The Good Business
The Good Life a tiré le portrait de huit acteurs de l'économie moscovite.
Alexander Mamut, cofondateur du Strelka Institute for Media, Architecture and Design, 641e sur la liste des 1426 milliardaires Forbes 2013.
Avocat devenu homme d’affaires, Alexander Mamut détient des parts dans Polymetal et Uralkali, est propriétaire de SUP Media et de la chaîne de librairies britanniques Waterstones… C’est à lui – et à ses amis – que l’on doit le Strelka Institute for Media, Architecture and Design, une école ouverte en 2010. « Moscou en avait besoin, affirme Alexander Mamut. Pendant vingt ans, l’ancien maire a détruit la ville, son atmosphère et sa beauté. On ne la voyait plus, cachée par d’immenses panneaux publicitaires. Il était temps de rendre la ville à ses habitants. » Le Strelka Institute agit comme un think tank, générant des idées et les menant à terme.
Révolutionnaire, le lieu crée des vibrations et dessine le nouveau visage de Moscou. « L’important est de fabriquer un paysage culturel au sens large pour améliorer la vie des gens. L’être humain n’a pas été valorisé depuis vingt ans en Russie. Il faut le tirer vers le haut. » Le Strelka Institute a participé au réaménagement du parc Gorki. « C’est la partie la plus visible, souligne l’oligarque agacé par cet exemple qui revient, à son goût, un peu trop souvent. En ce moment nous élaborons un prototype de maisons de la Nouvelle Culture à Kalouga, à 180 km de la capitale. Ce modèle pourra être transposé dans différentes villes de Russie. L’idée est de former et d’encourager des gens talentueux. Le problème récurrent du pays, c’est le manque de planning à long terme. C’est ce que nous essayons aussi d’insuffler. »
A Moscou, les transformations urbaines enraieront-elles le départ des jeunes vers l’étranger ? « Nos écoles et universités ne sont plus du tout compétitives au niveau international. Suivre des études à l’étranger apporte une vraie valeur, mais les jeunes doivent revenir, car nous avons besoin de leur expérience en Russie. Certains pensent que la vie est plus facile dans l’Union européenne. Il suffit d’y passer un peu de temps pour s’apercevoir du contraire. » B. D.
Maelle Gavet, présidente d’Ozon, le premier groupe d’e-commerce en Russie avec un chiffre d’affaires annuel de 500 millions de dollars, en croissance de 70% en 2013. Essentiellement présent sur le retail (livres, électronique, produits d’équipement), et en passe de prendre le lead sur le marché du voyage.
The Good Life : Comment se porte l’e-commerce en Russie ?
Maelle Gavet : C’est un secteur en plein boom, avec d’énormes perspectives de croissance. L’année dernière, la Russie est devenue le premier marché européen en nombre d’usagers, devant l’Allemagne, avec 60 millions d’internautes, ce qui ne représent eencore que 50% des foyers, contre 82% en France et 84% en Allemagne. Ajoutez à cela le fait qu’il faille trois ans à un nouvel arrivant pour passer à l’acte d’achat et vous avez une idée du potentiel de progression ! A la hauteur des défis spécifiques à la Russie…
TGL : Lesquels ?
M. G. : D’abord, nous sommes dans un marché complexe, où règne la culture du règlement en espèces, peu propice à l’e-commerce. Ensuite, l’étendue du territoire – la Russie est le plus grand pays du monde – peut rendre les livraisons chères et ardues. Enfin, la qualité des connexions à Internet est également un frein, car le broadband est encore rare, tout comme l’Internet mobile, dont le taux de pénétration ne dépasse pas 25%, soit deux fois moins qu’aux Etats-Unis.
TGL : Comment comptez-vous dépasser ces obstacles ?
M. G. : Le premier défi, c’est le règlement en espèces. Nous proposons systématiquement l’option « paiement à la livraison sans engagement », condition sine qua non ici. C’est un luxe pour les clients, qui sont 80% à opter pour ce mode de paiement, mais cela comporte beaucoup de risques pour nous. Apprendre à gérer les annulations, à identifier les consommateurs indécis qui commandent chaque paire de chaussures dans plusieurs pointures, sont autant de problématiques sur lesquelles nous concentrons nos efforts. L’autre défi majeur, c’est la livraison. Pour pallier les carences de la poste, nous avons développé notre propre réseau de distribution, façon FeDex, que l’on exploite également en BtoB. L’avenir est donc très excitant, car il y a peu de marchés où l’on peut anticiper de tels taux de croissance. En même temps, c’est un vrai challenge car les difficultés intrinsèques sont réelles. C. J.