The Good Business
The Good Life a rencontré Nicolas Laisné et Dimitri Roussel, les deux architectes fondateurs de l’agence éponyme sélectionnée pour transformer la place Mazas, à Paris. Portrait.
En juillet dernier étaient annoncés les lauréats de l’appel à projets « Réinventer la Seine », lancé par la ville de Paris. Parmi les vingt propositions, une a particulièrement retenu l’attention de The Good Life : l’Atelier de l’Arsenal, place Mazas, tout près de la Bastille, imaginée par Laisné Roussel. L’agence, fondée en 2014 par Nicolas Laisné, 40 ans, et Dimitri Roussel, 32 ans, tient son plus gros projet dans Paris intramuros. En collaborant avec plusieurs partenaires, dont l’Institut du monde arabe, Laisné Roussel a remporté le projet à l’unanimité, à l’exception de l’adjoint à l’économie. En effet, la proposition de sept millions d’euros pour l’achat du foncier par le promoteur REI était jusqu’à deux fois inférieure à certains concurrents.
Les deux fondateurs de Laisné Roussel nous reçoivent dans leurs bureaux de Montreuil, en Seine-Saint-Denis, où travaillent une trentaine de salariés. Ils expliquent le choix de la mairie par la volonté de privilégier le tissu urbain parisien aux plus gros profits. « On aurait pu proposer une construction type barre d’immeuble sur toute la surface disponible, comme c’était le cas pour d’autres projets, avance Dimitri Roussel, mais nous souhaitions respecter l’axe monumental de la Bastille. » Ainsi, un immeuble co-living de huit étages montés sur une structure en bois verra le jour parfaitement aligné avec le dernier haussmannien du boulevard de la Bastille. « Le co-living est une nouvelle façon de consommer le logement, sorte de colocation plus structurée », précise Nicolas Laisné.
A côté, se grefferont un atelier, des restaurants, des quais bas aménagés avec bassins et lieux de vie et la maison éclusière sera aménagée pour accueillir mieux qu’aujourd’hui les bénéficiaires de l’association Aurore et des artisans. « C’est le seul lieu de confluence de tout Paris, continue, enthousiaste Dimitri Roussel, pourtant, aujourd’hui, c’est un no man’s land. Nous avons voulu en faire une destination pour les Parisiens en plein cœur de la capitale, remettre la place Mazas dans l’inconscient collectif. » L’avantage pour la mairie ? Un nouveau lieu de vie, démontable dans le futur pour, potentiellement, récupérer ses berges. Contemporain mais intégré, il évite également une levée de boucliers qu’aurait pu déclencher la construction d’une tour plus imposante, et privée. Inauguration prévue en 2021.
Laisné Roussel à la frontière entre l’urbanisme et l’architecture.
Au moment d’évoquer leurs inspirations, on passe de Jean Nouvel, « l’un des premiers architectes à monter des équipes avant ses projets » et Raj Rewal pour Nicolas Laisné, à Herzog et de Meuron pour Dimitri Roussel, « leurs réponses sont toujours contextuelles mais inattendues ». Plusieurs traits de caractère que l’on retrouve dans leurs propres constructions. « Notre démarche est sociétale, plus qu’esthétique. C’est l’accompagnement des nouveaux usages qui nous passionne et comment les transformer ». Graver son nom dans la pierre et glisser dans chaque projet un twist pour y laisser son empreinte, « c’est passé de mode », selon Nicolas Laisné.
Pourtant, à regarder de plus près les dernières propositions de l’agence, 36 projets en cours tout de même, on y voit quelques similitudes. L’utilisation du bois, les grands espaces ouverts… Dimitri Roussel explique : « Notre travail pourrait être défini comme de l’architecture atmosphérique, dans la mesure où l’on pense à une construction dans son ensemble, ancrée dans un environnement, mais aussi parce qu’en pratique, on facilite la circulation. Nos structures sont poreuses, légères. » Solidarité, utilisation pratique des espaces, espaces communs… La patte Laisné Roussel se trouve donc plus dans la conception que dans l’esthétique de ses projets.
Un avenir brillant ?
En 2018, l’agence devrait recevoir le permis de construire pour l’Arboretum, un campus de 125 000 m² à Nanterre, dans les Hauts-de-Seine, « le plus gros complexe immobilier en ossature bois du monde ». Une construction de plus en banlieue parisienne pour Laisné Roussel, persuadé du potentiel de celle-ci, notamment la Seine-Saint-Denis. « Pantin, Saint-Ouen, Montreuil, Saint-Denis… Aujourd’hui les promoteurs regardent attentivement les opportunités foncières dans le 93, l’un des départements au potentiel de développement le plus important » confirme Dimitri Roussel, « à condition d’y trouver un équilibre et une alternative à une gentrification trop agressive », selon Nicolas Laisné. Une nouvelle stature renforcée par le projet du Grand Paris. Le neuf-trois futur faubourg parisien ?
Autre grande nouvelle pour la firme en 2018 : un quartier entier, de 75 000 m² à Nice, le Joia Meridia, réalisé avec Chartier Dalix, Sou Fujimoto, Cino Zucchi et Roland Carta, entre autres. Un vrai travail d’urbanistes pour une agence d’architectes dans l’air du temps : multitâches.
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