The Good Business
L’industrie horlogère s’est rapidement remise des conséquences de la crise sanitaire.
Le marché mondial reste polarisé entre les manufactures, historiques ou nouvelles, de l’univers du luxe et les marques déclinantes de l’entrée et du milieu de gamme. Au croisement, des tendances qui s’affirment au cœur de l’industrie horlogère : les montres connectées, la seconde main et l’e‑commerce.
L’industrie horlogère en 13 points
224 millions de dollars. C’est le coût annuel de la contrefaçon pour l’industrie horlogère. Le nombre de fausses montres en circulation est très important : les douanes européennes ont évoqué un chiffre de 40 millions de pièces par an, bas de gamme pour l’essentiel. Les véritables contrefaçons, peu décelables à l’œil nu et vendues souvent au‑delà de 1 000 € pièce, dépasseraient le million et demi d’exemplaires.
Check-in time. Après son musée‑atelier, Audemars Piguet vient d’ouvrir, à proximité, l’Hôtel des Horlogers, au Brassus. Même esprit d’intégration dans la nature de la vallée de Joux, même signature architecturale par le cabinet danois BIG (Bjarke Ingels Group). Cinquante chambres, deux restaurants et un bar, un espace bien‑être et des salles de conférences… La manufacture du Brassus continue d’innover.
Authentification. Origyn est une fondation suisse sans but lucratif à l’objectif un peu particulier : elle crée des clones numériques des montres de luxe, pour permettre de les authentifier. À partir de centaines de points de référence et à l’aide du simple appareil photo de son téléphone, il est possible d’identifier clairement l’objet et, par ricochet, de déceler une contrefaçon. Abrité dans la blockchain, le système Origyn veut s’enrichir des éléments d’information apportés par ses utilisateurs. La fondation a lancé, le 15 novembre dernier, la réservation de ses premiers tokens, les précieux certificats d’authentification.
NFT. De peur de manquer la prochaine révolution, comme elle avait d’abord snobé l’e‑commerce, l’industrie du luxe a déjà massivement investi le monde des non‑fungible tokens (NFT). Logiquement, cela devait intéresser les maisons horlogères. Signe tangible, le salon Time to Watches, le nouvel événement genevois, a consacré, le mois dernier, l’une de ses journées à « L’horlogerie à l’ère des NFT ». Certaines marques produisent simplement des clones de leurs modèles physiques, tandis que d’autres lancent des créations qui n’existent que dans le monde numérique. Évidemment, ce nouveau filon ouvre la porte aux initiatives perfides : un Américain a ainsi commercialisé des modèles virtuels baptisés Rodex, à l’inspiration assez évidente, dont certains se sont vendus, en cryptomonnaie, jusqu’à l’équivalent de 17 000 euros !
774 millions. Le Swatch Group, propriétaire d’une vingtaine de marques – dont Omega, Tissot, Longines… –, a effacé une année 2020 marquée par ses premières pertes depuis quarante ans : 774 M CHF de profits en 2021, qui surpassent même les très bons résultats de 2019, avant le Covid.
+ 31%. C’est le rebond, l’an dernier, des exportations horlogères suisses, le baromètre du secteur, selon l’Office fédéral de la douane, après un recul de 21,8 % en 2020. Résultat : c’est une année record, à 22,3 Mds CHF ! Mieux que 2014, la dernière année la plus faste de l’emblématique industrie helvète. La crise a été vite oubliée.
20/80. L’industrie horlogère aime la précision : la loi des 20/80, ou principe de Pareto, s’applique presque parfaitement à elle. Une petite minorité d’acteurs réalisent l’essentiel de la valeur du secteur. La crise a même contribué à renforcer cette concentration en polarisant les fortunes mondiales vers le très haut de gamme. On estime ainsi que les quatre marques Rolex, Patek Philippe, Audemars Piguet et Richard Mille pèsent, à elles seules, 40 % du chiffre d’affaires, en 2021, de la branche horlogère suisse.
Patek Philippe indétrônable. La manufacture genevoise continue de faire tourner la tête des collectionneurs. Notamment son modèle Nautilus 5711, dont elle a décidé d’arrêter la production : sa cote a été multipliée par quatre presque immédiatement après l’annonce ! Patek Philippe représente à elle seule 41 % de la valeur de toutes les ventes aux enchères de l’année 2021, loin devant Rolex (16 %). Une édition limitée Tiffany Blue, réalisée en collaboration avec Tiffany & Co., s’est ainsi envolée à 5,74 M € en décembre dernier à New York – pour soutenir The Nature Conservancy –, soit plus de 100 fois son prix neuve !
Christie’s, la reine des enchères. L’année 2021 a été celle de tous les records en ce qui concerne les ventes de montres aux enchères, celles‑ci étant devenues des valeurs refuges. Christie’s a pulvérisé son chiffre d’affaires de 134 % par rapport à 2020, avec 204 M $ réalisés. La maison, aujourd’hui contrôlée par la holding Artémis de François Pinault, a largement profité de l’explosion des ventes en ligne, qui a permis d’élargir considérablement la clientèle. Elle devance de très peu la britannique Phillips (203 M $) et l’américaine Sotheby’s (153 M $). À noter que le spécialiste suisse Antiquorum occupe la 4e place derrière ces trois majors, avec 65 M $ de ventes réalisés l’an dernier.
Vintage. La vogue de l’ancien ne cesse de s’amplifier, et cela bien au‑delà des collections hommages ou des éditions anniversaire qui se multiplient. Un marché de la seconde main qui fait florès et que les grandes manufactures elles‑mêmes n’ignorent plus : leurs boutiques sont de plus en plus nombreuses à proposer un corner vintage qui lui est consacré.
Montres connectées. La bataille des montres connectées s’intensifie. Annoncée depuis des années, la Pixel Watch de Google a enfin été dévoilée, avec le nouveau Wear OS 3 comme système d’exploitation, celui dont la firme de Mountain View équipe, notamment, la Galaxy Watch de Samsung. Sur ce segment très tech et un peu horloger, toujours en pleine croissance, l’autre géant californien, Apple, domine largement les ventes avec une part de marché de 30 % selon Counterpoint Research, et 50 % des revenus avec son positionnement premium ! En deuxième vient Samsung, loin derrière (10 %). Aucun fabricant traditionnel ne figure dans le top 10 des ventes mondiales.
Dans le mille. Quelques irréductibles résistent à l’essor de l’e‑commerce ou à sa version soft, le « phygital ». Et ils s’en portent très bien ! À l’instar d’Audemars Piguet, qui a limité l’expérience à de rares partenariats sur des marchés précis, Richard Mille a opté exclusivement pour l’échange physique avec les clients dans ses boutiques. Une stratégie en phase avec son positionnement et son succès fulgurant. La marque, née il y a à peine plus de vingt ans, rénove d’ailleurs l’ensemble de son réseau.
Couple. Aurel Bacs et Livia Russo partagent une immense passion de l’horlogerie en même temps que leur bureau et leur maison ! Passé par Sotheby’s et Christie’s, le couple mène d’une main de maître les ventes aux enchères de la maison Phillips. Les deux experts œuvrent ensemble depuis vingt‑quatre ans.
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