Le Manège enchanté « Tournicoti, tournicoton »

Par Ina Chong, le 18 février 2016

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Créée dans les années 60 par Serge Danot, cette précieuse pépite de la télévision française utilise la technique de l’animation en volume (stop motion), alors inédite en France. Dans l’univers fantaisiste du Bois Joli, on assiste aux aventures farfelues de Margote et de son sympathique bestiaire, des marionnettes animées qui sont devenues, en plus de 1 000 épisodes, de véritables idoles.

Le 5 octobre 1964, les téléspectateurs de l’ORTF découvrent un univers enchanté tout droit sorti de l’imagination de Serge Danot. Cet autodidacte orchestre d’une main de maître le petit monde animé du « Manège enchanté ». Tout commence par une formule magique. Il suffit de compter jusqu’à trois pour basculer dans l’univers mirifique du Bois Joli et partir à la rencontre des étranges animaux qui le peuplent. On suit les tribulations de Margote, petite fille ingénue et débrouillarde, accompagnée d’un florilège de personnages atypiques et séduisants aux caractéristiques saugrenues. Zébulon, le génie rouge à moustaches monté sur ressort et à l’accent vibrionnant, Azalée, la vache à pois roses, à la voix haut perchée (Micheline Dax) et aux airs de diva, Ambroise, l’escargot intellectuel orange, à l’accent paysan et, surtout, Pollux, le chien à poils longs, avec son fameux accent britannique (Jacques Bodoin) et son obsession du sucre. Chaque épisode met en scène les tribulations de cette drôle de bande.
Là où les contraintes techniques de l’animation image par image entravent la fluidité de mouvements des personnages, il est fascinant d’observer cet étrange ballet de marionnettes à la gestuelle erratique mais toujours expressive. Tout l’intérêt du « Manège enchanté » réside dans ce décalage entre l’économie du mouvement et la liberté totale dont font preuve la narration et les personnages. Chaque aventure est conçue de manière libre et indépendante, et les histoires n’ont souvent ni queue ni tête. Le Bois Joli ne se conforme à aucune logique ni à aucun réalisme, mais s’attache à créer un univers fantasque et poétique. La série œuvre sur le terrain de l’imagination pure et puise dans ce terreau fertile. Le décor surréaliste est à lui seul une perle visuelle. Les palettes de couleurs sont franches et acidulées, la végétation est découpée dans du papier et les arbres sont de toutes les couleurs.

Succès absolu outre-Manche
La série, qui succède à l’émission « Bonne nuit les petits », connaît un succès immédiat, à tel point que, dès 1965, une version anglaise est programmée par la BBC. Au lieu de se contenter de doubler les épisodes, le texte anglais est complètement inédit. L’engouement pour « The Magic Roundabout » est alors encore plus absolu. Le succès public augure également un partenariat fructueux entre la télévision et l’industrie du jouet. C’est la véritable naissance des produits dérivés en France, pratique qui était jusqu’alors l’apanage des studios d’animation américains. Dans les -années 80, l’ORTF décide pourtant de cesser la diffusion du « Manège enchanté ». Les mœurs animées ont changé et les nouveaux maîtres sont japonais. Face à la déferlante de frénésie, de cascades et d’action, le « Manège enchanté » ne peut tenir la comparaison.
Cinquante ans plus tard, loin d’avoir été enterrée, l’animation en volume compte au contraire de beaux succès (Wallace et Gromit, de Nick Park, pour n’en citer qu’un) et le genre s’est institutionnalisé. « Le Manège enchanté », quant à lui, n’a rien perdu de son charme ni de son panache. Et on (re)découvre avec tendresse un univers prônant l’originalité, l’exubérance et l’imagination.

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