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La maison Bonnet, une vision hors mode
L’écaille, matière rare et précieuse, strictement réglementée. Proche de la peau, elle prend sa température, s’autogreffe et se répare facilement.
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The Good Business

Maison Bonnet : les lunettes parmi les plus élégantes du monde

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Lunetiers de père en fils depuis quatre générations, les Bonnet façonnent sur mesure des lunettes en écaille à l’élégance discrète, qui incarnent l’acmé du style. Gestes et secrets de ce savoir-faire se transmettent depuis quatre-vingts ans, tissant une histoire de famille, d’héritage et de modernité.

Une dynastie familiale

L’histoire de la famille Bonnet commence dans les années 30, avec l’arrière-grand-père Alfred, employé dans un atelier jurassien, à Morez – ville spécialisée dans les créations en or et en écaille et encore considérée comme la capitale de la lunetterie. Son fils Robert intègre la maison Achard avant de devenir directeur de fabrication chez Boidot – soit deux des plus belles enseignes de l’époque –, et de fonder sa propre entreprise, en 1950. La maison Bonnet se spécialise tout de suite dans la fabrication de lunettes sur mesure, réalisées à la main et conçues seulement dans des matières précieuses. Robert est un amoureux de l’écaille et ses montures séduisent les grands de ce monde, têtes couronnées, hommes de lettres et personnalités de la politique et du spectacle. Son fils Christian, héritier des précieux secrets, des stocks et de l’outillage des derniers grands artisans, s’emploiera à l’enrichir. En 1980, il succède à son père. Élevé au rang de maître d’art vingt ans plus tard, il rejoint le cercle fermé de 74 artisans qui incarnent l’excellence française par leur savoir-faire unique dans leur corps de métier. Christian Bonnet continue de travailler depuis son atelier de Sens, dans l’Yonne, tandis que son fils Franck s’inscrit dans la continuité de la tradition créative familiale. Nommé président en février dernier, et rejoint depuis peu par son frère Steven, Franck est spécialisé dans l’acétate. En 2007, la maison Bonnet s’est vu décerner le label Entreprise du patrimoine vivant (EPV).

Imagine-t-on Yves Saint Laurent sans ses larges montures d’écaille ? Marcel Achard dépouillé de ses bésicles rondes ? Jackie Kennedy sans ses hublots oversize ? Le Corbusier avait fait de son accessoire d’écaille noire un véritable signe distinctif, un élément indissociable de son style au même titre que son nœud papillon, rejoignant ainsi cette « famille » qui, depuis les années 50, combine une certaine idée de l’élégance et de la discrétion.

Les lunettes Bonnet ne portent pas de marque gravée sur la branche, pas de logo. « Pourtant, nos clients se reconnaissent entre eux », s’amuse Franck Bonnet, quatrième du nom et actuel héritier de cette dynastie de la lunetterie. Les derniers des Mohicans à travailler dans le sur-mesure. « Maison Bonnet n’est pas une marque, mais un badge social, assène-t-il, attaché, comme son père, Christian, son grand-père Robert et son aïeul Alfred, à l’exclusivité de cette maison de luxe. La seule identité affichée, c’est qu’elle vous va bien. On ne ressort pas de nos ateliers avec une tête de bête de mode. »

Un showroom discret, situé à l’orée du Palais-Royal.
Un showroom discret, situé à l’orée du Palais-Royal. Young-Ah Kim

Ce n’est pas un hasard si le showroom de cette discrète enseigne s’est glissé, en 2009, à l’orée du Palais-Royal. Certes voisin du parfumeur Serge Lutens ou du maroquinier Delvaux, mais légèrement en retrait, dans un passage. On n’y atterrit pas par hasard, il faut un peu le vouloir. Derrière la vitrine classée, quelques rares montures, présentées comme des bijoux, flottent au-dessus de longs tiroirs abritant les collections et la « bibliothèque de styles » de la maison.

Voilà pour la partie visible de l’iceberg. Pousser la porte relève ensuite un peu du rite initiatique. C’est au sous-sol que les choses sérieuses commencent, dans cette crypte voûtée du XVIIe siècle où se déroulent les tête-à-tête avec les clients venus se faire concocter une monture sur mesure. Georges Simenon, pipe au bec et lunettes d’écaille claire sur le nez, veille sur un fouillis de lunettes, tandis que des tortues naturalisées ornent les murs, rappelant que leur carapace reste à l’origine du futur miracle esthétique.

On y a souvent vu Jacques Chirac poser une fesse sur un coin de table et plaisanter. Il n’est pas rare aujourd’hui d’y croiser Yvan Attal, Vincent Perez, Audrey Pulvar, Noé Duchaufour-Lawrance ou encore Valérie Lemercier, fidèle au modèle Louise. Le registre des commandes est lui aussi un bel exercice de name dropping. En plongeant dans les archives, on tombe sur Maria Callas, Sacha Guitry, Audrey Hepburn ou Henry Chapier. Plus récemment, sur Olivier Lapidus, Tilmann Grawe, Valéry Giscard d’Estaing ou Christian Liaigre. Certains VIP, en quête d’absolue discrétion, sont reçus de l’autre côté du passage, dans un salon privé traité en cabinet de curiosités qui rassemble la collection familiale d’objets en écaille et les trésors de Franck Bonnet, infatigable chineur.

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