Culture
A 48 ans, le publicitaire australien, passé par DDB, M&C Saatchi et Y&R, dirige la création chez J. Walter Thompson Worldwide depuis près de deux ans. Ses efforts d’harmonisation du réseau mondial permettent aujourd’hui à l’agence new-yorkaise de défier ses rivales les plus créatives.
Sa devise ne le quitte pas, elle est accrochée dans son bureau : « Travailler dur et être aimable. » Il a en horreur les génies qui terrorisent leurs collaborateurs et n’embauchent que des passionnés affables. Matt Eastwood dirige la création, au niveau mondial, de l’une des plus anciennes agences de publicité américaines, J. Walter Thompson (JWT). La filiale du géant de la communication WPP fêtait ses 150 ans quand il l’a rejointe, en juillet 2014. La place était alors vacante depuis cinq ans. Le p-dg argentin Gustavo Martínez, arrivé quelques mois plus tôt, voulait recentrer JWT sur la créativité, et le parcours international du jeune quadra australien l’a séduit.
La carrière de Matt Eastwood, entamée à Perth, sa ville natale, comme rédacteur publicitaire chez FCB, l’a mené à Sydney puis à Londres, chez M&C Saatchi, dont il avait cofondé, à 29 ans, la filiale de Melbourne, avant de se poursuivre à New York, à la direction de la création du bureau de Young & Rubicam, puis à celle de DDB. Chez JWT, le publicitaire a passé sa première année à voyager dans une douzaine de pays afin d’identifier les forces et les faiblesses des principaux bureaux. Un long processus d’analyse basé sur l’écoute. « J’ai découvert qu’il existait un talent incroyable à travers le réseau de l’agence, mais que nous n’étions pas cohérents, précise-t-il. Mon objectif était d’aider chaque bureau à devenir aussi bon que les meilleurs d’entre eux, et de m’assurer que la créativité était au cœur de cette transformation. » La priorité était de renforcer le siège de Manhattan, sur Lexington Avenue, avec la nomination d’un nouveau directeur de la création New York – ce sera Brent Choi, qui dirige également la création de la filiale canadienne depuis février 2013. Matt Eastwood a étroitement travaillé avec ses douze directeurs de la création à travers le monde, autant de relais sur le terrain qu’il continue de consulter régulièrement. Il a également donné un nouveau souffle, jouant à la fois sur l’émotion et sur l’humour, sa marque de fabrique.
La campagne de publicité cocasse de 2012 « Yeah, that kind of rich » pour la loterie de New York, déclinant les caprices les plus improbables des heureux gagnants, l’avait propulsé en tête des créatifs les plus en vue du secteur. Mais ce sont surtout ses campagnes porteuses de messages universels, comme « Hashtag Killer » pour l’association Water Is Life, qui lutte pour un meilleur accès à l’eau potable dans le monde, qui ont marqué son passage chez DDB. Une recette qu’il a importée chez JWT, avec, l’an dernier, « Glass Ceilings » pour KPMG et, récemment, la série documentaire « Her Story : The Female Revolution », des portraits de femmes d’influence. Originalité de cette création de la division Entertainment de BBC World News : pas de produit, mais une idée à vendre. Un site web – complémentarité indispensable – a été créé pour la présentation du projet et des services autour du thème, en plein développement, du leadership féminin.
Près de deux ans après son arrivée, le big boss de la création recueille les fruits de son travail : en mars dernier, lors du 10e Dubai Lynx Festival, JWT a été élue « Réseau de l’année ». De bon augure pour les Cannes Lions de juin – dont Matt Eastwood a présidé le jury l’an dernier – et une reconnaissance qui permet d’espérer concurrencer les agences les plus créatives, DDB et BBDO en tête. Et s’il parcourt toujours le monde, c’est dans sa ville d’adoption, entre son appartement de Greenwich Village où il vit avec son époux Adrian Pollack, et leur maison d’Upstate New York, que Matt Eastwood puise l’énergie et l’inspiration. « Les New-Yorkais sont les individus parmi les plus passionnés au monde. Il y a tant d’idées nouvelles qui circulent ici ! Quand on veut essayer quelque chose de nouveau, on commence toujours par New York. »