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À moins de cent kilomètres d’Osaka, au Japon, la péninsule de Kii abrite des sites majestueux aux traditions ancestrales, 2025 - TGL
À moins de cent kilomètres d’Osaka, au Japon, la péninsule de Kii abrite des sites majestueux aux traditions ancestrales, 2025 - TGL
Shoko Photography

The Good Guide // Getaway

Péninsule de Kii : le Japon mystique entre Kumano Kodo, moines et plongeuses ama

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À moins de cent kilomètres d’Osaka, qui accueille l’Exposition universelle 2025, du 13 avril au 13 octobre, la péninsule de Kii abrite des sites majestueux aux traditions ancestrales. Immersion dans le berceau spirituel du pays du Soleil-Levant, entre monts sacrés et chemins de pèlerinage.

En marge des itinéraires touristiques qui se concentrent sur la trinité urbaine Tokyo-Kyoto Osaka, la péninsule de Kii, cette frange de campagne et de forêts séculaires, incarne à elle seule le cœur spirituel du Japon.


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Le Japon des dieux

Le berceau du bouddhisme et du shintoïsme, cerné par les eaux du Pacifique. Parmi les trois préfectures qui la composent, incluant celle de Nara (l’ancienne capitale impériale), Wakayama et Mie hébergent les plus beaux sentiers de pèlerinage et sanctuaires religieux, une gastronomie déclinant la shojin ryori (cuisine des moines) et quelques rituels oubliés, comme celui des ama (littéralement, « femmes de la mer »), les dernières plongeuses en apnée en quête de coquillages géants.

Des boudhistes sur la péninsule de Kii.
Des boudhistes sur la péninsule de Kii. Hanna Eberhard / Unspash

Avant d’entreprendre un voyage aux sources du Japon mystique, il faut savoir que 80 % de sa population est aujourd’hui bouddhiste. Cette religion d’origine indienne, qui a traversé la Chine pour arriver au Japon au vie  siècle, s’attache à éveiller l’esprit. Elle est omniprésente dans le mode de vie nippon.

C’est une approche méditative de l’existence, qui semble côtoyer avec le plus grand naturel le shintoïsme, une religion animiste, plus ancienne, qui accompagne ses adeptes dans toutes les grandes étapes de leur vie et qui repose sur un respect profond des esprits qui habitent la nature. Deux croyances complémentaires qui illustrent la singularité spirituelle de la péninsule et expliquent l’alternance de temples shintoïstes et bouddhistes sur un même site.

Dormir chez les moines sur la péninsule de Kii

Au cœur de la préfecture de Wakayama, Koyasan est le point de départ de ce périple initiatique : un lieu de pèlerinage paisible, hissé sur une colline, aujourd’hui l’épicentre du Shingon tantrique. Né il y a 1 200 ans, c’est l’un des courants majeurs du bouddhisme japonais, qui compte plus de 12 millions de fidèles et environ 3 600 temples à travers tout le pays.

Koyasan est le point de départ de ce pelerinage.
Koyasan est le point de départ de ce pelerinage. Shoko Photography

Parmi les plus spectaculaires, celui de Konpon Daito, orange vif et à l’histoire presque millénaire, fait partie de Danjo Garan, un jardin spirituel, une enceinte sacrée plantée de plusieurs temples à l’esthétique, aux célébrations et à la décoration différentes. On peut s’y balader librement la journée, mais c’est la nuit que la région du mont Koya, site classé au patrimoine mondial de l’humanité, prend toute sa dimension énigmatique, insolite et incontournable… L’idéal est de réserver auprès d’un guide une visite nocturne de l’okuno-in, le cimetière historique, peut-être l’un des plus beaux et mystérieux jamais découverts, coiffé d’érables gigantesques.

Entre rochers et près de 200 000 stèles illuminées – certaines ornées de petites statues de Jizo (protégeant les enfants de l’enfer, héritage d’une époque où le taux de mortalité était très élevé) –, on s’attend à voir surgir des créatures dignes des légendes qui habitent la montagne peut-être la plus sacrée du monde. Impossible ici de ne pas pousser l’expérience jusqu’à dormir dans un monastère. Parmi la cinquantaine de shukubo (auberges traditionnelles) tenus par les moines, le Hojo-in est loin du folklore touristique et demeure emblématique.

