The Good Business
A quoi ressemblera le monde du travail dans vingt ans ? Au centre de l’interrogation se trouve la place de l’homme dans une économie dominée par l’IA. Entre fantasme d’une prise de contrôle des machines et angélisme d’un travail libéré, nous entrons dans l’inconnu.
Le futur se rapproche toujours plus vite. Au Congrès international d’astronautique qui s’est tenu en Australie le 27 septembre dernier, Elon Musk, le patron visionnaire de Tesla et de SpaceX, a annoncé des vols commerciaux en fusée pour relier les grandes métropoles mondiales en moins d’une heure, et un premier voyage sur Mars à l’horizon 2024. De quoi faire passer la mondialisation dans une autre dimension… plus humaine. « On passera par une mondialisation des personnes. Car, pour coopérer avec l’Asie, que l’on connaît mal aujourd’hui, il nous faudra nous rencontrer physiquement », affirme Nicolas Bouzou, qui défend, dans son dernier livre, Le travail est l’avenir de l’ homme, une vision dans laquelle l’homme se réservera le meilleur du travail, laissant aux machines les tâches répétitives et l’analyse avancée de données de plus en plus nombreuses.
« L’intelligence artificielle se développe à une vitesse exponentielle et fait naître un paradoxe. Plus la technologie augmentera, plus il y aura de la place pour l’humain, à condition que l’homme cultive sa différence », insiste-t-il. Il faut dire que le débat s’emballe autour de l’avenir du travail, qui véhicule, depuis le début de la robotisation, la fantasmagorie de colonies d’esclaves humains relayée par la science-fiction, depuis les trois lois de la robotique énoncées par le romancier Isaac Asimov (1942) jusqu’au film Matrix (1999), des frères Wachowski, en passant par 2001 : l’Odyssée de l’espace (1968), de Stanley Kubrick. Laurent Alexandre, chirurgien urologue, fondateur du site Doctissimo et devenu un conférencier très recherché, aime agiter ce chiffon rouge.
Son intervention au Sénat, le 19 janvier 2017, a été vue plus de un million de fois en une semaine sur Facebook. Le spectre d’une société sans travail a été ranimé par une étude publiée par deux chercheurs d’Oxford en 2013, dans laquelle ils affirment que plus de 47 % du total des emplois aux Etats-Unis seraient menacés par l’automatisation d’ici à une décennie ou deux. Les esprits s’échauffent. La théorie de la « destruction créatrice » développée par Joseph Schumpeter dans les années 40 ne fonctionnerait-elle pas pour la révolution numérique ? Pas si simple. En 2016, l’OCDE se penche sur le sujet et parvient à un pourcentage de « seulement » 9 %, en analysant les tâches automatisables plutôt que les professions dans leur ensemble.
Des usines 4.0
Or, la clé de la compréhension est bien là. Pour appréhender le travail de demain, il s’agit de changer d’approche et de se concentrer sur les tâches plutôt que sur les métiers. En 2038, tout ce qui est prévisible, manuel et non cognitif sera, en effet, probablement remplacé par l’intelligence artificielle (IA). Un robot pourra délivrer un diagnostic aussi fiable, voire davantage, que celui d’un médecin. Mais le praticien continuera de fixer les grandes orientations de la recherche médicale. Son expérience et sa sensibilité resteront irremplaçables pour établir la prescription, l’accompagnement et l’observance du traitement en fonction de l’environnement et de la psychologie du patient.
La puissance exponentielle de calcul et d’analyse de données des nouvelles technologies apportera une matière nouvelle pour travailler différemment. « Avec le big data [les mégadonnées, NDLR], les commerciaux ont un grand avenir devant eux, car vendre exige un sens très développé des relations et de la nature humaines », souligne Nicolas Bouzou. La révolution numérique, déjà à l’œuvre dans les usines 4.0, contient un projet humain dans lequel la machine ne remplace pas l’homme, mais complète et enrichit son travail, comme l’explique Vincent Charlet, directeur du think tank La Fabrique de l’industrie : « Le temps libéré par les machines nous permettra d’investir d’autres champs, comme l’innovation, l’amélioration de ses process, la responsabilité sociétale et environnementale ou l’amélioration constante de l’intelligence artificielle pour produire mieux et à façon. Nous pourrons également nous concentrer sur le “savoir-produire” autour d’un écosystème de bureaux d’études et de start-up. »
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