Getaway
The Good Guide
Ville fondatrice du Brésil, Salvador de Bahia est un carrefour de cultures où spiritualité et traditions se mêlent à une effervescence contemporaine. Ici, les Orixas veillent sur les âmes, les tambours résonnent dans les ruelles colorées et la gastronomie raconte l’histoire des ancêtres. Entre processions mystiques, carnaval unique et cuisine métissée, plongée dans une ville où chaque détail vibre d’une énergie singulière.
Adriana me glisse un collier d’ambre autour du cou. « Personne ne doit jamais y toucher, me met-elle en garde, ton Orixa te protège désormais, mais l’énergie de quelqu’un d’autre entraverait son pouvoir. » La divinité qui veille sur moi se nomme Oxum. Adriana l’a identifiée dès qu’elle a posé les yeux sur moi. « Elle est clairvoyante, explique Joao Luis, guide de la ville de Salvador de Bahia. Autour de toi flotte une couleur, celle de ton âme, à laquelle correspond une déesse du Candomblé. »
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Ville puissante
Salvador de Bahia fut la première ville brésilienne. Le Fera Palace Hôtel se situe en plein cœur de la première rue tracée dans le pays. « Bahia est à la fois unique au Brésil et représentative de l’âme du pays », explique Joao Luis en guise d’introduction à notre séjour. Fondée sous le nom de San Salvador (un titre changé pour ne plus être confondu avec la capitale de l’État du même nom), « Bahia », comme l’appellent ses habitants, est une ville profondément enracinée dans la religion. Si elle est officiellement et légalement catholique, la population perpétue les traditions du Candomblé depuis les premières migrations. « Le Candomblé est une religion originaire d’Afrique. Elle était interdite jusqu’en 1946, par Constitution. Pour autant, les descendants africains respectaient les rituels en cachette, jusque même dans les églises où l’on trouve aujourd’hui des vestiges de ces rites. »
Aujourd’hui, ces célébrations font partie de la culture intrinsèque de Salvador de Bahia. On vient du monde entier pour participer à son carnaval, la conclusion de plus de deux mois de fêtes et de processions. Il s’agit d’un carnaval bien à part au Brésil puisqu’il ne comprend pas de chars ni de déguisements. « Ici, il a une forte portée religieuse. » Si les Bahianais se réunissent en masse pour l’occasion, le temps d’une semaine, celle qui précède Mardi gras, le carnaval n’est pas la fête favorite de Sarai Fernandes, fondatrice de ponto.A Brazil, une société qui accompagne la création de voyages au Brésil, originaire de Bahia : « Les processions de Yemanja sont pour moi les plus belles, explique-t-elle. Le folklore et les rites y sont encore largement présents alors que le carnaval est surtout une occasion pour chacun de faire la fête. » Fêtée le 2 février, Yemanja est la déesse de la mer.
On la célèbre dans le quartier de Rio Vermelho, qui se transforme pour l’occasion en terrain de jeu à ciel ouvert où les locaux, habillés de bleu et de blanc, les couleurs de la déesse, descendent jusqu’aux rives de la baie pour faire leurs offrandes à Yemanja. Nul besoin qu’Adriana ait identifié votre Orixa (l’une des nombreuses divinités vénérées dans les religions afro-brésiliennes) comme étant la reine des mers pour la prier. La veille, néanmoins, c’était « ma » représentante, Oxum, déesse des eaux calmes, à qui l’on rendait hommage sur les rives du lac Dique Tororó, en face du stade du Bahia FC, construit pour la Coupe du monde de 2014. Les fleurs relâchées dans les eaux ainsi que les tenues des fidèles étaient teintées de jaune, couleur qui caractérise donc Oxum – et mon âme…
La religion est puissante au Brésil, et particulièrement à Bahia – les politiciens mélangent d’ailleurs parfois les deux arts… Parmi les incontournables de la ville : ses églises et basiliques, dont la plus ancienne du pays (Catedral Basilica) et la plus « brésilienne » (l’Igreja de Sao Francisco) selon notre guide, car singulièrement tapissée d’icônes dorées. Inaugurée en 1723, elle fut décorée par les mêmes artistes que les bateaux des explorateurs portugais, d’où la ressemblance des sculptures avec les proues des navires.
