The Good Business
Dans le monde des spiritueux, on aime les belles histoires. Surtout quand elles sont de famille. Si on ajoute quelques éléments historiques, des personnages de légende et des images qui font rêver, on a, au final, dans une bouteille, beaucoup plus que le fruit d’une distillation. C’est ce que toutes les marques recherchent. C’est ce que raconte Jim Beam.
Régulièrement, Fred Noe quitte son Kentucky natal pour raconter au reste du monde l’histoire de sa famille. Laquelle est liée au bourbon. Représentant de la septième génération des Beam, descendant du fondateur de la distillerie Jim Beam, il a un gros potentiel en termes de story-telling. En 1935, cela fait déjà quatre générations qu’on distille le maïs chez les Beam, au moment de la fondation de la James B. Beam Distilling Company par Jeremiah Beam, fils de James Beauregard Beam, lequel avait déjà fait de la distillerie familiale un business florissant.
C’est à lui que l’entreprise doit son nom. En 1945, elle est rachetée par Harry Blum, un négociant en spiritueux de Chicago, puis, en 1968, par le conglomérat American Brands, renommé Fortune Brands en 1997. En 2014, le japonais Suntory rachète les actions de Jim Beam pour près de 13,9 milliards de dollars, récupérant au passage les autres marques du groupe : le bourbon Maker’s Mark, la tequila Sauza et le cognac Courvoisier. Fred Noe, « l’héritier », est là pour entretenir la légende, embellir le mythe.
L’appellation bourbon désigne un whisky qui est presque exclusivement fabriqué dans le Kentucky, à partir d’un mélange de céréales contenant au minimum 51 % de maïs – le reste étant constitué d’orge, de malt ou de seigle. Il tient son nom du comté de Bourbon, son lieu de naissance, nommé ainsi en l’honneur du roi Louis XVI, allié des insurgés américains lors de la guerre d’indépendance des Etats-Unis contre les Britanniques.
Pendant longtemps, il n’a été qu’une boisson virile bue par les cow-boys dans les saloons de l’Ouest. Depuis peu, il gagne ses lettres de noblesse, boosté notamment par l’engouement pour les cocktails et l’ouverture vers de nouveaux marchés. « Quand, dans les années 70, j’ai commencé à travailler dans la compagnie, je ne voyais pas le côté commercial de l’entreprise, je voulais être le type qui travaille tous les jours dans la distillerie. Mais le métier de master distiller a évolué et requiert de s’intéresser également au marketing. C’est aussi ce qui a permis au bourbon de se faire connaître. Je suis ici, à Paris, pour raconter l’histoire de notre bourbon. Et cette histoire, racontée par moi, a évidemment plus d’impact que lorsqu’elle est racontée par quelqu’un du marketing ou par un ambassadeur. Le whisky a toujours eu du succès en Europe, les scotches, les ryes… mais le bourbon était peu présent. Puisque tout le monde cherche de la nouveauté, la nouveauté c’est nous ! » Un comble pour ce rejeton d’une famille qui distille depuis deux cents ans ! Un comble aussi pour ce bourbon qui, par une loi du Congrès, en 1964, a été déclaré America’s Native Spirit !
Un alcool qui présente l’avantage d’être polyvalent. Le bourbon se boit facilement, seul ou sur glace, et se prête aussi volontiers aux mix élaborés et aux highballs rafraîchissants. Aujourd’hui, Jim Beam propose, en plus du White (le bourbon le plus vendu dans le monde), une collection qui permet de varier les expériences : un Double Oak (4 ans), le Black (6 ans), le Devil’s Cut (élaboré grâce à une technique secrète, le whisky étant imprégné dans le bois de barrique brûlé), le Signature Craft (12 ans), un Rye et des liqueurs miel et pomme.
A laquelle il faut ajouter la collection Small Batch, une initiative prise par le père de Fred Noe, Booker Noe, également maître distillateur de la maison en son temps, contenant le Knob Creek et le Baker’s. De quoi susciter le désir des amateurs et des professionnels, en Europe, bien sûr, mais aussi sur des marchés asiatiques très prometteurs, notamment la Chine. Seule ombre au tableau de cette idylle naissante, la guerre commerciale entre l’Union européenne, la Chine et les Etats-Unis, dont le bourbon est, comme d’autres produits américains, l’une des victimes.
Pour le moment, pas de panique dans l’industrie, mais si les mesures de hausse des taxes sont maintenues, elles seront tôt ou tard répercutées sur les consommateurs. Et là réside toute la difficulté du métier de producteur de spiritueux (le bourbon, et tous ceux qui nécessitent un vieillissement) : prévoir quelles quantités seront bues dans cinq ou dix ans, augmenter la production ou pas. Pour Fred Noe, que l’offre soit contrôlée volontairement ou non, pour des raisons commerciales ou de marketing, il n’y a pas de problème si la qualité est toujours assurée. On le comprend. C’est quand même son visage qui est – avec celui de ses ancêtres – dessiné sur toutes les bouteilles !
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