Selon Antonio Calce, le monde horloger doit absolument changer de curseur. CEO de Girard - Perregaux depuis trois ans, il reste malgré tout très confiant en l’avenir de son secteur, et revient pour The Good Life sur la stratégie de sa très belle marque, propriété du groupe Kering, avec un franc-parler inhabituel dans ce monde où l’on préfère le silence et où l’on pratique souvent la langue de bois.

The Good Life : En tant que CEO de Girard – Perregaux, quel est votre regard sur l’horlogerie aujourd’hui ?
Antonio Calce : Notre secteur ne va pas si mal. En tout cas, il n’a pas besoin d’être sauvé. L’horlogerie fait face à de nouveaux challenges et doit faire évoluer son business-modèle. N’oublions pas que la branche a connu un extraordinaire développement jusqu’en 2012. Nous avons connu plusieurs années de progression à deux chiffres. Depuis cinq ans, nous sommes passés dans une période plus instable et volatile. Le monde a enduré de graves secousses macroéconomiques : effondrement du prix du pétrole et du rouble, promulgation de lois anticorruption en Chine… Tout cela a ralenti le business horloger et a déstabilisé le commerce des montres dans les grandes capitales.

Antonio Calce, CEO de Girard – Perregaux depuis 2015.
Antonio Calce, CEO de Girard – Perregaux depuis 2015. DR

TGL : Y a-t-il d’autres raisons à ce ralentissement ?
A. C. : Certainement. Le secteur ne s’est pas adapté aux nouvelles attentes de la clientèle. L’horlogerie a vécu un peu en recluse. Les politiques de communication des marques se révèlent désormais beaucoup moins en phase avec notre époque. Il y a encore cinq ans, l’image d’une marque et son histoire suffisaient à enthousiasmer les acheteurs et à faire vendre des montres. On capitalisait sur les réalisations du passé, sur le savoir-faire des manufactures et notamment nos métiers d’arts. Nous insistions aussi sur la capacité qu’avaient les manufactures à fabriquer leurs pièces in house. Cet axe-là était suffisant à l’époque pour rayonner auprès, notamment, de la clientèle âgée de plus de 50 ans. Aujourd’hui, le poids des années n’est plus suffisant pour intéresser la jeune génération.

« Le pilier haute horlogerie est très important pour Girard – Perregaux »

TGL : Quelle stratégie comptez-vous mettre en place ?
A. C. : Nous devons nous adapter à notre période. Une marque comme la nôtre a repensé son processus dans toute la chaîne des valeurs pour pouvoir poursuivre son développement. Chez Girard – Perregaux, nous nous attelons à la tâche. Il y a cinq ans, je n’étais pas persuadé qu’il était indispensable qu’un horloger plusieurs fois centenaire devait se déployer de façon considérable sur le digital (vente/communication) et sur les réseaux sociaux. A présent, il est primordial de l’exploiter aussi bien sur la vente que sur la communication. Aujourd’hui, braquer les projecteurs sur le contenu horloger ne suffit plus. Tout le cycle de création du produit doit être revu. Il est primordial d’apporter plus de créativité aux montres, plus de design. Nous devons également effectuer plus de lancements de nouveautés durant l’année. Les cycles des renouvellements sont plus courts. A l’heure actuelle, la clientèle est de plus en plus habituée aux lancements rapides de nouvelles collections, comme dans la mode notamment. Elle s’attend à plus de nouveautés, plus régulièrement. Enfin, les produits lancés doivent être disponibles immédiatement après leur présentation.

Laureato 42 mm Ceramic, mouvement mécanique à remontage automatique, boîtier en céramique 42 mm, cadran noir, glace saphir, bracelet en céramique, réserve de marche de 54 heures, étanche à 100 m. Prix : 16 100 €.
Laureato 42 mm Ceramic, mouvement mécanique à remontage automatique, boîtier en céramique 42 mm, cadran noir, glace saphir, bracelet en céramique, réserve de marche de 54 heures, étanche à 100 m. Prix : 16 100 €. DR

TGL : Comment cela se traduit-il concrètement dans vos collections ?
A. C. : Sur le plan produit, nous avons commencé à clarifier notre offre il y a trois ans avec une stratégie produits claire et pertinente. En développant un nouveau segment de prix sur notre collection 1966, en construisant une famille de produits dans la collection Bridges, signature de Girard -Perregaux, et en continuant de développer notre ligne exclusivement féminine, la Cat’s Eye. Enfin, nous avons modernisé notre icône, la Laureato, sans pour autant renier son design originel né dans les années 70. Cette collection a maintenant un prix d’entrée de gamme en dessous des 10 000 euros. Dans la famille Laureato, nous avons aussi intégré de nouveaux matériaux, notamment la céramique. Et l’acier 904L a été introduit dans la ligne Laureato Chronographe. Ce produit prend une place considérable dans la stratégie de Girard – Perregaux. Sans oublier de mentionner, bien sûr, le pilier haute horlogerie, qui est très important pour Girard -Perregaux, avec une centaine de pièces produites par année. Nous sommes dans des finitions exceptionnelles, souvent des pièces uniques, une offre très rare. Il est important que la montre soit désirable et qu’elle ait une forte valeur perçue.

Laureato 42 mm, mouvement mécanique à remontage automatique, boîtier en acier 42 mm, cadran bleu motif « clou de paris », glace saphir, bracelet en acier, réserve de marche de 54 heures, étanche à 100 m. Prix : 11 200 €.
Laureato 42 mm, mouvement mécanique à remontage automatique, boîtier en acier 42 mm, cadran bleu motif « clou de paris », glace saphir, bracelet en acier, réserve de marche de 54 heures, étanche à 100 m. Prix : 11 200 €. DR

TGL : Pour conclure…
A. C. : En matière de communication, il est important de faire vivre des expériences à nos clients. Certainement que nos visuels publicitaires méritent d’évoluer, ils sont un peu trop statiques. Et comme je le disais précédemment, il faut se réinventer continuellement pour faire rêver nos clients. La tâche promet d’être passionnante.


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