The Good Business
Passer ses vacances dans sa propriété du bout du monde tout en bénéficiant de tous les services et loisirs que peut offrir un 5‑étoiles ou un club de vacances de luxe, c’est la sensation du moment, rendue possible grâce aux programmes immobiliers d’envergure développés par les géants du tourisme de luxe. Quand les hôteliers se font promoteurs…
Vous faire dorloter dans un palace, un hôtel de grand luxe ou un célèbre club de vacances, vous connaissez déjà. En revanche, vous faire dorloter par ces mêmes établissements dans l’intimité d’une villa de vacances superchic qui vous appartient, c’est un farniente 100 % palace qui fait désormais rêver.
En inventant cette formule baptisée « hospitality business », les hôteliers, propriétaires ou gestionnaires, se sont faits promoteurs immobiliers. Sur les vastes terrains qui servent d’écrin à leurs infrastructures, ils connectent désormais complexe hôtelier et ensemble de résidences individuelles de très haut standing, amortissant et rentabilisant ainsi plus rapidement des coûts de plus en plus faramineux. Placées au coeur du domaine, ces résidences exclusives sont proposées clé en main. Et savent séduire de plus en plus de clients, souvent, d’ailleurs, également clients de ces mêmes enseignes hôtelières, comme Fairmont, Four Seasons, Mandarin Oriental, Club Med ou Beachcomber !
Des acheteurs pointilleux
Ces villas, ou résidences, offrent donc la vie de château ou, plus contemporain, un séjour généreusement étoilé. Spacieuses, cachées dans un grand jardin paysager avec piscine, elles permettent généralement au propriétaire l’accès illimité aux restaurants et aux bassins de nage de l’établissement hôtelier, à son spa et à ses salles de sport, conciergerie, room-service, entretien quotidien du jardin et de la maison, cuisinier lors de dîners privés.
Bref, vous êtes chez vous, mais avec tous les soins délivrés par un palace. Autre avantage : si le groupe hôtelier possède d’autres structures semblables, peuvent être proposés des échanges de villas entre propriétaires.
Des avantages en tout genre
Ce précieux sanctuaire n’est évidemment pas donné. Mer ou montagne, France ou étranger, il faut sortir de son bas de laine en moyenne un million d’euros pour un appartement de 80 m² et au minimum le double pour une villa de 200 m² avec piscine. Mais l’acquéreur a aussi en tête de nombreux critères d’achat : l’excellente situation géographique de sa villa, la proximité d’un aéroport, voire d’un héliport, d’un golf, le niveau de sécurité ambiant…
Enfin, au plaisir de succomber à ces paradis sur mesure se mêle le calcul de leur rentabilité : classé résidence touristique grâce à son intégration à un complexe hôtelier, selon les pays le bien peut bénéficier de défiscalisation, de la non-imposition sur les successions, de troc de passeport contre investissement, ce dernier pouvant faciliter l’obtention d’un visa d’or…
Ce qui explique d’ailleurs que l’on trouve parfois sur les domaines touristiques quelques villas (et des appartements) « en vente sèche ». De sublimes retraites ne bénéficiant pas forcément des services de gestion ni des accès libres au domaine hôtelier, mais permettant, en contrepartie, à leurs propriétaires d’y séjourner ou de les louer sans aucune restriction.
Un bon point pour le demandeur d’un visa d’or, par exemple, qui doit justifier d’une résidence principale sur place et l’habiter quelques mois par an. Le plus souvent, ces retraites étant en réalité intégrées aux programmes locatifs gérés par l’opérateur hôtelier, les propriétaires en titre ne peuvent habiter leur bien qu’un nombre restreint de semaines par an.
Loué le reste du temps par l’hôtelier gérant, il offre un revenu non négligeable (partagé avec le gestionnaire) au propriétaire qui règle ainsi ses charges d’entretien. Enfin, nul besoin de s’occuper de la déco. Toujours très raffinée, mais en réalité très standardisée pour coller à l’esthétique de l’hôtel, elle représente environ 10 % du prix du bien choisi.