La basilique Senhor de Bonfim, quant à elle, voit s’afficher sur ses grilles et jusque sur ses bancs les bracelets colorés que les touristes aiment ramener à leurs proches. Ces décorations sont en effet hautement symboliques : celui qui offre le bracelet est le seul à pouvoir le nouer autour de celui à qui il l’offre, avec trois nœuds représentant trois vœux. En les attachant à la basilique, les croyants s’adjoignent les mêmes croyances.
Les quartiers de Salvador de Bahia
Que les Athées se rassure, Salvador de Bahia a beaucoup à offrir en dehors de son folklore religieux. On opte plutôt pour une plage où l’on peut louer une chaise et un parasol pour se sauver du soleil brulant (Porto da Barra par exemple), après quoi on se rafraîchit avec une glace chez Sorveteria da Ribiera (l’une des meilleures jamais goûtées — risquez-vous aux goûts de fruits endémiques). Les quartiers du centre-ville sont les plus « touristiques ». Rien de péjoratif là dedans : à Bahia, il vaut mieux suivre les sentiers communs plutôt qu’errer dans les rues sombres — il ne faut pas ignorer que la ville, comme beaucoup dans le pays, connaît une proportion forte de pauvreté parmi sa population.
Le Pelourinho est indispensable, un charmant quartier où faire ses achats de souvenir sur les traces de Michael Jackson qui y a tourné le clip de « They Don’t Really Care About Us ». Centro, juste à côté, où deux (bientôt trois) des meilleurs hôtels de la ville s’élève (Fera Palace, Fasano et bientôt un nouveau Rosewood). C’est d’ailleurs ici qu’on peut voyager dans l’ascenseur Lacerda, structure en béton armé datant du début des années 1980, symbole de la ville, qui permet de rejoindre le port. Ou encore Lapihna, un quartier pittoresque dont une partie des bars facent le coucher du soleil.
Accompagné d’un guide, il sera aussi heureux de découvrir le quartier Candeal. Ces rues étroites et sinueuses aux façades colorées sont le théâtre d’un festival de musique permanent. Le musicien Carlinhos Brown, issu de cette communauté, l’a en effet faite grandir parallèlement à son succès de percussionniste (notamment pour « Joe Le Taxi » de Vanessa Paradis), y créant une école pluridisciplinaire pour donner aux enfants du quartier un métier et favorisant le tourisme. Chaque dimanche, les troupes qui répètent aux Candyall Ghetto Square se donnent en spectacle dans la rue, un beau moment de communion.
Attraper le cœur par l’estomac
À Salvador de Bahia, la cuisine n’est pas seulement une affaire de goût, c’est une histoire de transmission, d’identité et de passion. La moqueca, plat emblématique de la région, incarne cette fusion parfaite entre influences africaines et brésiliennes. Préparée dans une panela de barro – une marmite en terre cuite qui lui confère toute sa profondeur aromatique – ce délicieux ragoût de poisson ou de fruits de mer mijote lentement dans une sauce parfumée au lait de coco, huile de dendê et coriandre fraîche. Le parfum envoûtant qui s’échappe des cuisines bahianaises trahit la présence du poivron, de l’oignon et de la tomate, qui fondent ensemble dans un bouillon généreux et ensoleillé. Chaque cuillère raconte une histoire, celle des femmes africaines qui, dès l’époque coloniale, ont su marier leurs traditions culinaires aux richesses locales. La moqueca se déguste brûlante, accompagnée d’un riz blanc aérien, de farofa croquante et de pirão, une bouillie savoureuse à base de farine de manioc qui sublime la moindre goutte de sauce.
Mais avant même d’arriver à table, les rues de Salvador éveillent l’appétit avec l’inimitable acarajé, un petit beignet de haricot fradinho (niébé) frit dans l’huile de dendê. Croquant à l’extérieur, moelleux à l’intérieur, il est garni de vatapá – une crème onctueuse à base de crevettes séchées, de pain, de lait de coco et d’épices – et relevé d’une pointe de piment pour les amateurs de sensations fortes. Héritage direct des baianas de acarajé, ces femmes vêtues de blanc qui perpétuent la tradition culinaire afro-brésilienne, ce mets est plus qu’un en-cas : il incarne l’âme de Bahia, entre ferveur religieuse et plaisir du partage.
