Horlogerie
Fondateur de Coravin, Greg Lambrecht jongle entre la médecine et la conservation du vin. Rencontre avec l’homme d’affaires et inventeur, alors en tournée à Paris pour promouvoir ses nouveaux produits : Pivot et Sparkling.
C’est devenu un incontournable. Rien qu’en France, 70 restaurants étoilés utilisent Coravin pour servir leur vin au verre et la marque estime que, depuis son lancement en 2013, environ 150 millions de bouteilles ont été « piquées » par ce système révolutionnaire : une aiguille perce le bouchon, verse le vin et le remplace par du gaz argon – très neutre – pour éviter l’oxydation. Résultat ? Le nectar ne change pas, même plusieurs années après son « ouverture » avec le Coravin Timeless (le record est de 14 ans entre deux verres issus de la même bouteille). Derrière cette invention se cache un Géo Trouvetou américain, Greg Lambrecht.
Enfant de la East Coast, Greg Lambrecht quitte New York City pour la Californie un peu avant son adolescence. A 16 ans, il paraît plus vieux et on lui ouvre, sans sourciller, les portes des wineries de la Napa Valley pourtant interdites aux moins de 21 ans. C’est donc chez Peju qu’il déguste son premier verre de vin, un Cabernet, et tombe amoureux du nectar autant que du processus de vinification. Passionné de science, le futur serial-entrepreneur quitte la Côte Ouest pour étudier au MIT, près de Boston, dont il sort titulaire d’une maîtrise en génie mécanique et d’une licence en génie nucléaire. Surtout, il y fait la rencontre d’une professeure qui demandait aux étudiants, à tour de rôle, d’apporter une bouteille de vin en classe chaque vendredi. « Vient mon tour et elle me lance : ‘pas de cabernet californien !’, se souvient Lambrecht, et me conseille de dénicher un Bourgogne blanc ». Une chasse au trésor comme un second électrochoc qui renforce un peu plus la passion de ce quinqua au sourire communicatif pour le vin. Une fois ses diplômes en poche, il est embauché chez Pfizer et se lance dans une carrière d’inventeur au service de la médecine. Il est d’ailleurs à la tête de deux entreprises spécialisées dans la création de dispositifs médicaux pour le traitement des maladies de la colonne vertébrale, Intrinsic Therapeutics et Viacor.
Et Coravin dans tout ça ? Il faut attendre 1999. Greg Lambrecht a 30 ans et sa femme est enceinte de leur deuxième enfant. Elle ne peut plus boire, l’inventeur ne peut plus finir ses bouteilles qui terminent dans des sauces. Il décide alors d’adapter son savoir-faire médical pour « changer la façon dont on boit, sert et vend le vin » en s’inspirant de ses travaux du moment : « je travaillais sur un nouveau système de chimiothérapie, et notamment la création d’une aiguille destinée à rentrer et sortir plusieurs fois dans le corps sans le détériorer ». Coravin était née. Enfin presque… Le premier prototype voit le jour en 2003 et Lambrecht commence à en fabriquer pour ses amis. Perfectionniste, il continue de l’améliorer, essaie différents gaz avant de choisir définitivement l’argon. Coravin est officiellement créée en 2011. D’abord distribuée aux vignerons et restaurateurs – dont l’utilisation à la chaine du produit permet de mettre le doigt plus rapidement sur ses points faibles – sa version finale est mise sur le marché en 2013, avec le succès qu’on lui connaît.
Presque 10 ans d’activité, sur un marché très porteur… Et pourtant, d’après Greg Lambrecht, son seul concurrent « c’est d’ouvrir une seule bouteille à la fois et la finir avant que le vin ne se détériore ». Un monopole qui s’explique par le cursus médical de l’Américain. « J’ai l’habitude de déposer des brevets, même sur les plus petits détails, et dans tous les pays, même en Chine, détaille l’inventeur, ainsi, j’en détient plus d’une centaine pour Coravin. » Mais une idée initiale aussi disruptive, aussi bien protégée soit-elle, suggère de relever un défi de taille pour continuer à se développer : innover. Et pour ça, Greg Lambrecht a une botte secrète, ses clients australiens. « Ils sont très francs ! La plupart de mes discussions avec eux commencent par ‘j’adore Coravin mais…’, donc je prends des notes et je me sers de leurs retours pour améliorer nos produits, voire créer de nouvelles gammes. »
C’est ainsi qu’ont vu le jour Pivot et Sparkling. Le premier est moins cher, plus simple d’utilisation, moins fragile mais, en contrepartie, le vin se conserve moins longtemps dans la bouteille. Idéal pour de nombreux particuliers mais aussi des restaurateurs qui se servent de la machine à la chaîne et ne souhaitent pas forcément garder leurs bouteilles pendant plusieurs années. Le second permet, en remplaçant l’argon par du CO2, de conserver du champagne ou autre vin pétillant pendant quatre semaines après le premier verre… Et ce n’est pas terminé, Greg Lambrecht confie travailler sur sa prochaine grande création, encore une fois suggérée par un Australien – décidemment ! – qu’il considère comme aussi innovante que son premier produit et que l’on pourra peut-être découvrir en 2023…
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