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The Good Culture // Books

Les 10 meilleurs livres de la rentrée littéraire 2024

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The Good Culture

Ils sont 459 romans à être publiés de la mi-août à la mi-octobre en cette rentrée littéraire 2024. Comment faire son choix ? Entre les très attendus romans d’Emma Becker, d’Alice Zeniter ou de Gaël Faye, les premiers romans de Ruben Barrouk ou de Monia Aljalis, la traduction plébiscitée d’Andrew O’Hagan ou les évidences comme celle d’Isabelle Pandazopoulos, découvrez notre choix.

En plus de lire les meilleurs livres de la saison, vous saurez pourquoi on parle de « rentrée littéraire ». Un phénomène qui s’est construit grâce aux prix littéraires au fur et à mesure du temps. Après tout, un livre pourrait sortir quand bon lui semble sur les étagères de nos libraires, et il en existe un tas qui continue de le faire ! Oui mais ce serait manquer le buzz que constitue la ligne de départ, l’attention médiatique, le « marronnier » à traiter, comme on l’appelle en presse pour un sujet récurrent et prévisible. De plus, les prix les plus réputés se concentrent entre octobre et novembre, et même s’ils récompensent les livres sortis durant l’année, les éditeurs, eux, pensent leurs sorties juste en amont, galvanisés par la bataille à venir. Du côté des libraires, c’est la même folie, car il faut trier, choisir, constituer ses têtes de gondole. Déjà des noms ressortent, des ouvrages sont attendus, les premiers livres sont scrutés… Puis vient le temps des critiques.


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10 livres qui enflamment cette rentrée littéraire

« L’extase » de Monia Aljalis

Cru, vrai, intrépide, qui du roman ou de son personnage principal nous impressionne le plus ? Le phrasé y est rythmé, annexant joyeusement la poésie, hurlant une lucidité crasse, le tout pour raconter l’histoire de Leyla sur une nuit entière, jeune femme perdue de son temps, « écartelée entre Afrique et France » pour citer une chanson de Gaël Faye. Ça sent le cul et les règlements de compte. Avec soi-même comme avec la société, vide de sens. Monia Aljalis ne mache pas ses mots, étalant devant nos yeux ahuris une vie dont on ne voudrait pas et qu’on vit pourtant tous. La proposition est différente, ponctuée de : « La morale ? Oui – ses amis ne cessent de lui expliquer qu’il faut s’en affranchir, des kilomètres de philosophie, la raison et la logique comme armes contre l’obscurantisme car nous c’est les Lumières, mais une fois le terrain déconstruit, on met quoi à la place de la morale que lui ont inculquée ses parents, de leur culture, leur religion, leur rigidité, leurs difficultés, leurs traumatismes, tout ça ? Qu’offrez-vous, à part du Lexomil et de quoi le rembourser ? Aux armes etc., de la tise et de la schnouf à faire planer un coucou au-dessus de l’Everest ! » Une petite claque.

« L’extase » de Monia Aljalis, aux éditions du Seuil

rentrée littéraire 2024 livres bouquins

« Les Éphémères » d’Andrew O’Hagan

Salué outre-manche et outre-Atlantique, le dernier ouvrage en date de l’Ecossais Andrew O’Hagan est sorti à la fin de l’été dans sa version française. Une ode à l’amitié y est racontée en deux temps : les souvenirs des années 80 (et plus précisément l’année 86 et un voyage initiatique à Manchester) puis, devenus adultes, une terrible nouvelle mettant un point final à cette amitié. Le livre est bourré de références, citations de films comme titres de chansons, donnant l’impression de s’immiscer dans un vrai groupe d’amis dont les répliques fusent à toute allure et où les private jokes nous laissent un peu sur le bas-côté. A mesure des pages, on y trouve enfin sa place, coincé entre l’intello (le narrateur) et le charismatique Tully Dawson, tous deux partageant un tas de problèmes avec leurs pères et une envie de grandeur. Il y a un peu de l’histoire de Peter Pan dans ce roman qui magnifie l’adolescence et cette période qu’on ne voudrait jamais quitter, ou, du moins, jamais oublier. « La jeunesse est une sorte de célébrité pour certains » glisse le narrateur. N’oublions cependant pas la deuxième partie, qu’il faut taire pour en préserver l’impact, tout aussi émouvante et prenante.

