 430 personnes et elle se classe deuxième par son nombre, après les Caraïbes (884 924 personnes) et devant l’Amérique centrale (200 239 personnes). Depuis une dizaine d’années, les Sud-Américains se démarquent par l’influence qu’ils exercent sur l’économie, en particulier sur l’immobilier, avec leur propension à vivifier et transformer ce secteur.

En 2015, le milliardaire Jorge M. Pérez déclarait à la presse : « La destinée de Miami est de devenir la capitale des Amériques, une ville globale où le Nord et le Sud se rencontrent. Les Sud-Américains sont aujourd’hui en train de changer la donne. Ce sont eux qui permettent au marché de l’immobilier de rebondir. » Né en 1949, à Buenos Aires, de parents cubains, Jorge M. Pérez, à la tête de l’entreprise Related Group, fondée en 1979, fait fortune dans l’immobilier.

Connu pour son activité philanthropique, son amour de l’art (le Pérez Art Museum a été nommé ainsi en son honneur) et sa fortune, estimée à 3 milliards de dollars, Jorge M. Pérez a fait de sa vie une véritable success-story. Il est l’une des incarnations vivantes et éclatantes de l’influence grandissante des Sud-Américains à Miami.

Jorge M. Pérez, le milliardaire et philanthrope argentin d’origine cubaine, a fait fortune dans l’immobilier. Le Pérez Art Museum a été même nommé ainsi en son honneur.
Jorge M. Pérez, le milliardaire et philanthrope argentin d’origine cubaine, a fait fortune dans l’immobilier. Le Pérez Art Museum a été même nommé ainsi en son honneur. DR

Cette population est généralement bien formée et, surtout, bien argentée. En effet, le boom économique amorcé il y a une dizaine d’années, malgré des fluctuations, a permis l’émergence d’une nouvelle classe moyenne relativement aisée dans des pays comme le Pérou ou le Brésil, pour laquelle l’investissement à Miami constitue un Graal social, économique et symbolique.

Leur profil socio-économique se caractérise par l’attrait pour un style de vie qui cristallise tout ce qui fait l’essence et le capital de Miami : une vie urbaine, vibrante, rythmée de restaurants gastronomiques, de bars branchés et de virées shopping « indécentes », l’accès à une nature époustouflante, une offre de divertissements quasiment infinie et d’alléchantes propositions d’investissement. Une étude effectuée par le Miami Downtown Development Authority, datant de 2016, montrait que 90 % de la demande pour des résidences dans les quartiers de Downtown et de Brickell émanait d’acheteurs étrangers, dont 65 % étaient originaires d’Amérique du Sud.

Jorge M. Pérez, le milliardaire et philanthrope argentin d’origine cubaine, a fait fortune dans l’immobilier. Le Pérez Art Museum a été même nommé ainsi en son honneur.
Jorge M. Pérez, le milliardaire et philanthrope argentin d’origine cubaine, a fait fortune dans l’immobilier. Le Pérez Art Museum a été même nommé ainsi en son honneur. daniel-azoulay

D’après une étude menée par l’Association des agents immobiliers de Miami sur la période allant d’août 2016 à juillet 2017, les acheteurs étrangers représentent 51 % des ventes de biens immobiliers dans le comté de Miami-Dade. A leur tête se trouvent le Venezuela (12 %), l’Argentine (9 %), le Brésil (9 %) et la Colombie (5 %). Le prix médian d’achat est de 339 300 dollars et les Brésiliens se démarquent avec un prix médian de 593 700 dollars, confirmant leur passion pour l’immobilier à Miami, bien moins coûteuse que dans leur pays. Par ailleurs, 70 % des ventes concernaient l’achat d’un bien immobilier secondaire par des clients résidant dans leur pays d’origine, démontrant que pour cette nouvelle génération, l’objectif n’est pas forcément de s’installer définitivement à Miami, mais de mettre son argent à l’abri dans des investissements sûrs et rentables.

