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Foot business : Inter vs AC Milan, compétition légendaire

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L’Inter Milan et l'AC Milan courent après leur passé glorieux. Lorsque, après-guerre, ils dominaient la planète foot et incarnaient sur le terrain les succès industriels du miracle économique italien. Les Nerazzurri et les Rossoneri cherchent aujourd’hui un nouveau départ en essayant de s’adapter aux nouvelles exigences du sport business.

Tribunes fermées. Rassemblements interdits. Calcio (football) aseptisé en raison de la pandémie. Mais l’occasion était trop belle et trop rare : dimanche 21 février, ils n’étaient pas moins de 8 000 supporters réunis aux abords du stade mythique de 80 000 places que les tifosi nerazzurri (noir et bleu) de l’Inter Milan désignent comme le Giuseppe-Meazza et leurs adversaires rossoneri (rouge et noir) du AC Milan appellent San Siro. Car cela faisait dix ans que le Derby della Madonnina n’avait pas vu les deux clubs locaux au sommet, en tête du classement de la Serie A (championnat d’Italie), avec des stars mondiales comme les attaquants Zlatan Ibrahimovic d’un côté et Romelu Lukaku de l’autre.

« Cela faisait une éternité qu’on n’avait pas vu une confrontation directe avec un enjeu aussi lourd pour la course vers le scudetto [le titre de champion finalement remporté par l’Inter début mai, NDLR] », rappelait, la veille du match, La Gazzetta dello Sport, principal quotidien sportif du pays.

« Au cours des dernières années, les deux clubs ont beaucoup investi pour récupérer le terrain perdu. Ils ont dépensé environ 500 millions d’euros chacun pour acheter des joueurs d’envergure internationale et tenter de replacer l’Inter et l’AC Milan au centre du football européen », souligne Marco Bellinazzo, journaliste au quotidien économique Il Sole 24 Ore et auteur de La Fine del calcio italiano (éd. Feltrinelli), publié en 2008, lorsque les équipes du pays, à commencer par les milanaises, ont raté la révolution de la mondialisation du ballon rond. Depuis, l’AC Milan et l’Inter courent après leur passé glorieux, notamment après-guerre.

Inter et AC Milan, deux styles, deux classes sociales

C’est au milieu des années 50 qu’Angelo Moratti, à la tête d’un grand groupe pétrolier, rachète l’Inter Milan et propulse l’équipe sur le toit du monde. La « Grande Inter », dirigée par l’entraîneur Helenio Herrera, remporte en huit ans, de 1960 à 1968, trois championnats d’Italie et deux Coupes d’Europe des clubs champions avec un jeu fondé sur une défense hermétique et le contre-pied. « Ce schéma tactique dit du catenaccio va être théorisé sur un plan plus général, souligne l’historien Fabien Archambault, professeur à l’université Paris I. L’idée de base, c’est que l’Italie est moins riche que l’Europe du Nord, les joueurs sont moins grands et moins forts, mais qu’en étant plus astucieux et mieux organisés, il est possible de gagner. Dans l’imaginaire, et même si en réalité cela évoluera au fil du temps, l’Inter Milan sera ainsi toujours renvoyé à une idée de jeu défensif et de contre-pied, à la différence de l’AC Milan qui privilégierait l’aspect offensif. »

Dans la capitale lombarde, l’opposition de style a aussi été pendant longtemps complétée par une distinction sociale. L’AC Milan était principalement soutenu par les classes populaires, tandis que le tifo pour l’Inter était l’expression de la bourgeoisie de la ville. Les supporters rossoneri étaient surnommés les casciavit (les tournevis), et le nerazzurri étaient traités de baùscia (les fanfarons) pour souligner leur extraction respectivement ouvrière et bourgeoise.

« À l’origine, la différence était aussi géographique, ajoute Fabien Archambault. L’AC Milan était le club de la ville, tandis que le tifo de l’Inter était plus implanté dans la région de Lombardie. » Au fil du temps, les différences se sont atténuées, et plus encore l’opposition politique qui voulait que l’AC Milan soit de gauche (car les supporters ouvriers votaient communiste) et l’Inter, de droite. Au cours des années 80, avec l’évolution économique et sociale de la ville, le calcio milanais va vivre une révolution.