« Les Éphémères » d’Andrew O’Hagan, aux éditions Métailié

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« Le Mal Joli » d’Emma Becker

Dans cette nouvelle autofiction, qu’Emma Becker s’était pourtant promis d’éviter, l’autrice raconte son coup de foudre pour un aristocrate-auteur-journaliste-chroniqueur d’opéra alors qu’elle est mariée et a deux enfants. Évidemment c’est une petite sensation de la rentrée littéraire, elle qui ne se plie à aucune règle sinon celle – espérons ! – de la vérité et qui vient ici raconter son aventure. Le livre a été écrit en direct de cette histoire qu’elle veut décortiquer pour mieux réussir à tuer. Pourtant tout s’emballe et le cœur a ses raisons que la raison… Vous connaissez la suite. Dans son style devenu sa signature, mêlant belles phrases et langage cru – décrivant durant un chapitre entier son nettoyage de cul avec une poire à lavement – Emma Becker se place dans la lignée des Anaïs Nin, Colette, ou Hervé Guibert et Roland Barthes qu’elle cite elle-même. Car quoi de plus banal que de tomber amoureuse que d’un autre homme que son mari ? Le procédé a mille fois été raconté. Il est toujours d’actualité. Et c’est dans les pensées de cette femme – ô combien dure avec elle-même – qu’on réfléchit aux classes sociales, aux maitresses vis-à-vis des époux, à la force du sexe, à la définition de la passion. L’écriture est plaisante, les scènes de cul torrides et les réflexions sur la maternité, tout comme son ouvrage « L’Inconduite » du même éditeur Albin Michel, certainement les plus précises et incontestables. Un témoignage en résumé.

« Le Mal Joli » d’Emma Becker, aux éditions Albin Michel

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« Frapper l’épopée » d’Alice Zeniter

Voir le nom d’Alice Zeniter sur une couverture, c’est avoir la certitude qu’on lira un grand roman et qu’on en ressortira moins bête. « Frapper l’épopée » ne déroge pas à la règle. Dans ce nouvel ouvrage, l’autrice raconte la complexité de la Nouvelle-Calédonie (sans même évoquer sa brulante actualité puisque l’histoire se déroule en 2022) en imaginant des indépendantistes qui mènent des actions non violentes, poétiques, voire clownesques pour demander « que veut dire ne pas être chez soi quand on y est pourtant ? ». Avec l’aide de son personnage principal Tass, elle écrit une fois encore une épopée où l’aventure reste la quête de son identité. En mêlant habilement son récit à celui de ses personnages, Tass croise même un Algérien déporté, ancêtre de l’autrice. Difficile de résumé ce livre de 352 pages tout à la fois encyclopédie, journal, ouvrage de philosophie ou de sociologie, mais si vous avez aimé « L’art de perdre » aux éditions Flammarion, n’hésitez pas une seule seconde. Pour les autres, prenez votre courage à deux mains et entrez sur le Caillou.

« Frapper l’épopée » d’Alice Zeniter, aux éditions Flammarion

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« Kiffe kiffe hier ? » de Faïza Guène, un astre en cette rentrée littéraire

Faïza Guène n’a rien perdu de sa verve. C’est comme une réadaptation d’un film qu’on attendait depuis des années : il y a 20 ans sortait son premier roman « Kiffe kiffe demain » publié chez Hachette Littératures, l’histoire de Doria (alter-ego de l’autrice), 15 ans, franco-algérienne, « un sens aigu de la vanne » disait la quatrième de couverture et l’intelligence de comprendre le mot trop tôt. Aujourd’hui que lui est-il arrivé ? Doria est bientôt divorcée, au chômage, 1 enfant du nom d’Adam. Pour son septième roman, Faïza Guène a voulu reprendre l’histoire dans laquelle elle peut filer un monologue et se questionner. Ou en est-on du mariage, du travail, de l’éducation des enfants, de la religion, des complotistes ? Une photographie de l’époque dans laquelle elle se demande « qu’est-ce qui a déconné ? » Certainement pas Doria et son empathie. N’allez pas croire à une complainte en 270 pages, non, le tout est joyeux, drôle et parfaitement inratable.

