The Good Business
L’organisation des jeux Olympiques a poussé Rio à se doter d’aéroports à la hauteur de l’événement. Depuis l’arrivée d’un nouveau gestionnaire, en août 2014, l’aéroport international de la ville (GIG) fait peau neuve pour offrir davantage de confort aux 17 millions de passagers attendus cette année. Quant à l’aéroport Santos‑Dumont (SDU), il va se retrouver au cœur d’un nouveau maillage urbain et adopter un profil définitivement business.
A l’approche de l’aéroport international de Rio de Janeiro-Galeão (GIG), sur la gauche de l’interminable avenue du Vinte de Janeiro – dont le nom fait référence à la date d’inauguration de l’aéroport, le 20 janvier 1977 –, les parois gris clair parsemées de plaques de couleurs d’un bâtiment flambant neuf attirent l’attention. Le chantier du quai sud est enfin terminé. Lancée peu après la reprise de la concession de l’aéroport, en août 2014, par le consortium international RioGaleão, composé des brésiliens Odebrecht TransPort et Infraero – la société aéroportuaire de l’Etat – ainsi que de Changi Airports – le gestionnaire de Changi de Singapour, couronné meilleur aéroport du monde par Skytrax en 2015 –, cette extension de 100 000 m² du terminal 2 a été inaugurée le 19 mai. Vitrine du consortium, le quai sud concentre la majeure partie de l’enveloppe de 500 millions d’euros allouée à la rénovation de l’ensemble du terminal 2 avant l’ouverture des jeux Olympiques. Objectif affiché de ce grand lifting (le premier d’une telle ampleur depuis l’inauguration du deuxième terminal en 1999, à l’époque considéré comme le plus moderne d’Amérique latine) : redonner une véritable dimension internationale à un aéroport vieillissant et souvent inconfortable, porte d’entrée et de sortie plutôt décevante de la Cité Merveilleuse. Si sa capacité d’accueil de 30 millions de passagers n’a jamais été atteinte – 17 millions de personnes y sont passées en 2015, faisant de GIG le deuxième aéroport du Brésil en termes de fréquentation –, les passagers souffrent régulièrement de longues minutes d’attente à toutes les étapes du départ et de l’arrivée. En 2015, il était même considéré comme l’un des pires aéroports du Brésil, selon une recherche de satisfaction réalisée par le secrétariat de l’Aviation civile.
Galeão se rapproche de l’idéal de Tom Jobim
« Mon âme chante / Je vois Rio de Janeiro / Je meurs de nostalgie / Rio, ta mer / Plages sans fin / Rio, tu as été faite pour moi / Christ Rédempteur, bras ouverts sur Guanabara / Cette Samba, c’est juste parce que, Rio, je t’aime […] Rio de soleil, de ciel, de mer / Dans une minute, nous serons à Galeão. » Dans sa Samba de l’avion, écrite en 1963, Tom Jobim décrivait l’expérience des passagers atterrissant à Rio de Janeiro, rendant hommage à ses beaux paysages. En 1999, cinq ans après le décès du chanteur‑compositeur, les autorités décidaient de rendre hommage au maître de la bossa-nova et rebaptisaient l’aéroport international Galeão-Antônio Carlos Jobim. En atterrissant au Galeão, le visiteur n’a pourtant qu’un vague aperçu des merveilles de Rio chantées par Tom Jobim. Construit sur l’île du Gouverneur, au nord de la ville, l’aéroport se situe à une vingtaine de kilomètres des bras ouverts du Christ et de la plage de Copacabana. Et il faut parcourir 40 kilomètres pour atteindre le village olympique de Barra da Tijuca. En taxi, le trajet prend entre 30 et 50 minutes, pour un coût compris entre 60 et 150 réaux (entre 15 et 37 €). La durée peut facilement doubler aux heures de pointe, surtout si on prend le bus Premium – affectueusement surnommé « Frescão » pour sa climatisation, plus que confortable les jours de canicule – de la compagnie Real, qui, pour 14,65 réaux (3,60 €), relie l’aéroport à la zone sud de la ville, à raison d’un départ toutes les 30 minutes. Mais pour faciliter la liaison entre Galeão et Barra da Tijuca, la ligne de BRT (transport rapide par bus) Transcarioca, qui bénéficie d’un couloir réservé et qui a été inaugurée en juin 2014, représente pour l’heure la solution la moins chère pour se rendre à l’aéroport et pour en sortir (3,40 réaux, soit 0,80 €), tout en restant relativement rapide (il faut compter une heure et demie).