Et comment parler de la gastronomie brésilienne sans mentionner la feijoada ? Ce ragoût de haricots noirs, enrichi de morceaux de porc mijotés à feu doux, est un symbole national, partagé le plus souvent lors des déjeuners du samedi, en famille ou entre amis. Importé des traditions portugaises et adapté avec les ressources locales, il se sert accompagné de riz blanc, de farofa, d’orange tranchée – pour équilibrer la richesse du plat – et de couve finement émincée. À Salvador, la feijoada se pare parfois de saveurs bahianaises, avec une touche d’huile de dendê ou une pointe de piment. Plus qu’un plat, c’est un rituel convivial, un moment suspendu où l’on refait le monde autour d’une assiette généreuse et d’une bouteille de cachaça à portée de main.
Et pour faire glisser ce festin, rien de tel qu’une caipirinha bien frappée. Ce cocktail, qui incarne à lui seul l’esprit brésilien, est d’une simplicité trompeuse : quelques quartiers de citron vert écrasés au pilon avec du sucre de canne, une bonne dose de cachaça et une poignée de glaçons. Mais ne vous y méprenez pas, car sous ses airs innocents, la caipirinha cache un caractère bien trempé. Son équilibre parfait entre acidité et douceur, renforcé par la puissance de la cachaça, en fait une boisson redoutable, capable d’égayer les longues soirées bahianaises. Qu’on la sirote au comptoir d’un bar de Rio Vermelho ou en admirant le coucher de soleil depuis le bord de mer, elle est toujours synonyme de convivialité et de fête.
Nos meilleures adresses à Salvador, au Brésil
Où dormir à Salvador ?
Hôtel Fera Palace
Installé dans un bâtiment emblématique de style Art déco, le Fera Palace Hotel allie élégance historique et confort moderne. Ses 81 chambres et suites offrent des espaces contemporains et accueillants pour les voyageurs en quête de sophistication. Le toit-terrasse, avec sa piscine à débordement, offre une vue imprenable sur la baie de Tous les Saints, tandis que le restaurant Omí, dirigé par les chefs Fabrício Lemos et Lisiane Arouca, propose une cuisine contemporaine mettant en valeur les ingrédients régionaux. Le Fera Palace est une destination incontournable pour ceux qui souhaitent découvrir le charme et le luxe au cœur de Salvador.
Où manger à Salvador de Bahia ?
Restaurante Uauá
Ce restaurant chaleureux met à l’honneur la cuisine traditionnelle du Sertão, région semi-aride du nord-est du Brésil. On y savoure des plats rustiques aux saveurs intenses, comme la carne de sol (viande séchée et grillée) accompagnée de purée de manioc et de beurre de garrafa. L’ambiance authentique et l’accueil convivial en font une adresse prisée des amateurs de gastronomie régionale.
Amado
Avec sa vue imprenable sur la baie de Tous les Saints, Amado est l’un des restaurants les plus raffinés de Salvador. La cuisine fusion associe avec brio produits locaux et techniques contemporaines, proposant des plats tels que la moqueca de poisson revisitée ou le poulpe grillé aux épices tropicales. L’élégance du cadre et la qualité du service en font une adresse idéale pour un dîner romantique ou une occasion spéciale.
Pala7 Rooftop
Perché au sommet d’un immeuble historique, le Pala7 Rooftop offre une vue panoramique sur la ville de Salvador. Ce lieu branché mené par le chef français Claude Troisgros propose une sélection de cocktails innovants et de tapas inspirées des saveurs bahianaises, le tout dans une ambiance musicale animée. C’est l’endroit parfait pour admirer le coucher du soleil tout en profitant d’une atmosphère festive.
Poró
Situé dans le quartier bohème de Rio Vermelho, Poró est un bistrot moderne qui met l’accent sur les ingrédients locaux et de saison. Le menu varié propose des options végétariennes et végétaliennes, ainsi que des plats de fruits de mer frais. Avec son décor éclectique et son ambiance décontractée, Poró est l’endroit idéal pour un déjeuner entre amis ou un dîner intime.