Le roi des télévisions privées, Silvio Berlusconi, rachète l’AC Milan et investit massivement dans le club. Avec un trio de Néerlandais (Van Basten, Gullit, Rijkaard) et un entraîneur, Arrigo Sacchi, novateur et résolument offensif, l’équipe renoue avec les succès de l’immédiat après-guerre et des années 60 lorsque, autour de Gianni Rivera, les Rossoneri avaient remporté deux championnats d’Italie et deux Coupes d’Europe des champions.

« Le coup de génie de Berlusconi fut de considérer l’AC Milan comme un produit télévisé qui fournit du spectacle », détaille Dario Rivolta, ancien secrétaire particulier de l’homme d’affaires. Les titres s’enchaînent, les retransmissions aussi, et la rivalité entre les deux clubs milanais s’exacerbe. Massimo Moratti, le fils du légendaire président Angelo, qui incarne la bourgeoisie de centre gauche de la ville, arrive aux commandes de l’Inter au milieu des années 90, au moment où Berlusconi débarque dans la politique nationale à la tête d’une coalition de droite.

À l’époque, l’argent coule à flots dans le foot italien qui s’offre la plupart des stars mondiales. La source de revenus fournis par les premières télévisions à péage semble inépuisable. En réponse à l’AC Milan – qui emporte le titre 1996 avec, entre autres, dans ses rangs, Roberto Baggio et George Weah –, l’Inter s’assure l’année suivante les services de Ronaldo pour un transfert record de 28 millions d’euros. Au tournant du millénaire, les deux équipes milanaises sont dans le top des clubs les plus riches du monde.

Construire ensemble un nouveau stade

Vingt ans plus tard, l’Inter et l’AC Milan ont décroché. Leur chiffre d’affaires représente moins de la moitié de celui des plus grosses écuries espagnoles, anglaises ou même allemandes. Avec la crise financière de 2008, les droits télé n’ont plus compensé les pertes énormes pour l’achat des joueurs. Résultat : économiquement, la Serie A n’est plus que le quatrième championnat européen et ne domine plus le « mercato », terme imposé par les Italiens au temps de la splendeur du calcio.

« Dès 1992, la Premier League a modifié son modèle économique avec l’arrivée de propriétaires internationaux qui ont investi sur de nouveaux stades, le merchandising et l’internationalisation du brand des clubs. Les équipes milanaises ont pris du retard et cela se voit au niveau des résultats sportifs », analyse Marco Bellinazzo.

Cela fait plus de dix ans – avec, en 2010, la victoire des Nerazzurri de José Mourhino –, que les Milanais n’ont plus remporté la Ligue des champions. Après avoir accumulé respectivement 700 millions et 1,3 milliard d’euros de pertes, Silvio Berlusconi et Angelo Moratti ont cédé le sceptre des deux équipes.

Silvio Berlusconi et Angelo Moratti ont cédé le sceptre des deux équipes. Le premier à un entrepreneur chinois qui l’a ensuite vendu au fonds américain Elliott. Le second à un homme d’affaires indonésien, lequel l’a cédé en 2016 au groupe chinois Suning, qui est à la recherche de liquidités, voire d’un nouvel acquéreur.
Silvio Berlusconi et Angelo Moratti ont cédé le sceptre des deux équipes. Le premier à un entrepreneur chinois qui l’a ensuite vendu au fonds américain Elliott. Le second à un homme d’affaires indonésien, lequel l’a cédé en 2016 au groupe chinois Suning, qui est à la recherche de liquidités, voire d’un nouvel acquéreur. blindsalida-represente-par-valerie-oualid

Le premier à un entrepreneur chinois qui l’a ensuite vendu au fonds américain Elliott. Le second à un homme d’affaires indonésien, lequel l’a cédé en 2016 au groupe chinois Suning, qui est à la recherche de liquidités, voire d’un nouvel acquéreur.

Le calcio milanais cherche un nouveau départ, alors qu’à Bergame l’Atalanta s’est installée depuis plusieurs années dans le haut du classement italien et que Silvio Berlusconi a racheté Monza, une autre équipe lombarde actuellement en deuxième division.

Pour achever leur métamorphose, l’Inter et l’AC Milan ont décidé de construire ensemble un nouveau stade. Le Giuseppe-Meazza devrait être détruit dans les prochains mois pour donner naissance à une enceinte sportive ultramoderne qui conservera, nostalgie oblige, une tour et une partie des tribunes du vieux San Siro.


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