Gérer, c’est leur métier
Contrairement à l’idée généralement admise, le propriétaire du programme n’est plus forcément, comme autrefois, le gestionnaire. Pour le manager, il peut décider de faire appel à une marque d’hôtels de luxe. Celle-ci va monnayer son image et opérer sous son nom.
C’est ce que fait, au plus-que-parfait, le groupe Six Senses Resorts & Spas, dont le président, Bernhard Bohnenberger, nous confie : « Il y a vingt-sept ans, nous voulions administrer nos propres établissements. Puis, nous avons changé de stratégie lorsque nous avons compris que notre concept pouvait être vendu. Nous avons alors mué en compagnie de gérance – comme près de 90 % des groupes hôteliers de luxe aujourd’hui. Nous percevons un pourcentage sur le prix de la vente immobilière et nous partageons à 50/50 la location annuelle du bien privé avec son propriétaire. Actuellement nous discutons de la gestion par nos soins de 250 appartements en résidences principales qui ouvriront à New York en 2020, dans un building avec spa, gym et fitness – un nouveau concept immobilier très recherché. »
Le groupe a également des opérations en cours à Paris et Bangkok et apporte chaque fois ses idées, son concept, son design. Bernhard Bohnenberger nous dévoile au passage le coût de construction d’un Six Senses Resorts & Spa : de 500 000 euros à 1 million d’euros par chambre ou suite – soit de 50 à 100 millions d’euros.
« Chaque projet a son développeur et deux hôtels sous la même marque peuvent tout à fait avoir deux propriétaires différents. Il peut s’agir d’investisseurs privés ou même de propriétés gouvernementales, comme à Oman [le Six Senses Zighy Bay, dans la péninsule de Musadam, dans le nord d’Oman, NDLR]. Pour chacun, y compris le client final, l’opération immobilière est très intéressante puisque les études de marché prouvent la surcote d’une villa attenante à un hôtel de prestige, de même que celle d’un appartement : soit environ + 30 % par rapport à un bien de même qualité. »
Des concepts en évolution
Le CEO de Six Senses Resorts & Spas offre également ce constat vécu au plus près du terrain. « Jusqu’à présent on note très peu de reventes. Ces programmes attirent généralement une clientèle friande de lifestyle (et de bien-être s’agissant de notre marque), familiale, entre 35 et 50 ans. Turquie, Viêtnam, îles exotiques ou Europe, toutes les parties du monde sont concernées », souligne Adalbert de Bagneux, superagent immobilier sous mandat exclusif pour commercialiser sur les marchés francophones l’ensemble des villas attachées au Royal Palm Marrakech, y compris les résidences Fairmont, actuellement en projet.
Rejoignant l’analyse de Bernhard Bohnenberger, Adalbert de Bagneux confirme : « Selon moi, il faut se réinventer. Les clients sont très attentifs à l’aspect social et environnemental. Ils ne veulent pas que le village d’à côté meure de faim ou habiter un domaine dont le promoteur a dévasté le paysage. On peut vite être dépassé par ces évolutions, donc nos concepts doivent s’adapter en permanence. »
Des projets ambitieux
Les projets superlatifs se multiplient, mais rares sont les acteurs qui, comme le Club Med, se risquent à développer en solo leurs propres programmes immobiliers afin de rentabiliser leurs établissements. Plus rares encore sont ceux qui auront fait le chemin à rebours, à l’exemple du groupe Aman.
En Thaïlande, à Phuket, une villa de vacances a en effet donné naissance à plusieurs autres résidences d’amis… avant qu’une structure hôtelière soit intégrée au domaine d’Adrian Zecha et donne ainsi naissance à l’un des groupes hôteliers les plus chic d’aujourd’hui, le groupe Aman, désormais propriété de l’homme d’affaires russe Vladislav Doronine.
