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Julien Faure le retour en force de la rubanerie made in France - the good life
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Julien Faure, le retour en force de la rubanerie made in France

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En collaborant avec la maison Julien Faure, Tudor a remis le ruban – dont la fabrication est un savoir-faire français patrimonial – au goût du jour et a fait du bracelet amovible une tendance horlogère.

Fin mars, tandis qu’à Paris, au Carreau du Temple, le salon Made in France Première Vision œuvre à la réindustrialisation et à la revalorisation du savoir-faire textile français, dans la plaine stéphanoise, une entreprise historiquement locale ne connaît plus la crise. Ses carnets de commande débordent. Et pour longtemps… « Si le début de la pandémie a été difficile, dès l’annonce des premiers vaccins, nous avons constaté un changement radical de nos commanditaires, commente Julien Faure. Nous n’avions pas connu un tel dynamisme depuis 2015. »

La maison Julien Faure est la dernière manufacture de rubanerie encore en activité à Saint-Étienne. Fondée en 1864, elle est toujours restée indépendante et patrimoniale. Julien Faure représente la cinquième génération de cette famille de passementiers. On le sait peu, et c’est dommage, mais la rubanerie est un savoir-faire français, et plus particulièrement stéphanois. Si le tissage de la soie occupe les pentes de la Croix-Rousse, à Lyon, la passementerie s’organise des monts du Velay à ceux du Lyonnais, et surtout en Forez.

Julien Faure.
Julien Faure. Sarah Aubel

Julien Faure maintient le cap du made in France

C’est un artisanat éclaté, d’ouvriers tisseurs qui travaillent à domicile, en famille. Le ruban, lui, apparaît sous le règne de François Ier. Il entre très vite dans la mode pour les costumes masculins comme féminins. Avec la révolution industrielle et l’apparition d’une bourgeoisie aisée, la demande explose dans le monde entier, y compris aux États-Unis et dans les lointaines colonies. Le ruban devient la folie du moment, embellissant cheveux, robes et chapeaux. Pour répondre à cette demande exponentielle, les passementiers ont une idée révolutionnaire. Ils adaptent la mécanique Jacquard à leurs métiers à tisser. Cela leur permet de créer une large variété de rubans aux couleurs et aux motifs délicats, mais aussi d’augmenter leur capacité de production.

Ces nouvelles machines actionnent dix navettes en même temps, soit dix bobines de fil tissées au même rythme. À la veille de la Première Guerre mondiale, la passementerie stéphanoise emploie plus de 30 000 personnes et en fait vivre environ 80 000. Reste que, peu après, ses beaux rubans de soie vont finir par être concurrencés par l’apparition de la soie artificielle, et l’automatisation industrielle va, elle aussi, sonner le glas de cette activité.

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Le bassin stéphanois devient une zone industrielle sinistrée. Le manque d’infrastructures routières et ferroviaires coupe la ville de la métropole lyonnaise et accroît sa fragilité économique. Si certaines maisons se reconvertissent dans les tissus techniques, Julien Faure maintient le cap vaille que vaille : « Pendant deux bonnes décennies, toutes les personnes que je rencontrais me disaient que j’étais à côté de la plaque, que j’étais le dernier des Mohicans. Vous n’imaginez pas le nombre de financiers, de banquiers qui me demandaient pourquoi je m’acharnais à produire en France. »

Tudor, un client prestigieux

Il s’entête à ourdir ses fils luxueux pour les maisons de haute couture et… pour l’horlogerie. En effet, ses ateliers tissent en exclusivité pour Tudor les bracelets de sa Tudor Black Bay. Tout a commencé quand Ander Ugarte, le designer de l’époque, retrouve dans les archives de l’horloger suisse un modèle star des années 70. Les plongeurs de la Marine nationale, qui en étaient alors équipés, avaient remplacé son bracelet par des sangles de parachute pour en faire une attache plus pratique et plus sûre.

Ander Ugarte reprend l’idée et, pour la concrétiser, contacte le seul qui puisse la réaliser, Julien Faure. « Nous avons mis au point un bracelet qui ne peut être tissé que sur nos métiers. Il doit concilier souplesse et solidité, être réglable en longueur. Sa réalisation est très complexe, notamment celle des tunnels qui permettent de le faire passer dans les boucles. » C’est ainsi que la Tudor Black Bay devient, avec ses bracelets en tissu interchangeables, l’un des garde-temps les plus bankable.

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« Si, au départ, nous ne produisions que les bracelets, désormais, nous prenons aussi en charge l’assemblage des boucles », poursuit Julien Faure. Le groupe Rolex est le seul horloger avec lequel il collabore. Ses autres références sont les maisons de luxe les plus emblématiques : Dior, Céline, Hermès, Chanel… « Cette année, nous réaliserons un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros, mais il faut être réaliste. Nous ne sommes qu’une toute petite petite entreprise. »

Certes, mais le vent a tourné. Le luxe n’a jamais été aussi attrayant et florissant. Julien Faure n’a pas besoin de quitter ses ateliers où les machines battent en rythme les fils, ce sont les clients qui viennent à lui. Mais la région, elle, reste malheureusement sinistrée…


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