« Kiffe kiffe hier ? » de Faïza Guène, aux éditions Fayard

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« Personne morale » de Justine Augier

Un dixième ouvrage dans la lignée de ce que Justine Augier sait faire de mieux : enquêter, dénoncer, dévoiler au monde sa face la plus crasse. Son nouveau livre s’intéresse au cimentier Lafarge, « fleuron de l’industrie française », mis en cause devant les tribunaux pour avoir, dans la Syrie en guerre, maintenu coûte que coûte son activité à Jalabiya jusqu’en septembre 2014, « versant des millions de dollars à des groupes djihadistes, dont Daech, en taxes, droits de passage et rançons, exposant ses salariés syriens à la menace terroriste après avoir mis à l’abri le personnel expatrié ». Cette autrice, ex-humanitaire, documente, rassemble, résume le travail acharné d’avocates, juristes et stagiaires qui veulent croire en la justice, préparent leur plainte, la dépose puis travaillent l’audience. 288 pages passionnantes qui construisent méticuleusement l’affaire et invitent à déplacer le regard pour entrer dans la brèche. Ou quand la stupeur laisse place à la colère.

« Personne morale » de Justine Augier, aux éditions Actes Sud

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« Cabane » d’Abel Quentin

Abel Quentin n’en finit plus de taper dans le mille. On avait adoré « Sœur » (sélection prix Goncourt 2019) et « Le Voyant d’étampes » (prix de Flore, finaliste Renaudot et sélection Goncourt 2021), Cabane est le troisième roman de cet écrivain et avocat. Il y raconte l’impact du « Rapport 21 » écrit par quatre chercheurs, pendant romanesque du vrai rapport Meadows (publié en 1972 et racontant, déjà, « Les Limites à la croissance »), qui annonce qu’en 2020 la capacité de charge de la planète sera dépassée, tandis qu’en 2050 s’en sera fini pour nous. Il y a évidemment quelque chose du « déni cosmique » de « Don’t Look Up » chez ces quatre scientifiques – Mildred, Eugène, Paul et Johannes – tentant d’éveiller les consciences et largement ignorés, voire critiqués. Que sont-ils devenus ? Comment peut-on vivre lorsqu’on connait la fin ? Ont-ils respecté leurs recommandations ? Autant de questions auxquels vous devriez répondre sans trop de mal. L’hypocrisie de l’inaction humaine au sommet de l’ironie cinglante ou la définition – en 480 pages – de la politique de l’autruche.

« Cabane » d’Abel Quentin, aux éditions Observatoire

Cabane » d’Abel Quentin

« Tout le bruit du Guéliz » de Ruben Barrouk

Sur la couverture, une photo jaunie du quartier de Guéliz à Marrakech donne le ton de ce premier roman aux airs de conte. Ensuite, une dédicace, « à Paulette, ma grand-mère », apporte un autre indice. Ruben Barrouk est né en 1997 à Paris. En 2022, il part sur les traces de sa famille séfarade à Marrakech, où vit sa grand-mère. Il y vient avec sa mère pour mener l’enquête d’un bruit persistant qui « hante et tourmente ». Sur place ils n’entendent rien du tout. Est-ce un prétexte pour faire venir sa famille ? Est-ce un prétexte pour nous faire lire ce livre ? La pérégrination peut commencer. Et sur le chemin de ce pèlerinage familial, un bruit qui, pour ceux qui y prêtent une oreille attentive, raconte avant tout les exodes, les liens perdus, mais, surtout, « celui d’un temps où l’on vivait ensemble ». Un texte mature, poétique, humaniste – qui a déjà reçu le prix du Premier roman à la 6ème édition des Ecrivains chez Gonzague Saint-Bris – qui nous fait voyager au Maroc sur les traces de notre mémoire collective. Splendide !

