The Good Business
Ces dernières années, on a assisté à une éclosion de nouvelles marques horlogères françaises. S’agit‑il d’un phénomène éphémère ou d’un mouvement de fond ? Zoom sur Fugue, l’une des plus emblématiques d’entre elles.
Le monde horloger a vu apparaître, ces dernières années, une ribambelle de petites marques aux racines françaises. Citons : Briston, Klokers, FOB Paris, Réservoir, Fugue, Baltic, Charlie Paris, Routine ou encore Les Partisanes. Ces naissances sont fort récentes. March LA.B, lancée en 2011, fait ainsi figure de doyenne. C’est dire !
Amusant, sur un secteur où les manufactures bi ou tricentenaire sont monnaie courante. Cette résurgence Frenchy est assez émouvante, pour un pays pionnier du secteur. On peut y voir une sorte d’hommage de l’histoire aux emblématiques Abraham-Louis Breguet ou encore Louis Cartier.
Une bonne part de ces nouveaux intervenants se revendique, non sans fierté, du made in France. « Il est très important pour nous que nos produits portent cette estampille ! C’est une sorte de clin d’œil au glorieux patrimoine horloger français », se félicite Leopoldo Celi, fondateur de Fugue.
Mais ces marques bénéficient de ce label aussi parce qu’il est plus simple à décrocher. Dès qu’une montre est assemblée en France, elle est en effet considérée comme made in France. « Le Swiss Made, qui impose 60 % minimum de valeur suisse, est beaucoup plus contraignant », rappelle Pierre‑Alain Bérard, le responsable de LIP, mythique maison française, relancée en 2014.
Merci au crowdfunding !
Il est plus aisé aujourd’hui de développer une montre. « L’accès aux outils de production est très simplifié » ajoute Sari Hijji, cofondateur de FOB Paris. Ensuite, c’est le procédé de crowdfunding de type Kickstarter qui a permis à bon nombre de marques de se lancer commercialement.
En gros, les nouveaux entrants sont nombreux à débuter par une campagne de prévente sur un site de financement participatif. Enfin, Internet a autorisé le contournement du très frileux réseau de distribution traditionnel. « Auparavant, il était ultradélicat pour une petite enseigne de se frayer un chemin jusqu’aux devantures des revendeurs », rappelle le responsable de Fugue. Le web a donné une visibilité aux nouvelles maisons et un contact direct avec les clients. Ainsi, Baltic, qui rencontre un beau succès, a débuté exclusivement sur le Net.
Un secteur encore précaire
« Ces jeunes acteurs restent tout petits et très fragiles, comparés aux grandes manufactures suisses », rappelle Pierre-Alain Bérard. Ils ont pour eux la créativité. Ils osent design et concepts décalés, quand l’horlogerie suisse paraît, dans son ensemble, un peu sclérosée. « Fugue, notamment, a un positionnement très disruptif qui n’aurait pu exister au sein d’un grand groupe », rappelle Leopoldo Celi. Pour autant, cette éclosion de nouveaux acteurs a un impact encore mesuré sur le tissu industriel et artisanal français.
« Si l’on compte de nombreux ateliers d’assemblage dans le Doubs, les fabricants de mouvements ou de pièces horlogères restent rarissimes, constate le responsable de Fugue. On a bien un spécialiste des aiguilles dans la région, mais presque personne ne produit des boîtiers, des mouvements mécaniques ou des cadrans en Franche-Comté. » La jeune marque aimerait bien rapatrier sa production de Suisse vers la France, mais ne peut le faire, faute de prestataires. Le retour de l’horlogerie française demeure donc pour le moment embryonnaire et partiel.
3 questions à Leopoldo Celi, Fondateur de Fugue
The Good Life : Y a‑t‑il un phénomène d’éclosion horlogère en France ?
Leopoldo Celi : Oui, ces cinq dernières années, il y a eu un grand nombre de nouveaux entrants français !
TGL : En quoi Fugue se démarque‑t‑elle de ces nouvelles marques horlogères ?
L. C. : Notre force réside, notamment, dans notre principe de personnalisation très poussé. Notre modèle Chronostase, lancé en 2018, propose un système de carrures et de bracelet amovibles interchangeables. Cela permet, sur une base unique, d’obtenir 96 références différentes. Chacun peut ainsi créer une montre quasi unique.
TGL : Comment voyez‑vous l’avenir de Fugue ?
L. C. : Après un bon démarrage, nous sommes aujourd’hui, en période de levée de fonds. A l’avenir, je voudrais agrandir la collection en proposant un second produit interchangeable, mais plus simple et plus accessible. Et je souhaite disposer d’un atelier d’assemblage parisien, doublé d’une boutique, d’ici à fin 2019. Je reste très confiant dans notre concept de personnalisation. Pour moi, c’est cela, l’avenir.
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