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Les câbles sous-marins, vingt mille lieues sous les mers
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The Good Business

Les câbles sous-marins, vingt mille lieues sous les mers

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Connexion sans fil, dématérialisation, cloud, sont autant de dispositifs qui occultent les infrastructures pourtant bien physiques du monde numérique. Et c’est sous l’eau que l’interconnexion internationale – Internet et téléphonie mobile – est assurée par plus de 1 million de kilomètres de câbles, dont plus de la moitié transite par l’océan Atlantique.

En 2019, une minute sur Internet équivaut à 4,5 millions de vidéos vues sur YouTube, 3,8 millions de recherches sur Google, 694 444 heures passées sur Netflix ou encore 41,6 millions de messages envoyés sur les plates-formes Facebook Messenger et WhatsApp. Des chiffres vertigineux qui rendent compte de la prévalence des pratiques numériques aujourd’hui. En 2019, 5,1 milliards d’êtres humains possèdent un téléphone mobile et 4,4 milliards utilisent Internet. 3,48 milliards d’individus, soit 45 % de la population mondiale, sont présents sur les réseaux sociaux. Selon le centre de recherche TeleGeography, près de 99 % du trafic des données et des communications téléphoniques sont opérés sous les mers et les océans par le biais des 408 câbles sous-marins actuellement en service. Ils constituent les grandes artères du réseau mondial d’information et de communication.

Inauguré en septembre 2017, Marea, le câble alors le plus puissant, est un projet commun de Microsoft, Facebook, Telxius et Telefónica, et relie, sur près de 6 600 km, Virginia Beach, aux Etats-Unis, à Bilbao.
Inauguré en septembre 2017, Marea, le câble alors le plus puissant, est un projet commun de Microsoft, Facebook, Telxius et Telefónica, et relie, sur près de 6 600 km, Virginia Beach, aux Etats-Unis, à Bilbao. DR

En 2020, le marché des câbles sous-marin est estimé à 13 milliards de dollars et devrait atteindre 22 milliards en 2025.

Loin de l’imaginaire collectif de dématérialisation, le monde numérique se concentre sur des infrastructures au contraire bien matérielles, et empruntent des réseaux de routes qui se développent dès le XIXe siècle, avec l’invention du télégraphe et l’installation, en 1851, du premier câble entre Douvres, en Angleterre, et le cap Gris-Nez, dans le Pas-de-Calais.

L’essor des câbles sous-marins s’accentue particulièrement avec l’établissement du TAT-8, en 1988, le premier modèle à fibre optique reliant la France, le Royaume-Uni et les Etats- Unis. Cette nouvelle technologie aux capacités de transmission supérieure augure l’ère des très hauts débits, au détriment des satellites qui n’assurent plus aujourd’hui que 0,37 % du transport des données.

Avec le développement exponentiel d’Internet et la prédominance du numérique sur toutes les activités humaines, les câbles, tout comme les points d’atterrage sur le littoral, deviennent des éléments déterminants pour assurer la connectivité d’un pays. Ils cristallisent des enjeux majeurs de développement économique et de puissance géopolitique.

Inauguré en septembre 2017, Marea, le câble alors le plus puissant, est un projet commun de Microsoft, Facebook, Telxius et Telefónica, et relie, sur près de 6 600 km, Virginia Beach, aux Etats-Unis, à Bilbao.
Inauguré en septembre 2017, Marea, le câble alors le plus puissant, est un projet commun de Microsoft, Facebook, Telxius et Telefónica, et relie, sur près de 6 600 km, Virginia Beach, aux Etats-Unis, à Bilbao. run-studios

En assurant le transport des données, le câble sous-marin est à la cybernétique ce que le porte-conteneurs est à la mondialisation. En 2019, les trois routes majeures des flux de données relient l’Amérique du Nord à l’Amérique du Sud, l’Europe et l’Asie. L’océan Atlantique – Nord, principalement – joue depuis toujours un rôle majeur. Et les Etats- Unis se trouvent au cœur de ces échanges, puisqu’ils abritent 10 des 13 serveurs racines chargés de trier toute la navigation en ligne.

Selon la National Security Agency (NSA), 80 % des flux de données transitaient par les Etats-Unis en 2017.

