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Acteur-phare de l’industrie de la chaussure, le Portugal en est devenu au fil du temps l’un des plus gros fabricants et exportateurs à travers le monde. Doté d’une association puissante, d’un centre technologique dernier cri et de subventions XXL, le pays projette désormais de devenir une référence internationale en la matière.
Prada, Isabel Marant, Armani, Kenzo, mais aussi des labels de souliers plus confidentiels tels que Rivecour et Bobbies : autant de marques de mode qui ont fait le choix, à un moment ou un autre, de délocaliser leur production de chaussures au Portugal. À Porto et ses environs, plus précisément, où se concentrent dans un rayon de cinquante kilomètres 90% des acteurs de cette industrie aujourd’hui reconnue mondialement. Cette dernière est pourtant toute récente, puisque la majorité de ses entreprises ont été créées dans le courant des années 70.
Un « cluster » qui compte aujourd’hui 2 000 manufactures, plus de 40 000 travailleurs et peut compter sur le soutien d’un allié de taille : Apiccaps. Basée à Porto, cette association née en 1975 représente les industries de la chaussure et des articles en cuir et compte dans ses rangs pas moins de 500 entreprises, qui génèrent à elles seules 80% de la production portugaise.
Soutenue par le gouvernement, la Commission européenne, des institutions publiques et d’autres investisseurs, Apiccaps œuvre au rayonnement de l’industrie portugaise de la chaussure, avec un objectif en ligne de mire : faire du pays une référence internationale en la matière.
Un label « Made in Portugal » qui a du succès
Les premières années de l’association ont ainsi été consacrées à l’export pour le marché international, qui représente une part non négligeable de l’économie de l’industrie de la chaussure au Portugal. « Pendant les vingt, trente premières années de notre industrie, nous n’avons pas pensé à créer pour nous, nous préférions travailler pour des marques internationales », confirme Paulo Gonçalves, président d’Apiccaps.
La chaussure portugaise en chiffres
- Les industries de la chaussure, des composants de la chaussure et des articles en cuir représentent 6,3% de l’emploi dans les industries manufacturières portugaises.
- Plus de 1500 entreprises portugaises opèrent dans le secteur de la chaussure.
- 40 000 personnes travaillent dans ce secteur.
- Les exportations portugaises de chaussures ont augmenté de 29% depuis 2010.
- Le secteur de la chaussure exporte 98% de sa production.
Les atouts locaux ? Qualité, prix juste et flexibilité. « Nous avons beaucoup investi en termes d’innovation ces dernières années », continue-t-il, ce qui explique que le Portugal a désormais « la capacité de produire de petites quantités de manière très rapide. » Grâce, notamment, à un centre technologique ultra-moderne – le CTCP, Centre technologique de la chaussure portugaise – « l’un des meilleurs au monde ».
Un positionnement gagnant qui a porté ses fruits, puisque l’industrie portugaise de la chaussure exporte aujourd’hui 98% de sa production dans 172 pays. Sur le marché européen de la chaussure, le Portugal se classe troisième, derrière l’Italie et l’Espagne, et compte parmi ses clients les plus fidèles l’Allemagne, la France – dont les importations en provenance du Portugal ont progressé de 18% en 2022 –, ou encore les Pays-Bas.
À l’international aussi, le pays rayonne, et occupe désormais une confortable 11e place. En 2022, le Portugal a ainsi exporté pour plus de 2 milliards d’euros de chaussures, soit près de 80 millions de paires. Des chiffres records, après une année 2021 encore marquée par les conséquences de la pandémie, au cours de laquelle la vente de chaussures avait brutalement baissé à cause du confinement.
Et si le marché mondial est encore largement dominé par la Chine – qui produit 56% des chaussures vendues dans le monde –, Paulo Gonçalves ne s’en inquiète pas, préférant jouer la carte de la qualité, et non de la quantité : « Si vous êtes une marque internationale à la recherche d’un bon partenaire, capable de développer des produits de haute qualité à un prix équitable, le Portugal est le pays idéal pour vous. Si vous cherchez le prix le plus bas, direction l’Asie. »
La chaussure du futur, bio-matériaux et cuir
Forte de cette position, l’industrie de la chaussure portugaise repense aujourd’hui sa stratégie, toujours accompagnée par Apiccaps. « Nous essayons désormais de créer nos propres marques et de les mettre en avant, explique Paulo Gonçalves, qui précise que plus de 200 griffes locales sont nées au cours de la dernière décennie. Aujourd’hui, nous essayons de trouver un équilibre entre marques internationales et marques portugaises, même si les premières représentent encore près de 70% de notre production. »
Wayz, chantre de la sneaker aussi éthique qu’immaculée ; Luis Onofre, descendant d’une longue lignée de créateurs de souliers ; Centenario, roi du moccasin et de la bottine en cuir ; ou encore Lemon Jelly et ses bottines de pluie vegan… Recensées sur le portail Portuguese Shoes, lancé à l’initiative d’Appicaps, ces marques sortent aujourd’hui de l’ombre sous l’impulsion de l’association portugaise.
