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Saint-Étienne city guide
Saint-Etienne Tourisme Congres - Buchowski Vagabonde
fanny

The Good Guide // 48 heures à

Le design a-t-il vraiment sauvé Saint-Etienne ?

48 heures à

The Good Guide

Après la fermeture des mines et des usines dans les années 1970, la ville aurait pu devenir un Détroit français. Saint-Etienne a néanmoins su relever la tête en opérant une transformation radicale de sa politique culturelle : utiliser le design comme moteur de sa mue urbaine et sociale. Une aventure néanmoins par forcément comprise de tous.

Comment faire revivre une ville déshéritée sans charme évident ? Amenez le design et l’art contemporain, la recette fonctionne toujours. Après Lyon, le TGV s’enfonce dans les sombres collines du Pilat. Terminus enclavé, perché à 700 mètres d’altitude, Saint-Étienne apparaît derrière quelques hautes cheminées d’usines. L’ancienne cité industrielle vit dans l’ombre de son prestige passé et, en sortie de gare, elle montre un premier visage assez maussade.


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Saint-Etienne : faste industriel et population précaire

C’est d’abord l’histoire d’une épopée, celle d’un faste disparu. La mine et la métallurgie ont fait émerger de grandes industries : Saint-Étienne devient la « ville aux mille brevets », berceau des armes à feu, de la rubanerie et de la bicyclette. Si l’âge d’or fait la fortune de quelques grandes familles, elle reste une cité ouvrière pauvre. « Au XIXe et début du XXe siècles, la vie ici est une vie de misère », fait remarquer Grégory Charbonnier, chef de projet Ville d’Art et d’Histoire. L’urbanisation se développe rapidement le long d’un axe nord-sud. Des quartiers se juxtaposent sans réelle cohérence et, hormis quelques beaux immeubles art nouveau, son ADN se fond vite dans des barres HLM disgracieuses.

Après l’apogée industrielle, les usines et les mines ferment les unes après les autres. Les années 1970 marquent le début d’une longue phase d’errance, de paupérisation et d’exode. La « fièvre verte » de l’AS Saint-Étienne redonne un semblant de dignité aux Stéphanois : ici, le foot met tout le monde d’accord. Les jeunes portent aujourd’hui encore fièrement l’écharpe des Verts. « On a le profil des villes du Nord, des villes minières chaleureuses et solidaires », vante Robert Karulak, président de l’Office du tourisme. Ce n’est certes pas la plus belle du monde, mais on aime « Sainté », l’incomprise, qui a pourtant les atouts d’une grande.

Bienvenue à Saint-Etienne.
Bienvenue à Saint-Etienne. Saint-Etienne Tourisme Congres - Vanessa Martin

Le design, moteur de sa transformation urbaine

Pragmatique, la métropole a compris au tournant du millénaire que le design pouvait être un moteur de transformation urbaine. « Il existe un lien naturel entre la manufacture et la création via le dessin industriel », souligne Marc Chassaubéné, adjoint à la culture. C’est ce qui fait la valeur ajoutée de notre production.

En 1998, la première Biennale de Design en France est organisée sous l’impulsion de l’école des Beaux-Arts. Le succès est immédiat et croît avec les années. Désormais référence au-delà des frontières, l’événement confère à Saint-Étienne un leadership reconnu en la matière, une revanche savoureuse pour celle qui s’est trop souvent vue éclipsée par Lyon.

Dans les rues de Saint-Etienne, le tramway file jusqu’à la Cité du Design.
Dans les rues de Saint-Etienne, le tramway file jusqu’à la Cité du Design. Saint-Etienne Tourisme Congres - French Wanderers

Un patrimoine remarquable, et peu remarqué

Les grands espaces laissés vacants par l’industrie, effacés peu à peu des mémoires, sont réinvestis en lieux de culture. Située dans l’ancienne Manufacture d’Armes, la Cité du Design ambitionne en 2009 de tourner les Stéphanois vers l’avenir. Elle sert de plateforme à l’éducation, la recherche et l’innovation. En 2010, la commune obtient le label Ville créative UNESCO de Design. Saint-Étienne semble renaître de ses cendres : de nouvelles signatures architecturales émergent, notamment Norman Foster, qui érige un impressionnant Zénith. La ville se rêve désormais en destination « hors cadre », laboratoire d’une pensée disruptive. Plusieurs galeries enrichissent un paysage culturel dense pour une agglomération de cette taille. Cette politique paye : en dix ans, la taxe de séjour a été multipliée par trois, frôlant le million d’euros annuel.