Longtemps chasse gardée des grands opérateurs de télécoms, l’arrivée des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) bouscule la hiérarchie en place depuis les années 90, en multipliant les partenariats sous forme de consortiums pour partager les coûts de la construction et de la gestion des câbles sous-marins, mais également en investissant dans leurs propres projets afin de s’assurer un contrôle sur les autoroutes du web.

Ils réalisent aujourd’hui près de 50 % des investissements dans le secteur contre 5 % il y a dix ans. « Les câbles sous-marins transatlantiques transportent déjà 55 % de données de plus que les câbles transpacifiques, et 40 % de données supplémentaires par rapport aux câbles reliant l’Amérique du Nord à l’Amérique du Sud, indique Brad Smith, le président de Microsoft. La quantité de données qui transitent à travers l’Atlantique en permanence va encore s’accentuer dans les années à venir. » Parmi les géants du web, les groupes Google et Facebook sont particulièrement actifs dans la conquête des câbles sous-marins.

Inauguré en septembre 2017, Marea, le câble alors le plus puissant, est un projet commun de Microsoft, Facebook, Telxius et Telefónica, et relie, sur près de 6 600 km, Virginia Beach, aux Etats-Unis, à Bilbao.
Inauguré en septembre 2017, Marea, le câble alors le plus puissant, est un projet commun de Microsoft, Facebook, Telxius et Telefónica, et relie, sur près de 6 600 km, Virginia Beach, aux Etats-Unis, à Bilbao. run-studios

Le premier a consacré 47 milliards de dollars durant ces trois dernières années dans ses infrastructures, dont une partie a été allouée aux câbles immergés. Quant à Facebook, il a annoncé en 2019 un investissement de 3 milliards de dollars dans les liaisons sous-marines. En septembre 2017, le câble le plus puissant jamais conçu – baptisé Marea (« marée », en espagnol) – était inauguré. Le projet rassemble Microsoft, Facebook et Telxius, filiale de la société espagnole Telefónica. Long de près de 6 600 kilomètres, installé à plus de 5 000 mètres de profondeur, il relie Virginia Beach, sur la côte Est des Etats- Unis, et Bilbao, en Espagne. Il possède un débit de 160 térabits de données par seconde soit « l’équivalent de 71 millions de vidéos HD lues en streaming au même moment », selon Microsoft.

Actuellement, la vitesse moyenne des câbles sous-marins en service est de 30 térabits par seconde.

A lui seul, Marea représente 50 % de la capacité des câbles existants entre l’Europe et les Etats-Unis. Mais à peine Marea entrait en service, en 2018, que, déjà, il était supplanté par un autre projet : le câble Dunant, porté par Google et auquel l’opérateur français Orange s’est associé, et dont la mise en service est prévue pour 2020.

Cette fois, c’est Saint- Hilaire-de-Riez, en Vendée, qui sera relié aux data centers de Virginia Beach, de l’autre côté de l’Atlantique. Aujourd’hui, Google concentre à lui seul près de 95 % des requêtes en ligne dans le monde. Son câble – nommé en l’honneur d’Henri Dunant, fondateur de la Croix- Rouge – est constitué de 12 paires de fibres (contre 6 ou 8 habituellement) et atteindra une vitesse de transmission de 250 térabits par seconde.

Inauguré en septembre 2017, Marea, le câble alors le plus puissant, est un projet commun de Microsoft, Facebook, Telxius et Telefónica, et relie, sur près de 6 600 km, Virginia Beach, aux Etats-Unis, à Bilbao.
Inauguré en septembre 2017, Marea, le câble alors le plus puissant, est un projet commun de Microsoft, Facebook, Telxius et Telefónica, et relie, sur près de 6 600 km, Virginia Beach, aux Etats-Unis, à Bilbao. Orange

La carte mondiale des câbles présentée par TeleGeography, qui recense toutes les routes sous-marines empruntées, reflète la situation géopolitique internationale et la prédominance de certaines zones liées à la mondialisation. Dans leur logique de toute-puissance, les GAFAM investissent également dans de nouvelles routes pour désenclaver des territoires historiquement isolés, comme le continent africain. Le projet en Atlantique Sud du câble Equiano, propriété de Google, doit, par exemple, relier le Portugal à l’Afrique du Sud. La première phase doit être achevée en 2021, avant que d’autres branches ne soient ajoutées afin d’étendre la connectivité à d’autres pays africains.


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