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The Good Culture
En 1822, le prince régent du Brésil, soutenu par les élites de la ville et de sa région, déclarait l’indépendance du pays à Sao Paulo. Bientôt, les Paulistes y ont érigé un parc et un musée commémoratifs.
Un étroit rectangle vert au milieu de la carte de la ville. L’actuel quartier d’Ipiranga a beau se trouver niché au cœur de l’histoire politique du pays, il a gardé l’air de faubourg paisible qu’il fut par le passé. En remontant l’avenue Nazaré, en direction du parc de l’Indépendance, le visiteur est surpris par l’absence d’immeubles hauts. Ici, Sao Paulo respire autrement. Dans ce parc, un somptueux palais arborant des tons jaune impérial trône sur une colline, au pied de laquelle se trouve l’entrée du Musée pauliste de l’université de Sao Paulo (USP).
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Un musée au cœur de la ville
Son directeur, l’historien Paulo César Garcez Marins, nous reçoit dans le hall avec un enthousiasme contagieux. « Au premier plan, c’est le Trocadéro. Juste derrière, les Tuileries, et puis, au fond, la place de la Concorde, les Champs-Élysées et la place de l’Étoile. Un concentré de Paris en plein Sao Paulo ! » énumère dans un français parfait cet intellectuel passionné, tout en indiquant la fontaine du parc de l’Indépendance.
Ce jardin français, conçu il y a un peu plus d’un siècle par le paysagiste Félix Émile Cochet, est teinté d’éléments exotiques qui façonnent son caractère proprement brésilien. La végétation devient amazonienne par‑ci, japonaise par‑là. Le Musée pauliste, ou musée d’Ipiranga, vaut le détour pour la qualité de ses expositions et la richesse de ses collections. C’est ici, notamment, que siège l’une des toiles les plus fameuses du pays : Independência ou Morte !, peinte par Pedro Américo en 1888.
Un écho direct à l’histoire contemporaine du pays, car c’est sur ce site que le Brésil a reconnu la centralité de Sao Paulo. En 1922, alors qu’est célébré le centenaire de l’indépendance du pays, le régime en place, encouragé par les élites paulistes, reconnaît la ville des barons du café comme le moteur économique et culturel du pays. Sao Paulo emporte la bataille du centenaire sur Rio, qui demeurera toutefois capitale jusqu’à l’inauguration de Brasilia, en 1960.
Sao Paulo, cœur battant du Brésil
Le choix d’Ipiranga tombe sous le sens, car c’est sur ce site qu’en 1822 le prince régent du Brésil, dom Pedro, déclare l’indépendance du pays et en devient le premier empereur sous le nom de Pierre I er. Raison pour laquelle le tableau de Pedro Américo est aussi connu sous le nom de Cri d’Ipiranga.
Ce fait historique a poussé les autorités paulistes à y ériger ce somptueux palais dans lequel siégea, dès 1895, le musée d’Histoire naturelle rapidement transformé en Musée pauliste, passé sous la houlette de l’USP en 1969. « À cette époque, on considérait que ce qui se passait au Brésil était la conséquence de ce qui se passait à Sao Paulo », résume Paulo César Garcez Marins devant l’une des statues de bandeirantes, ces colons portugais qui ont conquis l’intérieur des terres à partir du XVIIe siècle.
(Re)découvrir l’histoire nationale
Visiter Ipiranga, c’est aussi percevoir le creuset de cultures qui opère à Sao Paulo. La collection Les Mondes du travail regroupe une série de peintures, photos et objets rendant hommage aux différentes populations ayant œuvré à la croissance économique, de gré ou de force : esclaves, autochtones, immigrés italiens ou japonais…
« Sao Paulo a conquis son statut de première ville d’Amérique latine par sa culture de l’inclusion, de l’accueil des étrangers, réfugiés ou immigrés », considère l’auteur Lucius de Mello, croisé dans les couloirs du musée. Si Sao Paulo est une métropole « plus humaine que les autres », selon cet ancien journaliste devenu docteur en littérature à l’USP, c’est en partie parce qu’« elle embrasse son histoire, liée aux immigrations européennes et asiatiques, notamment ».
Une ouverture à la diversité permise par un travail de déconstruction historique incontournable. Depuis le paisible jardin du parc de l’Indépendance, loin des avenues grouillantes de monde, les Paulistes aiment débattre avec passion sur l’histoire du Brésil.
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