The Good Business
Après être passé par des turbulences qui ont failli mettre fin à son histoire plus que centenaire, le numéro un mondial du bagage a adopté une stratégie d’innovation et d'acquisitions qui lui a permis de rejoindre des cieux plus sereins.
Tout avait bien commencé. Une petite fabrique de malles, créée à Denver, dans le Colorado, par un immigrant polonais au XIXe siècle, et transformée par ses fils en une marque de valises réputées pour leur solidité, est peu à peu devenue la référence mondiale du bagage. Portée par le développement du transport aérien et par la démocratisation du voyage, Samsonite (@mysamsonite) s’est installée à la première place du marché mondial, et ses valises sont devenues le compagnon de millions de voyageurs.
En 1973, la famille Shwayder revend Samsonite à un groupe du secteur agroalimentaire, Beatrice Foods, qui la revend à son tour. Pendant trois décennies, le capital de la société passe de conglomérats en fonds d’investissement, mais son positionnement reste le même : la qualité. Les attentats de septembre 2001 aux États-Unis et l’épidémie, en 2003, du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) viennent toutefois perturber ce long fleuve tranquille en donnant un sérieux coup de frein aux voyages. Le géant avait les pieds d’argile, et la crise économique de 2008 ne fera qu’accentuer son affaiblissement.
Élargir l’offre
En 2003, déjà en difficulté, Samsonite est racheté par Bain Capital pour un peu plus de 100 millions de dollars. Le fonds d’investissement restructure sévèrement l’entreprise. La réorganisation est à l’ordre du jour. C’est à ce moment-là, en 2005, que Samsonite revend l’usine d’Hénin-Beaumont, dans le Pas-de-Calais, pour 1 euro symbolique à des repreneurs qui veulent y fabriquer des panneaux solaires. A peine deux ans plus tard, les patrons véreux mettent la clé sous la porte et 200 personnes se retrouvent au chômage. S’ensuivra une longue série de procès. « Chaque jugement nous a innocentés », précise Ramesh Tainwala, l’actuel président de Samsonite. Malgré tout, le nom du fabricant reste – injustement, donc – associé à cette usine.
En 2007, Samsonite est racheté à Bain Capital 1,7 milliard de dollars par le fonds de capital-investissement CVC Capital Partners et par Royal Bank of Scotland. Tim Parker, partenaire de CVC, qui arrive avec une longue expérience de restructuration d’entreprises, en devient le président en 2008. Il cédera le poste à Ramesh Tainwala en août 2014. Surendettée et fragilisée par des ventes en chute de près de 20 % en raison de la crise économique mondiale, la société est placée, en 2009, sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites. Samsonite doit se ressaisir. L’équipe dirigeante opte d’abord pour une stratégie de développement, basée sur l’innovation, pour la réduction d’un quart de l’effectif, et pour le refinancement et la concentration des moyens de production. Cette stratégie porte rapidement ses fruits et Samsonite renoue avec la croissance et les bénéfices. La société est introduite en Bourse, à Hong Kong, en juin 2011 et termine l’année sur un chiffre d’affaires de 1,5 milliard de dollars, soit une progression de 28,8 % par rapport à 2010.
Désormais, elle a les moyens de procéder à l’étape suivante de son redressement : l’acquisition de marques qui vont élargir son offre à l’entrée de gamme et au haut de gamme, car, si la société est leader, c’est uniquement sur le segment des bagages de 100 à 300 dollars. A partir de 2012, Samsonite se lance donc dans le rachat de marques fortes sur le marché du bagage et de l’accessoire : Hartmann (@hartmannluggage), reconnue pour son élégance ultradisctète par une clientèle ultraVIP ; les sacs à dos urbains High Sierra (@highsierra_usa), et la marque Gregory, réputée pour ses sacs à dos pour le sport et la montagne. En 2014, Samsonite reprend Speck (@speckproducts), qui propose des housses, des coques et des protections pour appareils électroniques, puis le français Lipault (@lipaultparis_official). « Le bagage est devenu un accessoire de mode. Les clients recherchent des produits design, colorés. Lipault s’adresse à une clientèle jeune et plutôt féminine », remarque Sébastien Valette, directeur général France.
En août 2016, Samsonite rachète Tumi (@tumitravel), la marque chère aux businessmen. Si le groupe a payé cash la plupart de ses acquisitions grâce à ses profits, il doit s’endetter de 1,7 milliard de dollars pour financer cette marque. « Autant profiter du coût de l’argent qui est très bas en ce moment », précise Ramesh Tainwala. L’offre du groupe est complétée, en entrée de gamme, par la marque de valises rigides et colorées American Tourister. Acquise par Samsonite dès 1993, elle a longtemps été commercialisée sur le seul marché américain. Forte de ces marques, Samsonite a réalisé, en 2016, un chiffre d’affaires prévisionnel de 3,5 milliards de dollars. « Nous sommes huit fois plus gros que notre premier concurrent, nous sommes bénéficiaires et nous progressons sur tous nos marchés », se félicite Ramesh Tainwala.
Hommage à Samson
Issac Shwayder, immigré polonais arrivé à Denver, dans le Colorado, au milieu du XIXe siècle, fabriquait des malles et des coffres destinés à ceux qui se lançaient dans la ruée vers l’or. En 1910, Jesse, l’un de ses nombreux enfants, crée la Shwayder Trunk Manufacturing Company. Ses valises ont une réputation de grande solidité. Il les baptise Samson, en référence au héros et à sa force. En 1939, elles prennent le nom de Samsonite, nom qui deviendra celui de l’entreprise en 1965.