The Good Business
Au cours des 10 dernières années, rien ou presque ne s’était construit à Madrid. Et voilà qu’un nouveau chantier majeur vient de débuter, symbole d’une renaissance attendue de tous, et en particulier des architectes.
Une nouvelle tour va rejoindre les quatre qui forment, dans le quartier des affaires, l’unique et petite skyline madrilène. Elle est signée Fenwick Iribarren Architects, agence fondée à Madrid en 1990 par Mark Fenwick et Javier Iribarren. Ce projet, réalisé en collaboration avec Fernando Serrano Suñer, redonne enfin l’occasion à ce bureau de construire dans sa ville. Le projet commandé par la municipalité a été confié, à l’issue d’un appel d’offres, à un partenariat entre le conglomérat espagnol Villar Mir et la société immobilière philippine Megaworld Corporation. Ouverture prévue en septembre 2020.
The Good Life : Comment avez-vous maintenu l’activité de votre agence pendant les années de crise ?
Mark Fenwick : Tout d’abord, il a fallu prendre conscience de son ampleur, que beaucoup ne semblaient pas voir. En quelques mois, le marché local de l’architecture a chuté de 95 % et de nombreuses entreprises ont dû fermer. Mais si l’on se fie à l’idéogramme chinois représentant le mot crise, « danger » égale « opportunité ». Nous avons donc sillonné le monde à la recherche de clients et avons trouvé notre salut au Qatar. Parce que nous avions déjà construit un stade en Espagne – celui du RCD Espanyol à Barcelone –, nous sommes maintenant en mesure de construire trois des huit stades qui serviront pour la Coupe du monde de football de 2022. La tour Caleido est notre premier nouveau projet en Espagne, et certainement le plus important du moment dans le pays.
TGL : En quoi est-il important pour la ville ?
Mark Fenwick. : Il l’est à plusieurs titres. Ce bâtiment se construit sur un terrain public et son usage devait donc l’être aussi, avec une mission sociale. C’était la condition de l’appel d’offres de la ville aux promoteurs candidats. Il abritera le campus de l’IE University et un centre de recherche en médecine sportive. Mais il y a plusieurs niveaux de lecture dans l’intention de ce bâtiment. Une symbolique urbaine, puisqu’il fait partie d’un ensemble qui comprend déjà quatre tours – les Cuatro Torres –, posées sur un site assez inhospitalier. A l’arrière se trouve l’ancien palais des congrès, qui va aussi être rénové. Nous avons travaillé sur l’échelle humaine, en créant autour du bâtiment un parc de 3 ha et un centre commercial qui accueillera des magasins et des restaurants. Et puis il y a la dimension au niveau de la ville, avec ce building que l’on verra de loin. C’est là, dans le nord de Madrid, site à la topographie plus élevée, que se trouve la seule skyline de la ville. C’est important, car l’ensemble est situé au bout du Paseo de la Castellana qui, du sud au nord, raconte l’histoire architecturale de la ville, du XVIIe au XXIe siècle.
TGL : Qu’en est-il de son aspect formel ?
Mark Fenwick : Il sera moins haut que ses voisins : 180 m contre 250 m pour les autres. Nous avons décidé de nous éloigner d’une architecture aux formes complexes et de revenir à l’origine du gratte-ciel, de style Chicago. Il est très simple formellement et habillé de verre noir, un objet uniforme dont on ne voit presque pas les étages. C’est un T inversé, avec un bâtiment horizontal à sa base de même largeur que le vertical. Nous avons travaillé sur l’idée de la minceur, allant aux limites de la technologie pour sa structure. C’est donc un bâtiment simple dans sa forme, mais complexe dans ses proportions, qui sont de 1 x 4 x 9. C’est aussi un hommage au film 2001 : l’Odyssée de l’espace, de Stanley Kubrick, et à son monolithe qui a ce même ratio. Dans le film, il symbolise le savoir. Faire un building qui abrite une université avec ces proportions nous semblait vraiment bien !