Un lifting de grande ampleur
Le nouveau bâtiment de trois étages devrait pouvoir redonner de l’air à l’aéroport. Le quai sud regroupe 26 nouvelles portes d’embarquement – en plus des 32 existantes –, dont trois sont adaptées à l’A380. Quant aux salles d’embarquement, elles sont bien plus lumineuses et plus confortables que dans le reste du terminal, grâce aux larges baies vitrées et à un nouveau système d’éclairage dont l’intensité est régulée par des capteurs solaire. Cent boutiques et restaurants supplémentaires se sont installés dans des espaces commerciaux de 30 000 m2, dont une zone duty-free de 8 000 m², qui, en plus des traditionnelles enseignes de luxe, fait la part belle aux marques locales branchées, comme Osklen et Farm. Longtemps attendu, le nouvel espace VIP occupe une grande partie du dernier étage et est équipé de douches et d’un spa. Toujours en négociation avec les compagnies aériennes, RioGaleão prévoit aussi que les voyageurs en classe économique aient désormais un accès – payant – à cet espace VIP.
Dans le reste du terminal, 68 nouveaux points d’enregistrement ont ouvert et le consortium a également étendu la zone consacrée aux contrôles de sécurité et aux services d’immigration. Dès le mois de juin, l’ensemble des compagnies internationales, qui se répartissaient jusqu’alors entre les deux terminaux, devrait avoir migré vers le terminal 2. Autre grande vitrine des travaux de GIG : l’immeuble parking qui a été livré en début d’année. Celui-ci possédait trois étages qui ont été rénovés et auxquels ont été ajoutés quatre niveaux. Des caméras de surveillance ont été installées, ainsi que des indicateurs de places libres. Le deuxième étage, réservé aux usagers premium, offre des places de stationnement plus larges et une passerelle d’accès direct au terminal. Des optimisations nécessaires, alors que l’aéroport va voir sa fréquentation quotidienne doubler lors des jeux Olympiques : « Nous attendons 90 000 passagers la veille de l’ouverture et le lendemain de la clôture de la compétition, contre 45 000 par jour en temps normal. Et nous prévoyons 550 décollages et atterrissages, contre 400 le reste de l’année. Ces travaux vont nous permettre de gérer ces flux en toute tranquillité », se félicite-t-on du côté de la communication de RioGaleão. Au total, 1,5 million de passagers devraient passer par GIG tout au long du mois d’août. « Nous savons que l’aéroport international de Rio restera toujours moins fréquenté que celui de São Paulo. Mais nous voulons devenir le meilleur aéroport du pays en termes d’infrastructures et de services, et faire en sorte que nos clients s’y attachent », précise le consortium, qui a prévu 700 millions d’euros d’investissements supplémentaires, avant la fin de la concession de vingt-cinq ans, alloués à la rénovation du terminal 1 et, selon la fréquentation, à l’ouverture d’une troisième piste.
GIG en chiffres
- 17 M de passagers en 2014.
- 400 vols quotidiens (arrivées et départs).
- 29 destinations domestiques.
- 26 destinations internationales par 21 compagnies internationales et 6 domestiques.
- 24 compagnies aériennes (18 internationales et 6 nationales).
- 100 000 m² supplémentaires pour le quai sud, dont 6 000 m² d’espace VIP et 8 000 m² d’espace duty-free.
- 500 000 m² supplémentaires pour le stationnement des avions.
- 26 nouvelles portes d’embarquement dont 3 adaptées à l’A380.
- 2 700 places de parking supplémentaires.
- 22 générateurs supplémentaires.
GIG, prêt à recevoir l’A380
Dès novembre 2014, GIG a obtenu l’autorisation d’accueillir les avions de catégorie F, pour lesquels trois portes spéciales ont été installées dans l’extension du terminal. La Lufthansa fait déjà atterrir son Boeing 747-8I à Rio, mais aucune compagnie n’a encore annoncé la mise en service régulière de l’A380. « Air France a récemment sollicité la permission de l’Agence brésilienne d’aviation civile de faire décoller l’avion de Galeão, en raison du grand nombre de passagers et d’athlètes retournant en Europe après les jeux Olympiques. Pour l’heure, cette opération n’est pas confirmée, mais la compagnie continue d’étudier cette possibilité », indique Hugues Heddebault, directeur général d’Air France-KLM en Amérique du Sud. En novembre dernier, la compagnie Emirates avait réalisé un vol unique à l’occasion du Grand Prix de formule 1 à Interlagos et l’A380 avait atterri à l’aéroport international de São Paulo‑Guarulhos, lui aussi certifié.
