The Good Business
Réduire la consommation de kérosène est devenu l’obsession des acteurs du ciel. Et, en la matière, toutes les approches sont étudiées pour relever le défi.
Optimisation des trajets
D’après l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onera), de tels aménagements pourraient diminuer le poids des avions de 25 à 30 % : « Sur le plan énergétique, un allègement de la structure de une tonne représenterait, au cours de la vie d’un avion, une réduction de consommation de 6 000 tonnes de kérosène ou une réduction de 20 000 tonnes de gaz à effet de serre. » La piste est si intéressante que certaines compagnies aériennes se sont lancées dans une véritable traque du gramme superflu. Air France a par exemple changé ses plateaux-repas pour passer sur du jetable, en particulier sur les long-courriers. Sur les vols plus courts, ce sont les sièges qui ont été allégés de 5,4 kg, permettant une « économie de 2,4 millions d’euros de carburant par an ».
Autre piste : les avionneurs tentent de concevoir des moteurs encore plus performants. Les plus écologiques consomment déjà 2 litres aux 100 kilomètres par passager, contre 10 litres pour un B707 des années 60. Et des évolutions technologiques pourraient permettre de réduire encore la consommation de 25 %, notamment grâce au rotor ouvert, un moteur dénué de carénage susceptible d’équiper les avions construits en 2030. D’ici là, des moteurs intermédiaires en céramique quatre fois plus légers que les versions actuelles pourraient faire leur apparition sur les avions de ligne.
L’optimisation des trajets est en outre un axe de recherche important. Sur le plan international, un chantier visant à moderniser les services de navigation aérienne est en cours. Son objectif ? Optimiser l’utilisation de l’espace aérien afin de limiter les retards et le gaspillage de kérosène. Comment ? En dessinant, en accord avec les militaires, des trajectoires plus directes pour les vols civils. Grâce au programme européen Single European Sky ATM Research (Sesar), les procédures d’atterrissage pourraient aussi être retravaillées avec, par exemple, une descente en continu plutôt qu’en paliers. Le recours à des motorisations électriques sur le tarmac pourrait devenir systématique. Plus radicale est l’idée de trouver au kérosène un substitut moins onéreux, comme du biocarburant. Lufthansa et Air France en utilisent déjà sur certains vols, notamment le Paris – Toulon. Toutefois, il est difficile de généraliser l’expérience, notamment parce qu’il n’y a pas assez d’infrastructures permettant de produire ce biocarburant. Quid, alors, de l’électricité ? Des avions 100 % électriques sont en phase de test, notamment chez Airbus avec E-Fan, un biplace qui, avec son autonomie de 30 minutes, a traversé la Manche en juillet 2015. Dans l’esprit d’Airbus, de tels engins pourraient devenir les taxis de demain. Des taxis qui, à l’instar des drones, seraient dépourvus de pilote.
Réduction du bang sonique
Toutefois, sans rupture technologique, le futur du tout-électrique devrait s’arrêter là. En l’état, il n’est en effet pas question d’imaginer propulser des avions de ligne à la seule force de l’électricité. La technologie actuelle ne permet pas de fabriquer des batteries assez petites ou assez légères pour cela. Du coup, les avionneurs visent désormais le moteur hybride où seules les phases de décollage et d’atterrissage utiliseraient du kérosène. C’est notamment le sillon creusé par Boeing avec le Sugar Volt, un moyen porteur aux ailes très allongées, au moteur hybride et dont la consommation serait réduite de 70 %.
Autre vision de l’aérien du futur : le retour du supersonique, que les chercheurs rêvent aussi silencieux qu’un battement de cœur et qui, de fait, pourrait se permettre de survoler des zones habitées et non plus seulement des océans. L’entreprise américaine Lockheed Martin a ainsi été mandatée – et financée à hauteur de 20 millions de dollars par la Nasa – pour créer un démonstrateur à l’échelle 1/2 d’un supersonique silencieux. Ce prototype aura pour principal objectif de démontrer qu’il est réellement possible de réduire le bang sonique, ce bruit généré lorsqu’un avion se déplace au-delà de Mach 1.
Comment Lockheed Martin compte-t-elle s’y prendre ?
En travaillant la forme de l’avion, en lui donnant un nez très allongé et des ailes courtes en V, situées à l’arrière et surmontées de moteurs. Dans le sillage de ce projet, d’autres sociétés se sont remises à rêver au supersonique, comme l’entreprise américaine Aerion qui, en partenariat avec Airbus, prévoit de créer de petits jets privés capables de se déplacer à la vitesse de Mach 1,5. Citons aussi les projets plus ou moins avancés du consortium russe OAK ou de l’américain Hypermach. Les prototypes sont annoncés pour 2020. A un horizon plus lointain, les avionneurs, Airbus en tête, rêvent de révolutionner le transport aérien en créant, par exemple, des gros porteurs transparents qui s’apparenteraient à des complexes de loisirs. Dans les centres de recherche, des avions aux formes radicalement différentes – en cercle, en soucoupe, en U ou pourvus d’ailes pliables – sont aussi à l’étude. A suivre, donc…