Aménagé dans un temple dont l’histoire et la culture remontent à l’époque où l’empereur Go Shirakawa accède au trône, en 1155, il offre le confort d’un authentique ryokan, épuré, avec nuitée sur le tatami. En guise de sanitaires, des onsen (bains chauds dont l’eau est issue de sources volcaniques) extérieurs et intérieurs, des douches japonaises « typiques », que l’on prend ensemble (femmes et hommes séparés), assis sur son petit tabouret en bois face au miroir, avant de se glisser dans le bain fumant pour se relaxer.

Le shojin ryori se compose de nombreuses préparations végétariennes.
Le shojin ryori se compose de nombreuses préparations végétariennes. Shoko Photography

Si le dîner – une cuisine végétalienne shojin ryori veillant à respecter l’équilibre entre légumes de saison, bouillons chauds et bouchées froides – est servi tôt le soir, le réveil est matinal pour ceux qui souhaitent assister à une méditation menée par les moines, à 6 h 30, dans la salle de prière à l’opulence sublime et éclairée de centaines de lanternes. Poésie indispensable à n’importe quel ryokan, le jardin japonais est ici exceptionnel.

Se retrouver sur le Kumano Kodo

Il existe un peu plus d’une demi-douzaine d’itinéraires, et la plupart des randonneurs visent quatre ou cinq jours de marche pour goûter toute la sérénité du pèlerinage le plus sacré aux yeux des Japonais. Une expérience inscrite au patrimoine culturel mondial de l’Unesco depuis 2004, qui serpente à travers des forêts dignes du film Princesse Mononoké.

Femme japonaise habillée en tenue traditionnelle.
Femme japonaise habillée en tenue traditionnelle. DR

S’il n’est pas rare de croiser quelques « créatures » habillées sur la péninsule de Kii, en tenues traditionnelles (kimono et geta), cascades, rivières, ruines de maisons de thé et climat extrêmement humide contribuent également à la magie parfois hostile de cette méditation active. Ces sentiers sinueux, jumelés aux chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle, attirent tous les Japonais, sans distinction, qui ont entrepris cette aventure (accessible à tous) au moins une fois durant ces dix dernières années.

L’autre charme de la randonnée sur le Kumano Kodo réside dans le fait de s’approprier le rituel des pauses de ravitaillement dans l’une des nombreuses maisons de thé qui jalonnent le parcours. Un moment de réconfort, qui n’est pas sans rappeler que les récoltes des arbres à thé (en nombre, ici, grâce aux aristocrates et empereurs retirés y ayant élu domicile) se font chaque mois de mai, les premières produisant un thé sencha, les dernières, un bancha, tous deux en vente dans le petit village de Fushiogami-oji.

Si les itinéraires diffèrent en fonction des panoramas et sanctuaires choisis parmi les trois Kumano Sanzan, qui sont à l’origine des lieux de culte à la fois animistes et bouddhistes, le Kumano Nachi-taisha offre un condensé de l’histoire de ce pèlerinage, un concentré d’architecture et un site tout entier spectaculaire et incontournable. Il surplombe un cirque naturel d’une grande beauté et des chutes sacrées, les plus hautes du Japon, s’élançant de plus de 130 mètres. D’un rouge vif orangé, ce temple, considéré comme l’un des plus importants pour son énergie vibratoire, semble se détacher de la montagne à laquelle il est adossé – il se mérite, après avoir gravi 467 marches.

Le Kumano Nachi-taisha.
Le Kumano Nachi-taisha. Shoko

À l’arrivée, il partage un panorama exceptionnel avec un camphrier vieux d’environ 850 ans et un temple bouddhiste, à quelques pas, construit ici après qu’un Indien a reconnu un jour l’image de Bouddha dans le relief des chutes d’eau. On compte au total 48 cascades sur le site de Nachi, ce qui mérite une vraie journée de découverte.

Mie, la perle de la perle

Difficile de pousser jusqu’à la province de Mie en faisant l’impasse sur la culture d’huîtres perlières. L’île des perles Mikimoto – du nom de Kokichi Mikimoto, l’inventeur de la perle de culture –, au large de Toba, fait office de pèlerinage.

Un calibre de nacre façonné avec l’expertise d’un artisan, accompagné d’une monture personnalisée pour créer une pièce de joaillerie sur mesure.
Un calibre de nacre façonné avec l’expertise d’un artisan, accompagné d’une monture personnalisée pour créer une pièce de joaillerie sur mesure. DR

Dans la baie d’Ise, non loin de Koshika, on peut accéder par bateau à l’un de ces îlots où d’authentiques petites fermes perlières, nichées au bout de pontons en bois, permettent d’assister à « l’ouverture des huîtres » et d’en apprendre davantage sur leur culture, avant de choisir son calibre de nacre avec l’aide d’un artisan, et même une monture pour en faire une pièce de joaillerie sur mesure.

