The Good Business
Le Printemps a lancé, peu avant le confinement, son site de vente en ligne. L'objectif ? Toucher les millennials en plein cœur. Rencontre avec Karen Vernet, directrice e-commerce Printemps.com
12 mars 2020. La France s’apprête, cinq jours plus tard, à fermer boutique pour les deux prochains mois. Heureux timing, c’est aussi la date fixée par le Printemps pour lancer son site de e-commerce, Printemps.com, après 20 mois de travail. De quoi limiter (un peu) la casse. Après Citadium.com pour le streetwear, Placedestendances.com pour la mode premium et le rachat de Madeindesign.com en 2019, le groupe Printemps ajoute enfin le canal web à son offre flagship : le luxe. A la tête des équipes qui ont travaillé au lancement du site, Karen Vernet, directrice du e-commerce pour Printemps.com, a reçu le Prix Margaret 2020 (qui récompense les femmes fortes du digital) dans la catégorie Intrapreneur Europe.
Initiée en 2018, la création de Printemps.com permet de regrouper 200 marques sur la même place de marché, des grands noms comme Gucci et Prada à des labels plus petits, inventifs et intelligents comme Ambush ou Telfar. Se lancer sur le web, oui, mais pas n’importe comment. En effet, le groupe Printemps cite une étude McKinsey qui prévoit que le secteur du luxe en ligne triplera sa part de marché d’ici 2025. D’ici là, près de la moitié des achats luxe seront effectués par des personnes nées après 1981. Karen Vernet et ses équipes ont ainsi imaginé un site pour coller aux attentes des générations Y et Z.
Les codes millennials
Comment ? En utilisant les mots clés qui font écho aux valeurs que l’on prête généralement aux millennials et à leurs successeurs : « inclusivité », « non genré », « mixte », « diversité », « durabilité », « local ». On retrouve donc, sur Printemps.com, 18 marques dites « inclusives », qui proposent des grandes tailles par exemple, 34 marques « act local » et 23 marques unisexes. Entre les catégories Homme et Femme, une troisième catégorie, Mixte, fait son apparition. Les mannequins sont sélectionnés pour leur attitude et il y en a (presque) de tous les âges, toutes les couleurs et toutes les morphologies.
Côté business, la présence du Printemps sur le web permet au groupe de proposer une trentaine de collaborations exclusives et être le seul à distribuer certaines marques en ligne : 42 griffes dont Vivienne Westwood et Thierry Mugler. Après les accessoires il y a 10 ans et l’Homme il y a trois ans (où l’on trouve The Good Concept Store…) le Printemps continue sa mue et part à la conquête d’internet. Aux commandes de la navette, Karen Vernet a pris le temps de répondre aux questions de The Good Life.
5 questions à Karen Vernet, directrice e-commerce Printemps.com :
The Good Life : Êtes-vous satisfaite des premières semaines du site, qui a vu le jour juste avant le confinement ?
Karen Vernet : Nous sommes très satisfaits car Printemps.com a pris son envol sans aucun bug technique, il fonctionne très bien depuis le premier jour. Malgré le confinement, les ventes augmentent graduellement chaque semaine, de façon régulière. Il y a des clients qui reviennent sur le site pour un deuxième voire un troisième achat. Tous les voyants sont au vert ! Le client type est relativement jeune, entre 18 et 35 ans, plus jeune que le client type du retail physique. C’est très satisfaisant pour le Printemps car l’un des rôles du site est de recruter de nouveaux clients.
The Good Life : Comment est-ce que l’on adapte un site de e-commerce à une institution de plus de 150 ans comme le Printemps ?
Karen Vernet : Il existe des points d’ancrage très fort : mettre en avant que le printemps est visionnaire, sélectionneur de nouveaux talents, laboratoire de nouvelles tendances, en avance sur son temps, parfois déroutant… Devancer les tendances, c’est prendre position, comme avec l’inclusivité, aller plus loin dans ce domaine, du casting des mannequins à la sélection de labels unisexes. S’il n’y a pas de faits concrets, ce n’est que de la communication. Et là, la sanction est terrible ! On a fait très attention à ça, la cohérence entre le « dire » et le « faire ». C’est un exercice de tous les instants. Nous ne sommes pas parfaits, mais on a fait un pas. Il reste encore beaucoup à faire.
TGL : Quelles marques avez-vous décidé de mettre en avant ? Pourquoi ?
K.V. : Nous proposons une sélection unique de marques sur Printemps.com : les partenaires emblématiques du luxe – Gucci, Balenciaga, Prada, Burberry, Off White, Versace etc. – les marques designers qui ont un positionnement pointu, engagé, et les marques de créateurs plus confidentielles, parfois naissantes, dénichées dans les backstages des fashions weeks. Nous mettons également en avant de nombreux créateurs en exclusivité online France Grands Magasins comme Vivienne Westwood, Richard Quinn, Simone Rocha, Alexandre Vauthier etc. Printemps.com est le seul site à avoir créé une section « Mixte » qui valorise les marques purement unisexes – Marques’Almeida, Palomo Spain etc. – ainsi qu’une sélection de vêtements portables à la fois par l’Homme et par la Femme. Enfin, Printemps.com propose un portefeuille inédit de marques « Care » aux valeurs responsables et engagées, comme Carcel et Deadwood, entre autres.
« Le Printemps a toujours su s’adapter »
TGL : Vous proposez également du contenu éditorial…
K.V. : C’est un point très important car on ne souhaitait pas seulement proposer un catalogue de produits mais une approche plus profonde et sociologique des choses, qui permette au client de créer un lien avec nous. Nos articles ne sont pas liés directement à la partie commerciale, on traite de mode de musique, de cinéma et d’architecture. C’est absolument essentiel, car c’est ce qui crée de la fidélité… et facilite le référencement. La ligne éditoriale du e-magazine de Printemps.com est cohérente avec nos valeurs : des sujets transgénérationnels et slow life. Un reflet de la société qui, va, en apparence, à l’encontre des intérêts d’une entreprise de retail, mais qui donne un sens à notre stratégie initiale.
TGL : Les entreprises de retail, justement, vont devoir changer leurs habitudes après la crise sanitaire… Comment imaginez-vous l’avenir du Printemps après le déconfinement ?
K.V. : Notre ADN nous rend uniques, il faudra valoriser ce que l’on sait très bien faire et s’adapter. Rien ne sera jamais comme avant. La Covid va changer la nature des produits, la fréquentation des magasins, les montants dépensés.. Personne ne sait comment cela va se passer, mais le Printemps a toujours su s’adapter. Pour l’avenir, nous sommes plutôt confiants.