The Good Business
The Good Life a tiré le portrait de huit acteurs de l'économie moscovite.
Vadim Dymov a commencé sa carrière dans l’Extrême-Orient Russe avec une société spécialisée dans la production et le conditionnement de viande, qu’il a revendue en 2003. Il a alors fondé l’entreprise Dymov, sur le même créneau, à Moscou cette fois, où il emploie plus de 2 500 salariés. Il a également créé la chaîne de librairies Respublika.
The Good Life : Parmi les pays émergents, la Russie est le deuxième plus gros importateur de boissons et de produits alimentaires transformés. Comment l’expliquez- vous ?
Vadim Dymov : Le secteur agroalimentaire se développe en Russie, même si la politique actuelle de notre gouvernement ne favorise pas les entreprises. Il est difficile d’exporter vers l’Union européenne et d’importer depuis l’UE. La Russie devrait avoir des frontières ouvertes vers l’UE et les autres pays étrangers, dans les deux sens, pour favoriser la circulation des marchandises. La solution serait d’augmenter les taxes sur le produit fini en Russie. Aujourd’hui, les taxes sont plus élevées sur les produits bruts.
TGL : Ce marché est-il porteur pour les entreprises étrangères ?
V. D. : La Russie offre de nombreuses possibilités à ceux qui veulent prendre des risques. Pour preuve, selon le rapport Doing Business 2013 de la Banque mondiale, la Russie a gagné 22 places. Les mentalités changent. Bien sûr, il y a encore du travail, les infrastructures ne sont pas encore toutes au point et nous devons améliorer nos lois. Mais nous avons de beaux succès, comme Bonduelle, par exemple. La Russie a beaucoup de terres, à commencer par la Sibérie. La région de Krasnoïarsk fait à peu près 4 fois la France. La terre y est fertile. J’ai une ferme de 30 000 hectares en Sibérie, avec des vaches qui produisent 40 000 litres de lait par jour. En ce moment, je suis à la recherche d’un partenaire et d’un technicien pour développer ce secteur.
TGL : Pourquoi avoir lancé la chaîne de librairies Respublika ?
V. D. : Mon rêve était d’allier la musique et la lecture dans un même lieu. Respublika a ouvert en 2005 et compte aujourd’hui 16 magasins en Russie. L’idée était d’inciter à la lecture, mais de façon amusante. Je pense que le style de nos magasins a changé l’environnement social moscovite. Il a inspiré, par exemple, le Strelka Bar et le magazine on-line Look at Me. B. D.
Oleg Shapiro, cofondateur du bureau d’architecture Wowhaus, a signé l’aménagement des quais Krymskaya.
The Good Life : En quoi Moscou est-elle une ville si singulière ?
Oleg Shapiro : D’abord, Moscou n’a pas toujours été la capitale du pays. C’est une ville de business, à l’inverse de Saint-Pétersbourg, qui est davantage connue pour la culture. Ensuite, son centre est très petit comparé à celui d’autres villes comme Paris. Ici, toutes les routes mènent au Kremlin. L’architecture et l’urbanisme reflètent l’Etat russe centralisé. Il était question, dans les années 70, de construire des routes pour éviter la convergence vers le Kremlin, mais il y a eu la crise pétrolière et un manque d’argent. Enfin, Moscou compte beaucoup de noeuds ferroviaires et d’usines nichées le long des voies de chemin de fer et des cours d’eau. La ville s’est développée trop rapidement et les usines se sont retrouvées dans le centre. Celles-ci sont aujourd’hui converties en lieux culturels, comme Winzavod, ArtPlay, Octobre Rouge, Zil, Flacon…
TGL : Quelle a été l’évolution de Moscou au cours de ces dernières années ?
O. S. : Nous revenons de loin ! Il n’y a pas si longtemps, il n’y avait pas de lumière la nuit en ville. Les rares restaurants et cafés étaient vides. Ensuite, Moscou s’est transformée en hypercentre de consommation dans les années 90 et 2000. L’idée d’espace public est réapparue avec le Strelka Institute for Media, Architecture and Design. Moscou n’a pas connu de phénomène de gentrification comme New York, avec Williamsburg, à Brooklyn. Autour de Moscou, il n’y a que des cités dortoirs et des bâtiments de type HLM. Un projet de réhabilitation doit bientôt être lancé.
TGL : Quelle est la politique actuelle en matière d’urbanisme ?
O. S. : Des discussions sont en cours pour créer de nouvelles routes en rompant les tracés existants qui encerclent et étouffent le centre-ville. Il nous a fallu vingt ans pour comprendre que trop de voitures génèrent des embouteillages énormes. Le trafic est le fléau numéro un de la ville. La politique de transports en commun commence doucement à changer. Le réseau du tramway devrait se redévelopper et il est question de créer des lignes de bus supplémentaires. On crée des pistes cyclables et des zones piétonnes. Malheureusement, celles-ci ont été faites trop vite et mal, sans vision globale et sans l’aide d’un architecte. C’est typique de la ville. Mais, de façon générale, Moscou devient plus humaine. B. D.