L’aéroport domestique décloisonné
Situé au cœur de la ville, l’aéroport Santos-Dumont (SDU), avec son unique terminal, est bien plus discret. Mais quelle vue spectaculaire pour les 9 millions de passagers qui y ont atterri l’année dernière ! Construit au bord de la baie de Guanabara, à quelques encablures du Pain-de-Sucre, et inauguré en 1936, lorsque Rio de Janeiro était encore la capitale du Brésil, le premier aéroport civil du pays accueille principalement des vols domestiques et régionaux et sert en particulier de pont aérien avec la capitale économique São Paulo. La société aéroportuaire d’Etat Infraero, aux manettes du SDU, a décidé d’accentuer sa vocation d’aéroport d’affaires en opérant une mise à niveau des infrastructures. Depuis 2010, près de 20 millions d’euros ont ainsi été investis pour achever la zone commerciale du deuxième étage du terminal et pour construire un centre commercial directement relié au terminal, le Bossa Nova Mall. Déjà ouvert, celui-ci abrite un hôtel de 300 chambres, un centre de congrès habilité à recevoir 800 personnes, un centre d’affaires de 4 000 m² et un parking de 250 places.
Une telle affirmation identitaire ne pouvait se faire sans un changement radical de liaison avec le centre-ville. Les files d’attente interminables pour prendre le taxi et le manque flagrant de lignes de bus directes représentaient le cauchemar de tout homme d’affaires. Un paradoxe quand on sait que l’aéroport est situé à seulement… un kilomètre du centre ! L’inauguration du tramway courant juin rapprochera le SDU des principaux pôles de décision et de la nouvelle zone portuaire revitalisée, l’intégrant totalement au réseau de transports carioca. L’ouverture des jeux Olympiques fera donc office de grand test pour les aéroports de Rio. A vos marques, prêts… décollez !
3 questions à François Destribois
Directeur Amérique latine chez RATP Dev, filiale internationale du groupe de transport parisien.
The Good Life : Que représente le projet du tramway pour RATP Dev ?
François Destribois : Le tramway de Rio est un projet « vitrine », totalement novateur au Brésil, qui prévoit 28 km de lignes 100 % sans caténaires. Nous atteignons ainsi les standards de Dubaï, ce qui fait de cette ligne la première du monde à avoir ce profil. Et sur les 32 rames Citadis d’Alstom, 27 ont été construites dans l’Etat de São Paulo, avec au minimum les mêmes standards qu’en Europe. Rio peut aussi être le point de départ de nouveaux projets en Amérique latine, où les besoins sont énormes.
TGL : Qu’est-ce que le tramway va apporter à la ville de Rio de Janeiro ?
F. D. : Il est directement lié à la revitalisation du centre et au projet Porto Maravilha. Le tramway va connecter des points stratégiques de la ville et d’autres modes de transport : l’aéroport Santos Dumont, la place XV, depuis laquelle partent les bateaux pour Niterói, le quai Mauá, où accostent les ferrys de croisière, la gare Centrale, depuis laquelle partent les trains de banlieue, et la gare routière. En plus, bien sûr, de passer à proximité d’arrêts de bus et de stations de métro. Le tramway améliorera l’image de la ville et permettra aux Cariocas de mieux profiter du centre-ville. Le projet urbain mené à Rio est vraiment ambitieux et courageux.
TGL : Qu’est-ce que RATP Dev apporte à ce projet ?
F. D. : Notre rôle est de concevoir, de mettre en service et d’exploiter les lignes de tramway de la manière la plus qualitative et la plus sûre possible. Nous exploitons déjà les tramways de Hong Kong, de Casablanca, d’Oran, de Manchester, de Florence… Nous avons une expérience et un savoir-faire historiques dans ce domaine. A Rio, nous travaillons aussi sur la formation du personnel. Une bonne partie des futurs conducteurs du tramway de Rio ont suivi une formation théorique à Paris, l’année dernière, ainsi qu’une simulation sur la ligne T3, dont le matériel est très proche de celui qui sera utilisé ici.
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