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The Good Business
Première femme à diriger la prestigieuse manufacture du Brassus, Ilaria Resta pose les bases d’un nouveau chapitre pour Audemars Piguet. Management plus inclusif, expérience client repensée et innovation produit : elle dévoile sa stratégie pour assurer la pérennité et l’indépendance de la marque face aux mutations du marché du luxe.
La nouvelle dirigeante de la manufacture horlogère du Brassus, Ilaria Resta, resse le bilan de ses premiers mois aux commandes de cette entreprise indépendante et familiale et détaille sa stratégie pour les années à venir.
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Rencontre avec Ilaria Resta, CEO d’Audermars Piguet
The Good Life : Vous avez pris vos fonctions en janvier 2024. Quelles ont été vos premières actions ?
Ilaria Resta : Pendant les six premiers mois, j’ai passé du temps avec les équipes, découvert la marque, son histoire, son ancrage. En prenant mes fonctions, le 1er janvier, j’ai défini avec ces mêmes équipes nos priorités pour les années à venir.
Dans un contexte de marché qui a considérablement changé par rapport aux dernières années de croissance mon objectif est avant tout de définir les futures étapes stratégiques. Les attentes des clients changent et de nouvelles générations arrivent, comme la Gen Z. Ces dernières ont des systèmes de valeurs, des motivations d’achat et des intérêts très différents.
Chaque dirigeant ayant son propre style, qu’allez-vous changer dans le management de l’entreprise ?
Ilaria Resta : En matière de management, je me vois au centre de l’entreprise avec un leadership circulaire plutôt que vertical, afin de rester toujours disponible pour mes collaborateurs. Lorsque nous imaginons la forme d’une organisation, nous pensons généralement à une pyramide au sommet de laquelle se tient le P-DG. C’est un modèle auquel je ne crois pas. Pour moi, il doit être plus inclusif.
Il est primordial pour un dirigeant de rester connecté à la réalité, de disposer d’un accès direct à ses collaborateurs et au terrain. Selon moi, la réussite se résume en trois mots : love, learn, legacy. Il est important d’aimer les gens avec qui on travaille, d’aimer ce que l’ont fait, de continuer à apprendre, de rester curieux et de s’efforcer de laisser une trace, un héritage positif derrière soi.
Comment l’activité d’Audemars Piguet a-t-elle évolué depuis le début de l’année 2024 ?
Ilaria Resta : Notre activité est constante et la croissance continue ; nous avons d’ailleurs récemment terminé la première partie de notre nouvelle manufacture, au Brassus, qui nous permettra de réunir sous le même toit tous les collaborateurs des sites de production de la vallée de Joux. En ce qui concerne le business, nous continuons de développer notre réseau et notre expérience client.
Cette année, nous avons ouvert un certain nombre d’AP Houses, notre concept de boutique-appartement, afin de renforcer notre stratégie people to people. La plus grande à ce jour, l’AP House de Milan, a été inaugurée en début d’année. C’est un lieu magnifique, conçu en collaboration avec la maison Lissoni. Elle nous permet d’accueillir tous les passionnés d’horlogerie dans un environnement chaleureux favorisant les échanges et la découverte.
D’autres AP Houses de cette ampleur, en France et ailleurs, verront prochainement le jour… Nous avons également lancé un nouveau concept, appelé AP Lab, un lieu où aucune montre n’est vendue. Il est ouvert au public et permet à tous d’en apprendre plus sur l’univers d’Audemars Piguet. Le premier AP Lab a été inauguré à Tokyo, dans le quartier d’Omotesando.
Qu’attendez-vous des derniers mois de l’année ?
Ilaria Resta : Sans rien pouvoir vous révéler, je vous promets de belles surprises pour la fin de l’année 2024 dans notre collection Royal Oak Concept.
D’une façon générale, comment le marché mondial de l’horlogerie de luxe se porte-t-il ? Certains pays vous inquiètent-ils plus que d’autres ? À l’inverse, certains marchés sont-ils mieux orientés que prévu ?
Ilaria Resta : Le marché de l’horlogerie a toujours été fluctuant. Cependant, les tensions géopolitiques ainsi que l’incertitude économique affectent davantage certains secteurs, notamment ceux du luxe et de l’horlogerie. Mais je ne suis pas inquiète pour Audemars Piguet et sa capacité à résister. Malgré un contexte difficile, nous sommes en croissance par rapport à l’année dernière et nous augmentons nos parts de marché. La réputation et l’attrait de la marque sont au plus haut…
En tant que leader, je dois toutefois rester vigilante et continuer à étudier le marché et ses dynamiques, comprendre les clients et, surtout, innover. Nous devons rester agiles pour pouvoir nous adapter rapidement à une situation en constante évolution. C’est pourquoi l’apprentissage est, selon moi, la clé. Les dirigeants doivent se former en permanence, apprendre à se remettre en question et challenger le statu quo. Ce qui est un défi dans un secteur traditionnel comme le nôtre.
Audemars Piguet a connu une très forte croissance ces dix dernières années. Où se situent les marges de progression de la marque ?
Ilaria Resta : La mission qui m’a été donnée par le comité stratégique est de préparer l’entreprise pour l’avenir en la rendant encore plus forte, désirable et indépendante. Nous devons rester pertinents pour les générations futures et ne pas nous reposer sur nos acquis. Il est important pour moi d’ouvrir les portes de notre industrie afin de permettre à tous les passionnés de découvrir notre univers. C’est ce que nous faisons à Tokyo, par exemple, avec notre AP Lab.
Quelle sera votre politique en matière d’innovation produit ? Sera-t-elle différente de celle opérée par votre prédécesseur ?
Ilaria Resta : L’innovation est l’un des moteurs de la réussite d’Audemars Piguet depuis sa création. C’est pourquoi elle est au cœur de nos priorités stratégiques.
En ce qui concerne les produits, elle est divisée en trois vecteurs : l’innovation horlogère (les complications, les mouvements), l’exploration de matériaux (le travail que nous faisons sur la céramique en est un bon exemple, ainsi que les nouvelles matières récemment proposées comme le BMG ou le carbone forgé CFT), et la qualité de l’habillage de nos pièces (les finitions, les décorations). L’innovation sur nos produits est cruciale, mais l’expérience que nous pouvons offrir l’est également. Je souhaite ouvrir les portes d’Audemars Piguet au plus grand nombre.
Le chantier du campus et du nouveau siège avance-t-il comme vous le souhaitez ? Quand sera-t-il inauguré ?
La première phase du projet de la nouvelle manufacture du Brassus est désormais terminée. Cet été, les premiers collaborateurs ont pu découvrir leur nouvel espace de travail dans le bâtiment qu’on appelle l’Arc. Nous entamerons la seconde partie du projet début 2025. Cette nouvelle manufacture nous permettra de revoir les flux de travail et de favoriser les échanges d’idées entre collaborateurs.
C’est un véritable atout pour encourager l’innovation ! Dans la même optique, en 2023, nous avons également lancé les travaux de notre nouvelle manufacture de Meyrin, dans le canton de Genève, qui sera inaugurée à la fin de l’année prochaine.
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