« Tout le bruit du Guéliz » de Ruben Barrouk, aux éditions Albin Michel

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« Les Sept maisons d’Anna Freud » d’Isabelle Pandazopoulos

« Anna Freud, née le 3 décembre 1895 à Vienne et morte le 9 octobre 1982 à Londres, est une psychanalyste, née en Autriche, puis exilée en Angleterre en 1938, et naturalisée britannique. Elle est la fille du psychanalyste Sigmund Freud », dit sa fiche Wikipédia. Heureusement, Isabelle Pandazopoulos est là pour nous en dire plus. Loin d’un récit chronologique, l’autrice se sert d’Amy, une garde malade venue soigner Anna et qui l’écoute attentivement retracer sa vie, par bribes, pour énoncer les grands événements du clan Freud, leur exil à Londres, l’annonce du cancer de Sigmund Freud (ce qui permet à l’autrice de relater merveilleusement les dernières années du célèbre neurologue autrichien, fondateur de la psychanalyse) mais n’oubliant jamais que son personnage principal est Anna. Dernière de la fratrie, anorexique, souvent dépressive, elle suit des analyses dirigées par… Son père. Elle devient institutrice Montessori puis psychanalyste à son tour, la seule parmi ses frères et sœurs, avec pour but d’aider les enfants en souffrance. On lit également sa liaison avec Lou Andréas Salomé, amie du père, née à Saint-Pétersbourg, femme de lettre et elle aussi psychanalyste puis avec une Américaine exilée du nom de Dorothy. Bref, une saga familiale totale où l’amour père-fille sublimé ne fait pas oublier un gros complexe d’Œdipe.

« Les Sept maisons d’Anna Freud » d’Isabelle Pandazopoulos, aux éditions Actes Sud

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« Jacaranda » de Gaël Faye

Ô combien le deuxième roman est difficile après un unanime succès ! Et pour avoir mis 8 ans à l’écrire, on sent bien que l’artiste chanteur compositeur et écrivain Gaël Faye le sait pertinemment. Lui qui ne laisse rien au hasard, on l’imagine récrire ses phrases, peaufiner son texte, déplacer des mots jusqu’au rendu du manuscrit. Maintenant que « Jacaranda » est entre nos mains (depuis mi-août), force est de constater que c’est un succès (il s’installe tranquille dans le quator de tête des meilleures ventes). Dès les premières pages, des saillis tel que « l’hôpital est un bateau de nuit qui recueille l’humanité du fond du gouffre, les grands brûlés de l’effort de reconstruction, les éreintés des pressions familiales, les épuisés des conventions sociales » nous rassure, on l’entend presque chanter. Forcément, le deuxième roman de l’auteur de « Petit Pays » est une sensation de la rentrée littéraire. Mais l’écrivain est au rendez-vous. Il convoque de nouveau le Rwanda dans des pages au style classique. Dans la presse, Télérama pour être exact, on lit : « Après, vous ne m’entendrez plus sur le Rwanda, ça me coûte trop. » Car trente ans après l’indicible, Gaël Faye ne se ménage pas pour trouver les mots pour parler du génocide des Tutsis, qui a fait un million de morts entre avril et juillet 1994. Il fait de son protagoniste, Milan, un franco-rwandais qui ne connait rien de son histoire mais veut comprendre, même face au silence persistant de sa mère, un infatigable chercheur qui pose un premier pied à Kigali à 16 ans, en 1998. Le livre le suit dans sa quête longue de 26 ans pour retrouver ses racines. Il y rencontre cinq générations de personnages ayant tous connus un Rwanda différent et relate les répercussions de la violence extrême sur un peuple inguérissable, faisant de cette histoire, une histoire universelle.

« Jacaranda » de Gaël Faye, aux éditions Grasset

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