En restant sur la côte de la péninsule de Kii, on rencontre l’Oyado The Earth, l’un des plus beaux ryokan contemporains du Japon, une expérience en soi. Au-delà de la forêt primitive à laquelle il s’adosse et du panorama sur la baie de Toba, c’est tout l’art de vivre et l’élégance des lieux qui promettent un voyage unique. Chacune des seize suites dispose de son onsen privé sur la terrasse, avec vue sur le Pacifique.

Dans la baie d’Ise, au Japon, il est possible d’accéder par bateau à l’un de ces îlots où d’authentiques petites fermes perlières, nichées au bout de pontons en bois, permettent d’assister à « l’ouverture des huîtres ».
Dans la baie d’Ise, au Japon, il est possible d’accéder par bateau à l’un de ces îlots où d’authentiques petites fermes perlières, nichées au bout de pontons en bois, permettent d’assister à « l’ouverture des huîtres ». Laurence Gounel

La table respecte l’intimité grâce à de petits salons privés où un menu kaiseki, d’une finesse extrême, est servi, puisant ses haïkus dans l’océan et la nature environnante. Au sud d’Ise, la région de Nakiri est réputée pour la pêche à la bonite. Elle cultive ses propres techniques de fumage depuis 1 300 ans. Un savoir-faire qui se transmet de génération en génération, comme dans la famille Tenpaku, dont on peut visiter l’atelier traditionnel face à l’océan.

Plonger avec les ama sur la péninsule de Kii

« On devient une vraie plongeuse quand on arrive à nourrir au moins un mari », disent-elles. Elles, ce sont ces aventurières d’un autre âge – uniques au monde, avec celles de Corée –, qui pratiquent une méthode de pêche ancestrale et raisonnée. Elles plongent été comme hiver, et sans assistance, pour remonter à la surface du Pacifique algues et coquillages qu’elles vendront aux marchés de Toba et Shima.

Dans la baie d’Ise, ces rochers reliés par une corde sacrée représentent l’union entre l’homme et la femme dans le mariage.
Dans la baie d’Ise, ces rochers reliés par une corde sacrée représentent l’union entre l’homme et la femme dans le mariage. DR

Si certaines partent seules, et pêchent sans grande profondeur, d’autres vont racler les fonds de l’océan, rattachées par une simple corde au bateau de leur mari. Toutes âgées de plus de 65 ans, elles plongent en apnée et quotidiennement. Si la légende veut que cette pratique perdure depuis plus de 3 000 ans, elles étaient 70 000 encore dans les années 1950, tandis qu’aujourd’hui elles ne sont plus que 2 000 environ à se partager les eaux froides du nord du Japon.

Reconnaissables à leur tenue blanche traditionnelle, appelée isogi, on n’en compte pas plus de 200 ici, à Koshika, faute de relève. Le travail n’est pas assez rémunérateur, trop difficile et dangereux. Chaque matin, quand la mer le permet, elles plongent dans une eau parfois inférieure à 16 °C, après s’être réchauffées dans leur amagoya, ces baraques en tôle ondulée. C’est là qu’elles se préparent, souriantes mais concentrées. Elles accumulent toute la chaleur possible autour d’un grand feu au charbon de bois.

Peu avant 9 h 30, on accompagne ce matin-là les kachido ama (celles qui plongent sans bateau) en direction des rochers. Leur équipement paraît sommaire – une combinaison, un foulard, une surveste blanche, qui éloigne les requins, un masque et des palmes. Pour ne pas s’abîmer les poumons lorsqu’elles émergent régulièrement à la surface, ces apnéistes old school émettent l’isobue, une sorte de sifflement dont la tonalité a été reconnue comme l’un des plus beaux sons du Japon.

Portrait des kachido ama, sur la péninsule de Kii au Japon.
Portrait des kachido ama, sur la péninsule de Kii au Japon. Laurence Gounel

Plus tard, de retour dans leur campement, elles retrouvent leur tenue traditionnelle et discutent avant d’aller vendre leur butin au marché. Dans ce coin de la préfecture de Mie, les fruits de mer sont réputés. Outre la langouste – l’autre trésor local –, c’est pour déguster des coquillages géants que l’on s’attable dans les petites cabanes qui bordent l’océan : saint-jacques, poulpes et calamars sont grillés à la minute sur le foyer traditionnel et servis avec quelques anecdotes sur la vie des plongeuses.


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