« La majorité de nos cuirs proviennent de peaux qui sont issus de l’industrie alimentaire, c’est donc du recyclage. » – Paulo Gonçalves
Depuis 2020, cette dernière s’est aussi penchée sur un sujet majeur pour l’industrie de la mode : l’éco-responsabilité. Avec un plan d’action, intitulé « Offer Valorization for the Footwear Cluster » et composé de 12 mesures et de 50 actions visant à faire de l’industrie portugaise de la chaussure « le leader en termes de solutions durables ».
Sur les 140 millions réunis par Apiccaps, 80 millions sont aujourd’hui consacrés à la durabilité. « Nous travaillons avec plus de 100 entreprises différentes, qui ont ouvert leurs portes à des partenaires indépendants chargés d’analyser et de définir un plan précis permettant d’améliorer l’utilisation de l’énergie, des matériaux bruts, ou encore de l’eau », explique Paulo Gonçalves.
Au programme également, l’utilisation grandissante de bio-matériaux. Pomme, raisin, orange, mais aussi liège et laine… Plus d’une vingtaine de scientifiques travaille à développer ces nouvelles matières qui composeront, un jour, la chaussure du futur.
Celle-ci sera sans aucun doute 100% biodégradable, à l’instar d’un modèle imaginé par la marque portugaise Tribio. Une basket réalisée à base de composants d’origine organique, dénuée de tout métal ou plastique, et qu’il est possible d’enterrer une fois sa fin de vie arrivée, et ce « sans causer de dommages supplémentaires ou de pollution » précise le label.
Et le cuir dans tout ça ? Atout majeur du pays, qui le travaille depuis des décennies, il reste pour Paulo Gonçalves l’un des matériaux-phares de la fabrication de souliers. Même si son utilisation n’empêche pas d’être le plus responsable possible : « La majorité de nos cuirs proviennent de peaux qui sont issus de l’industrie alimentaire, c’est donc du recyclage », pointe le président d’Apiccaps, qui souligne également que la consommation mondiale de viande est en constante augmentation et produit de nombreux déchets de cuir qui méritent d’être utilisés plutôt que jetés. Pour Paulo Gonçalves, bio-matériaux et cuir peuvent donc cohabiter dans le futur de l’industrie portugaise de la chaussure.
Où sont fabriquées les chaussures portugaises ?
Braga, Barcelos, Felgueiras, Guimarães… C’est là, à quelques dizaines de kilomètres de Porto, dans la région du Nord, que se concentre la majorité des usines portugaises de cuir et de textile.
Depuis les années 1960, le nord-est du Portugal s’est en effet imposé comme un fabricant incontournable de chaussures pour une raison toute simple : terre d’élevage, elle permettait de produire de la laine et de la peau, cette dernière étant évidemment indispensable à la réalisation de souliers en cuir.
On dit d’ailleurs de Guimarães, « berceau de la nation portugaise », qu’elle est réputée pour son savoir-faire dans la réalisation de chaussures de grande qualité. Aujourd’hui encore, la région abrite 90% de la production de chaussures portugaises.
Un investissement majeur pour un futur radieux
Apiccaps ne compte pas s’arrêter en si bon chemin : fin 2022, l’association a annoncé, par la voix de son président, un investissement à hauteur de 600 millions d’euros au cours des huit prochaines années.
Objectif 2030 donc, avec quatre priorités : la formation d’une main d’œuvre qualifiée, l’innovation technique, l’internationalisation de la filière de la chaussure portugaise, et la durabilité, toujours. « Nous voulons devenir la référence en termes d’innovation, de qualité et de durabilité », martèle Paulo Gonçalves. Avant de conclure : « Nous ne voulons pas forcément produire plus, mais produire mieux des chaussures qui durent longtemps et qui offrent la possibilité au client d’acheter moins mais avec une meilleure qualité. »
M.K
En savoir plus sur l’association Apiccaps.
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