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Mises au point par un photographe turinois, Giuseppe Ratti, et rapidement devenues des accessoires indissociables de l’élégance à l’italienne, les lunettes Persol comptent aujourd’hui parmi les solaires les plus prisées du marché, arguant d’un savoir-faire centenaire et d’une qualité exceptionnelle.
Persol en dix dates
- 1917 : Giuseppe Ratti invente les lunettes Protector.
- 1924 : les Protector obtiennent le premier de leurs 14 brevets internationaux.
- 1927 : Francesco De Pinedo rejoint l’Arizona depuis Rome lors d’une traversée de l’Atlantique de 193 heures.
- 1938 : la marque Persol naît de la contraction de « per il sole ».
- 1957 : naissance du modèle 649.
- 1961 : Marcello Mastroianni porte des Persol 649 dans Divorce à l’italienne.
- 1968 : Steve McQueen arbore le modèle 714 dans L’Affaire Thomas Crown.
- 1989 : ascension du Kun, en plein coeur de l’Himalaya, par l’alpiniste Enrico Rosso, dont les yeux sont protégés par des Persol.
- 1991 : première boutique à Los Angeles, sur Rodeo Drive.
- 1995 : rachat par Luxottica.
Le break Ford file sur la rocade de Boston, direction Cape Cod, puis s’arrête dans les allées d’un cimetière isolé du Massachusetts. Un homme en costume clair, nerveux, descend pour déposer deux millions de dollars en petites coupures, le butin d’un casse formidable qui laisse le FBI et la compagnie d’assurances sans voix. Quelques instants plus tard, suivant à bonne distance dans sa Rolls-Royce vert sombre, Thomas Crown, homme d’affaires respecté et instigateur de ce hold-up génial, s’avance pour venir récupérer la mise. Évidemment, il s’agit surtout de Steve McQueen, sex-symbol absolu au plus haut de son aura virile. Pour l’occasion, il a choisi de porter un costume croisé bleu rayé et de l’assortir avec une paire de lunettes solaires qu’il apprécie, les Persol 714, montées avec des verres en cristal bleu du meilleur effet. Oui, Steve McQueen a les yeux bleus et le tableau peut prêter à sourire, mais on ne se refuse rien puisque, comme le dit la pierre tombale attenante : « Heureux ceux qui ont le cœur pur » !
Quoi qu’il en soit, cette scène marque le début de l’un des pas de deux les plus brûlants du cinéma, car c’est à Faye Dunaway, autre idole hollywoodienne, qu’il reviendra de démasquer et de faire tomber ce génie cynique. Las, après plusieurs tournées de martini et de cognac, une partie d’échecs épique, des virées en buggy inconfortable dans les dunes et quelques infidélités, elle subira l’humiliation de voir son bel oiseau s’envoler et l’imaginer depuis son avion, portant ces mêmes lunettes Persol aux verres bleus, lire devant ses supérieurs sa dernière boutade : « Parti plus tôt. Viens avec la voiture ou garde l’argent. Affections, Tommy. » Eh oui, ma chère Faye, aussi brillante et belle sois-tu, tu viens de l’apprendre à tes dépens : le monde appartient aux gens qui portent des Persol ! Et ce ne sont ni Marcello Mastroianni ni Daniel Craig qui me contrediront… Si elles sont désormais entrées dans la garde-robe de l’homme contemporain sophistiqué voire délicat, les lunettes de soleil Persol étaient à l’origine plutôt destinées à la catégorie des mâles sans complexe, le genre macho en combinaison de pilote – ceux que l’on aime affubler aujourd’hui du doux euphémisme de « gentlemen driver » – qu’incarnait Steve McQueen à la perfection.
Des lunettes sportives
Pour comprendre cette évolution, il faut remonter aux origines de la marque, en 1917, lorsqu’un homme, Giuseppe Ratti, photographe et propriétaire de la boutique d’optique Berry, met au point, dans la petite cour de sa maison, située via Caboto, des lunettes à l’avant-garde de la technologie pour répondre aux exigences des aviateurs et des pilotes sportifs, les Protector, aux verres ronds fumés, cerclés de profils en caoutchouc et fixés à l’aide d’éléments élastiques, qui seront rapidement adoptées par les forces armées et les pilotes de l’aviation militaire italienne. En Italie, les années 20 et 30 se parent de reflets bruns et deviennent celles du culte de l’homme martial et intrépide, dont les Persol accompagnent les exploits sportifs. Il faut attendre les années 50 pour que le modèle 649 – doté du fameux système Victor Flex à trois entailles et de la célèbre flèche – s’associe à la dolce vita et entre au panthéon des objets culte italiens, au même titre que la Vespa ou le Riva, grâce aux conducteurs de tram de Turin, qui s’en équipent dès 1957, et à Marcello Mastroianni, qui les porte lors du tournage de Divorce à l’italienne, en 1961.
Rachetée en 1995 par Luxottica, leader mondial du secteur et déjà propriétaire de Ray-Ban, Vogue, Oliver Peoples et Arnette, sans compter la kyrielle de franchises sous licence, la marque italienne n’a pourtant jamais rien trahi de ses fondamentaux. En témoigne la fabrication d’un exemplaire du célèbre modèle pliant, la 714S – intégralement breveté comme la 649 –, qui nécessite une trentaine d’opérations de manufacture réalisées dans les ateliers de Turin. Un processus qui allie le plus grand respect de la tradition à une innovation technologique de chaque instant et n’est pas sans rappeler, la précision mécanique en moins, le savoir-faire de l’industrie horlogère suisse, elle aussi grande adepte du story-telling. Une chose est sûre, qu’il s’agisse de Fangio ou de McQueen, ce sont toujours ceux qui portent des Persol qui gagnent. Alors, à bon entendeur…
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