L’industrie culturelle à Miami

Dès les années 80, les industries culturelles, et en premier lieu le secteur musical, misent sur Miami pour tirer profit d’un marché hispanophone florissant. C’est Sony qui prend l’initiative à l’issue du rachat de CBS Records en 1987, lui‑même déjà actif sur le marché latino‑américain depuis les années 40. L’ensemble des industries médiatiques et culturelles ne tarde pas à suivre. Aujourd’hui, Miami est l’un des trois centres mondiaux pour la production et la distribution de musique latina, après Madrid et Mexico. Toutes les majors de l’industrie du disque y sont présentes (PolyGram, Warner, EMI). Les grands médias audiovisuels hispanophones s’installent à partir des années 90. MTV Latin America s’établit en 1993, suivi des deux principales chaînes en espagnol des Etats‑Unis. Telemundo développe d’abord son siège dans la banlieue de Miami, à Hialeah, en 1999, avant de déménager dans le comté de Miami‑Dade, en 2016. Univision y installe ses studios de production de telenovelas en 2000. En outre, la radio occupe une place spéciale à Miami où, dès 1963, les stations La Fabulosa, WQBA‑La Cubanisima et WRHC-Cadena Azul (première radio détenue par un Cubain) sont les premières à ne proposer que des programmes en espagnol.

Un phénomène de « latinisation »

L’ambition de Miami de s’établir comme capitale de l’Amérique latine, ou des Amériques, est, en réalité, un tour de force pour cette ville vieille de seulement 122 ans et dont le développement, la croissance et le statut n’avaient, à l’origine, rien d’évident. Certes, la position géographie de Miami, à 350 km de La Havane et à 800 km de la côte du Yucatán, est une donnée favorable pour faire de Miami un pont avec les Caraïbes et, plus généralement, avec l’Amérique latine.

Miami ne serait donc jamais devenue ce qu’elle est sans l’immigration cubaine des années 60. Cette période, qui se prolonge jusqu’aux années 80, contribue à profondément changer la composition ethnique de la ville en lui conférant une forte identité cubaine. A partir des années 80, l’agglomération est soumise à un phénomène général de « latinisation ». Dès les années 90, on note parmi les communautés les plus importantes, la place prépondérante des pays d’Amérique centrale et des Caraïbes (Nicaragua, Mexique, Honduras, Porto Rico), mais en réalité toutes les nations d’Amérique latine et des Caraïbes sont représentées.

Implantée dans le quartier de Brickell, la banque Santander surfe sur l’engouement des Sud-Américains pour Miami.
Implantée dans le quartier de Brickell, la banque Santander surfe sur l’engouement des Sud-Américains pour Miami. DR

La proportion importante de tant de communautés sud-américaines peut s’expliquer par le contexte politique de leurs pays respectifs. Les Colombiens fuient l’instabilité politique de leur pays dès les années 80. Aujourd’hui, ils forment le groupe sud-américain le plus important du comté de Miami-Dade. L’élite vénézuélienne a plié bagage après l’élection d’Hugo Chávez, en 1998. En dix ans, cette communauté a crû de 117 %. Les Argentins, quant à eux, ont cherché à sécuriser leurs investissements des fluctuations économiques de leur pays. Ces communautés investissent leurs richesses et contribuent activement à densifier les activités commerciales.

Dès 2012, la région englobant Miami et Fort Lauderdale éclipse Los Angeles et devient l’aire métropolitaine la plus dense en termes d’entreprises et de commerces appartenant à des immigrants. Miami se distingue, par ailleurs, par la présence importante de multinationales et de banques internationales établissant de plus en plus des filiales spécifiquement orientées vers le marché local ou latino-américain. En effet, la région métropolitaine de Miami sert de base d’opérations à destination du marché latino-américain à plus de 1 100 multinationales, ce qui représente des revenus annuels de plus de 221 milliards de dollars.

Fuyant le régime castriste dans les années 60, la bourgeoisie cubaine s’est installée dans Little Havana.
Fuyant le régime castriste dans les années 60, la bourgeoisie cubaine s’est installée dans Little Havana. DR

Elles se démarquent également par la diversité de leurs activités : banques, télécommunications, mode et cosmétiques, luxe ou encore industries musicales et télévisuelles. Au printemps 2018, Telemundo, l’une des deux principales chaînes de télévision en espagnol aux Etats-Unis, dévoilait en grande pompe son nouveau siège social à Miami. Un campus qui a nécessité 250 millions de dollars d’investissement, pour plus de 46 000 m2, et pouvant accueillir 1 500 employés. L’objectif est, entre autres, d’y centraliser la production de telenovelas en prenant exemple sur les studios hollywoodiens. De centre d’opérations bancaires et commerciales, Miami s’institue progressivement en hub régional de l’entertainment latino. L’avenir de Miami est plus que jamais latino-américain.


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