Temps fort pour la ville, le Musée d’Art Moderne et Contemporain, deuxième collection du pays après Pompidou, vient de rouvrir après 19 mois de travaux. Pas moins de 8 500 visiteurs ont fait le déplacement le premier week-end. Mais lorsque nous le visitons ce jeudi matin, tout est somme toute très calme. Notre balade se poursuit à Firminy, un quartier populaire et excentré cerné de grandes barres, où se distingue le site Le Corbusier, remarquable et plus grand ensemble européen de l’architecte. Des visites guidées valorisent ce patrimoine d’exception. « Une grande partie de la population n’a pas vraiment conscience de cet héritage culturel », souffle néanmoins Laurent Giuliana, médiateur à l’office de tourisme et fier habitant de l’unité d’habitation.

Eglise Saint-Pierre, Le Corbusier.
Eglise Saint-Pierre, Le Corbusier.

Le design, motif de rupture entre population et classe dirigeante

Le design a-t-il vraiment sauvé la ville ? « Après les nombreuses fermetures d’usines, nous aurions pu devenir Détroit, mais ça n’a pas été le cas », nous répond Grégory Charbonnier avec franchise. Mais cette orientation quelque peu élitiste touche-t-elle vraiment le cœur de la population ? « Ce n’est pas si simple, c’est l’écueil de cette aventure, reconnaît Marc Chassaubéné. En 2008, nous avons senti une fracture entre les Stéphanois et l’équipe municipale dans notre intention de créer une Cité du Design. » En coulisses, certains témoignages sont plus critiques : « Certains n’ont même pas compris ce qu’était le design. Mais c’était la seule idée pour aller de l’avant. » Finalement, l’histoire semble se rejouer : élites dirigeantes et population modeste jouent des partitions différentes.

Alors, à quel avenir rêver ? « Celui de conserver notre capacité d’innover », reprend Chassaubéné. « Nous sommes toujours ‘la ville aux mille brevets’, avec un réseau dense de PME-TPE en santé numérique et design. » Comme un écho à la « start-up nation ». En partant, la lumière automnale se dépose sur les façades des entrepôts, créant un tableau puissant, inattendu, au-delà de la notion même de beauté.

Au cœur de la Cité du Design.
Au cœur de la Cité du Design. Saint-Etienne Tourisme Congres - Buchowski Vagabonde

Que faire à Saint-Etienne ?

Musée d’Art Moderne et Contemporain
Rue Fernand Léger, 42270 Saint-Priest-en-Jarez
Incontournable, le musée abrite une très riche collection d’œuvres des XXe et XXIe siècles.

Cité du Design
3 Rue Javelin Pagnon, 42000 Saint-Étienne
Centre dynamique et protéiforme dédié à la promotion du design sous toutes ses formes.

Maison du Patrimoine et des Lettres
3 Rue de la Résistance, 42000 Saint-Étienne
Un lieu unique pour plonger dans l’histoire de la ville.

Site Le Corbusier
Boulevard Périphérique du Stade, 42700 Firminy
Plus grand ensemble européen conçu par Le Corbusier.

Où manger

Chimère
4 Rue Clément Forissier, 42000 Saint-Étienne
restaurantchimere.fr

Grabuge
5 Place Jean Jaurès, 42000 Saint-Étienne
instagram.com/grabuge.saintetienne

Le bistrot de la Galerie
23 Rue de l’Artillerie, 42000 Saint-Étienne
bistrotdelagalerie.com


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