The Good Business
Après avoir fait voler le jet régional ARJ21, la Commercial Aircraft Corporation of China (Comac) va faire décoller le C919, qui se positionne comme un concurrent de l’Airbus A320neo et du Boeing 737 MAX. Rien que ça ! D’ici à 2030, Shanghai ambitionne de devenir le troisième grand de l’aéronautique mondiale.
L’aéronautique civile est l’un des rares secteurs industriels pour lesquels les Chinois font profil bas. En novembre 2015, le président de la république populaire de Chine, Xi Jinping, et le Premier ministre, Li Keqiang, ne faisaient pas partie des 4 000 officiels et VIP rassemblés à l’usine de l’avionneur Comac pour la présentation du C919, premier avion civil chinois de plus de 100 places. Cette cérémonie couronnait pourtant quarante ans d’efforts acharnés pour faire de la Chine un acteur important de l’aéronautique civile et faisait rentrer Comac dans le club sélect dominé par Airbus et par Boeing – au sein duquel on peut désormais compter d’autres nouveaux venus, comme le japonais Mitsubishi, le russe Irkout et le canadien Bombardier. Cette modestie affichée est peut-être due au retard du programme, qui dépasse les trois ans : initialement prévu en 2014, le premier vol du C919 aura finalement lieu l’an prochain, ce qui décale son entrée en service à 2020. Les échecs répétés pour produire un jet civil ont aussi appris la prudence aux Chinois.
Dans les années 70, l’Y-10, un projet dérivé du Boeing 707, avait été abandonné après les essais en vol. À la fin des années 80, le jet de 100 places MPC 75, développé avec la branche allemande d’Airbus, n’a pas dépassé le stade des études. Idem pour le jet régional AE100, étudié en partenariat avec Boeing et Singapore Technologies près d’une décennie plus tard. En 2002, l’Aviation Industry Corporation of China (AVIC), la holding de tête de l’aviation civile et militaire, décide de renoncer aux collaborations avec des constructeurs étrangers et de construire un jet régional de 70 à 95 places par ses propres moyens.
Elle lance le projet ARJ21, dont l’entrée en service est prévue en 2007. Mais toutes les erreurs possibles sont commises lors de sa gestation. Le développement de l’avion est confié à deux compagnies rivales, la Xi’an Aircraft Industrial Corporation et la Shanghai Aviation Industrial Company, qui s’opposent sur sa conception, qui se révèle plus que datée – l’appareil s’inspire du McDonnell Douglas MD-80, lancé en 1979 et retiré du service en 1999 ! Les moteurs, des General Electric CF34, ont aussi été conçus quarante ans plus tôt. Quant au reste des équipements, ils sont en partie réalisés avec ceux, vieillots, de l’ancienne usine d’assemblage chinoise du MD-80.
Une compagnie pour rassembler la construction aéronautique civile
Comac, la compagnie créée en 2008 à Shanghai par l’AVIC, a dû résoudre les nombreux problèmes techniques découverts lors des essais : fissures dans les ailes, erreurs de câblage, avionique défectueuse… Résultat : le premier vol commercial de l’ARJ21, sous le pavillon de Chengdu Airlines (dont Comac est l’actionnaire de référence), a eu lieu le 21 juin 2016, avec… neuf ans de retard. Cet avion, dépassé techniquement et non certifié aux États-Unis et en Europe, représente, selon l’analyste Richard Aboulafia, vice-président de Teal Group, « un sévère handicap de compétitivité pour les compagnies qui vont l’utiliser ». D’ailleurs, malgré les incitations des autorités, qui ont forcé la main aux compagnies régionales publiques pour qu’elles achètent ce premier jet made in China, seuls 360 exemplaires ont été commandés. Car durant les quatorze ans séparant le lancement de la mise en service, les voyages aériens se sont tellement développés que la capacité de l’ARJ21est insuffisante sur de très nombreuses liaisons en Chine.