Aman a d’ailleurs récemment renouvelé cette opération à sens inverse. Un projet en Chine a dernièrement fait couler beaucoup d’encre : à 40 km de Shanghai, une forêt entière de camphriers en péril a été replantée autour d’un village recomposé de maisons de la période Ming, dont celle réservée par l’initiateur de ce projet dingue, Ma Dadong. Pour amortir cette opération au coût classé secret défense, un hôtel aux lignes minimalistes a été imaginé par l’architecte australien Kerry Hill et certaines des 26 villas déjà reconstruites ont bien été destinées à la vente aux particuliers…
Canada, Europe et maintenant Afrique sont des axes de développement majeurs pour le groupe Accor. Hamid Bentahar, CEO Accor- gestion Maroc assure : « Nous sommes très intéressés par les grandes capitales africaines, où la demande va croissant. Mais pour le moment, les projets immobiliers au Maroc m’occupent particulièrement. » Hamid Bentahar fait notamment référence au Royal Palm Marrakech, où le promoteur du projet, le groupe hôtelier mauricien Beachcomber a investi 200 millions d’euros, infrastructures comprises : achat du terrain, pose du tout-à-l’égout et d’une station d’épuration, d’une ligne à haute tension, création de routes, du golf et de son country-club, sans oublier la rénovation du village situé lui aussi sur le terrain.
Non négociable, cette dernière demande émanait directement du gouvernement marocain. Laurent Piat, directeur général Domaine Royal Palm Marrakech détaille et rappelle : « Le domaine Royal Palm appartient au groupe hôtelier mauricien Beachcomber qui en est le promoteur, le constructeur et le vendeur. Après avoir développé une première phase de 95 villas, ouvert l’hôtel ainsi que le golf, le groupe hôtelier a souhaité se recentrer sur ses établissements mauriciens et a donc confié la gestion de son hôtel et de son golf marocain à Fairmont, tout en conservant le développement et la promotion immobilière. Les propriétaires des nouvelles villas Résidences Fairmont bénéficieront au sein de leur propriété d’un accès aux services hôteliers, mais aussi de toutes les facilités du domaine : six restaurants, centres de sports et spa, parcours de golf et country club. Grâce au programme de location Fairmont, le propriétaire peut couvrir ses frais annuels. »
En effet, il touche 45 % net des fruits de la location. Et c’est sans doute là la clé : une opération gagnant-gagnant, autant pour le promoteur que pour le gestionnaire et l’acheteur propriétaire… L’hospitality business ne cesse de se réinventer et bouscule au passage le marché des résidences secondaires classiques.
En s’implantant également au cœur des mégapoles, le groupe Mandarin Oriental vient, par exemple, d’annoncer la prise de gestion de 69 résidences de luxe sur la 5e Avenue, à New York ; il devient aussi un sérieux concurrent des Airbnb et agences de locations meublées haut de gamme et on parie qu’il n’a certainement pas fini de semer ses séduisantes pépites aux quatre coins du monde.
Mode d’emploi
• Villa de vacances vendue en résidence touristique : sont inclus dans le prix le mobilier et l’accès total aux services hôteliers et de loisirs offerts par la résidence choisie. Les études de marché prouvent la surcote d’une villa attenante à un hôtel de prestige, de même que celle d’un appartement : environ + 30 %.
• Villa en vente sèche par une résidence touristique : de qualité identique aux villas construites par le promoteur, elle est proposée en vente traditionnelle. Bien qu’intégrée au domaine, elle ne bénéficie d’aucune gestion ni service hôtelier. En revanche, elle offre d’autres avantages : construction dernière génération, périmètre sécurisé, totale liberté d’occupation – souvent obligatoire pour obtenir un permis de résidence ou un visa d’or dans le pays –, la liberté de la louer en direct, des taxes allégées…
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