Il suffit de prononcer les mots « défense planétaire » et « astéroïdes » pour que nous vienne immédiatement à l’esprit la moitié des blockbusters d’Hollywood. « Jusque dans les années 2000, la défense planétaire était l’affaire de quelques geeks ou d’amateurs de science-fiction qui proposaient des méthodes plus ou moins saugrenues afin de détruire ou de dévier les astéroïdes pouvant menacer la Terre, raconte Ian Carnelli de la European Space Agency (ESA). Mais, depuis la mission japonaise Hayabusa lancée vers un astéroïde en 2003, les choses ont changé. » D’abord, parce que les scientifiques se sont aperçus que ces corps célestes ne sont pas de vulgaires cailloux froids errant dans l’espace : ils ont une structure hétérogène, ils sont actifs et renferment, entre autres, de l’eau et des matériaux précieux. Assez pour les rendre beaucoup moins insignifiants. Ensuite, parce que les géologues et les paléontologues ont compris que certaines grandes phases d’extinction biologique étaient dues à des impacts météoritiques. La disparition des dinosaures, par exemple, aurait été causée par un astéroïde de 10 kilomètres de long, tombé dans la péninsule du Yucatán, dans le sud-est du Mexique. De quoi adresser à la voûte céleste un regard moins serein… « Disons-le tout de suite : le risque qu’un astéroïde majeur percute la Terre d’ici à cent ans est très faible, explique Patrick Michel, astro-physicien à l’observatoire de la Côte d’Azur. Mais ce n’est pas pour cela qu’il faut l’ignorer. Au contraire, il s’agit de profiter de ce laps de temps pour s’organiser et pour éliminer la menace. » Une mission qui, à en croire les chercheurs, serait tout sauf impossible.
Contraintes diplomatiques pour les astéroïdes
En 2012, les Européens, les Américains et les Russes ont lancé Neoshield, un programme commun dont l’un des enjeux est d’identifier des procédés permettant de détourner des astéroïdes susceptibles de percuter la Terre. Trois approches sont sorties du lot. La première est celle du blast, qui consiste à faire exploser une ogive nucléaire à proximité de l’astéroïde afin de créer une énorme onde de choc capable de dévier sa course. Ainsi, l’astéroïde n’éclate pas en une myriade de débris incontrôlables et potentiellement dangereux pour la Terre. « Cette technique peut être utilisée dans des situations d’urgence, commente Patrick Michel, mais elle est très compliquée à mettre en œuvre pour des raisons diplomatiques. » Quelle nation doit tirer ? Quand ? A partir de quelle probabilité d’impact ? Et qui donnera le feu vert ? Tous ces problèmes de gouvernance sont pour le moment sans réponse. « Nous testons différents scénarios et discutons de stratégies possibles à l’échelle internationale, mais, en l’état, rien n’est prêt en cas de menace réelle », admet Patrick Michel. La deuxième approche, dite de l’impacteur cinétique, consiste à envoyer une sonde qui viendrait frapper l’astéroïde pour le dévier de sa trajectoire. Une sorte de billard spatial où il faut prévoir les coups de deux à dix années à l’avance. Autre défaut de taille : cette approche implique d’avoir, en amont, une idée de la nature et de la structure interne de l’astéroïde. « Ce qui n’est pas simple, puisqu’il s’agit d’une famille très hétérogène et mal connue, confie Antonella Barucci de l’Observatoire de Paris. Par exemple, certains astéroïdes sont poreux et peuvent absorber les chocs », ce qui rendrait l’impacteur – envoyé des mois ou des années plus tôt – tout à fait inefficace.
L'Asteroid Day
Afin de sensibiliser les politiques et le grand public à la question du risque d’impact avec des astéroïdes, les scientifiques ont réclamé aux Nations unies la mise en place de l’Asteroid Day. Depuis 2014, celui-ci se déroule désormais tous les 30 juin. Une date qui n’a pas été choisie au hasard : le 30 juin 1908, à 7h du matin à Toungouska, en Sibérie centrale, un astéroïde a détruit les forêts sur un rayon de 20 kilomètres. Il s’agirait du plus gros impact de l’histoire humaine.