Horlogerie
Auréolé à plusieurs reprises du Compasso d’oro, omniprésent, par créations interposées, dans les collections design des meilleurs musées internationaux, comme dans les intérieurs des amateurs ou des collectionneurs éclairés, Ettore Sottsass est néanmoins resté créatif et rebelle pendant près d’un siècle. Bio express d’un maestro aussi inclassable qu’inoxydable, qui aurait fêté ses 100 ans en 2017.
A la fois designer, architecte (on lui doit l’aménagement de l’aéroport de Milan Malpensa, en 2000), maestro radical ou encore artiste du verre, de la gouache et de la céramique, Ettore Sottsass (Innsbruck, 1917-Milan, 2007) est un créateur insatiable qui n’a jamais cessé de se réinventer tout au long de ses 90 années d’existence. Sa curiosité au monde était, elle aussi, insatiable. Né en Autriche, il a grandi et étudié en Italie, voyagé en Inde au début des années 60 – un choc chromatique, éthique et sensoriel –, et aux Etats-Unis, où il a fréquenté les écrivains de la Beat Generation, notamment Allen Ginsberg.
Il en retirera l’aptitude à privilégier le sensible et le culturel sur le rationnel et le fonctionnel. Selon Deyan Sudjic, ex-directeur du Design Museum de Londres qui lui a consacré un livre (Ettore Sottsass and the Poetry of Things, publié en 2015), « Ce qui le rend si intéressant aux yeux des collectionneurs et des designers aujourd’hui, c’est la capacité qu’il avait à travailler en simultané sur des projets culturels, critiques et commerciaux. »
La jeune génération, pour qui il est avant tout la figure de proue de Memphis, le collectif qu’il a cofondé à l’âge de 64 ans, oublie parfois qu’il a, auparavant, collaboré avec le designer et directeur de création américain George Nelson (qui a fait éditer les Eames chez Herman Miller), puis, pendant trente ans, avec Olivetti, sans pour autant perdre son âme rebelle. Il a révolutionné le design industriel de bureau bien avant qu’Apple ne vienne préempter ce rôle avec cette icône des années pop qu’est la machine à écrire rouge vif Valentine (1969).
Un concept tellement en avance sur son époque qu’il a connu un flop retentissant. Avec leurs couleurs vives, leur utilisation créative du stratifié et leurs possibilités d’empilement façon totems, les Superboxes qu’il avait dessinées dans les années 60 pour la société Poltronova, pour laquelle il assurait alors la direction artistique, étaient déjà, elles aussi, en décalage stylistique complet et préfiguraient l’ère Memphis.
Au tournant des années 70, Ettore Sottsass se jette avec passion dans la vague du design radical avec Alessandro Mendini, entre autres, au sein du studio Alchimia, puis établit son agence – Ettore Sottsass Associati – qui deviendra un vivier de talents pour le collectif Memphis. Eternel « poète et rebelle » pour paraphraser le titre de l’exposition que lui a consacrée le Vitra Design Museum, il était catégorique : « Pour moi, le design ne consiste certainement pas à donner forme à un produit plus ou moins stupide destiné à une industrie plus ou moins sophistiquée. (…) Pour moi, le design est une façon de débattre de la vie. » Une formule qui devrait figurer sur la première ligne des briefs de tout projet aujourd’hui…
Deux rééditions phares, sorties en 2017, en guise d’hommage au centenaire de la naissance d’Ettore Sottsass
• Lampe Pausania, Artemide (1983)
Perchée comme un héron sur deux minces tiges d’aluminium surmontées d’un abat-jour en méthacrylate vert sur un socle de résine noire, cette lampe – créée initialement en 1983 et rééditée en 2017 en version LED par Artemide – tient son nom d’un géographe grec du IIe siècle: c’est presque une tradition chez Artemide, puisque la lampe Toloméo, de Michele De Lucchi, doit, elle, son nom à un mathématicien grec de l’Antiquité. Dans un geste de collage d’époques comme de références, si cher à Sottsass, Pausania affiche un look Art déco viennois, mais passé par le prisme du postmodernisme naissant. Faut-il y lire l’héritage des années d’utopie architecturale d’Alchimia ? Quoi qu’il en soit,on y retrouve le côté « maquette architecturale », qui est l’une des caractéristiques communes à nombre de créations Memphis.
• Lampe Valigia, Roche Bobois (1977)
Roche Bobois poursuit son soutien au good design en rééditant la lampe Valigia (« valise », en français) créée par Ettore Sottsass en 1977 pour Stilnovo. Avec sa poignée bien en vue, on peut la déplacer facilement, comme une valise; et son caractère ludique et graphique annonce, en filigrane, l’avènement du collectif Memphis. Jusqu’à l’ironie qui a accompagné sa création, puisque Ettore Sottsass déclarait qu’elle avait été pensée « pour une fête d’anniversaire ».