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A Milan, nous nous sommes rendus chez Eredi Zucca 1652, le barbier au décor néo-1900 où s’offrir, le temps d’un rasage ou d’un massage du visage, une pause à l’abri du bruit de la ville.
À Milan, l’élégance masculine est un sujet sérieux. Il est courant d’y croiser des hommes pieds nus dans leurs mocassins et portant des pantalons plus courts qu’ailleurs. C’est voulu, ça s’appelle le style. Ici, la perle en bouton de manchette sur un poignet mousquetaire de chemise blanche, c’est presque décontracté. On ne parle pas de vieux messieurs que personne ne s’aviserait d’appeler « papy ». Parce qu’à Milan, l’élégance — du latin elegere, qui veut dire « choisir » — ça traverse plusieurs générations unies dans le culte de l’allure. Visite chez Eredi Zucca 1652, le meilleur du genre.
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Chez Eredi Zucca, un rituel plus qu’un soin
Certes, la casual attitude est aussi répandue qu’ailleurs. Encore que, parmi les Milanais qui sortent dehors en survêtement, c’est (parfois) en mode David de Donatello, le front ceint des lunettes de soleil du dernier drop sorti. Des clichés ? Peut-être, si le spectacle de la rue ne les rendait pas aussi réels. Sur fond d’hédonisme et d’incitations à s’entretenir, avec la « gym » en mode injonction dès l’adolescence, personne n’a jamais autant entendu parler de « prendre du temps pour soi ».
Chez Eredi Zucca, ce qui fait craindre la tarte à la crème journalistique de l’ultime bonne adresse s’étale sur le visage avec de la crème à raser ou à masser. Un barbier milanais, ici, c’est facilement une belle officine à l’ancienne. En passant devant la vitrine, l’œil peut même capter, en passant, l’éclat des flacons de verre bien rangés sur étagères. Expérience vécue du côté de la Villa Mozart : alors qu’en parfait étranger à la ville, vous venez à passer devant la vitrine du barbier, le maître des lieux en blouse blanche amidonnée, achevant sa cigarette sur le trottoir, prend une seconde pour vous saluer… dans la rue ! Sans se soucier de ce que vous soyez client ou non.
Dans la ville, les locaux vous écoutent raconter cette anecdote, surpris. Pourtant, on peut facilement faire dans cette grande cité urbaine l’expérience d’une courtoisie exquise, pas considérée comme d’un autre âge. Ainsi, pousser la porte — d’ailleurs ouverte — de la barberia Eredi Zucca équivaut à pénétrer dans un monde de civilité. L’architecture intérieure y recrée l’atmosphère d’un club de gentiluomini du siècle dernier. Cuir capitonné et velours abondent. Rien qui ne rappelle un laboratoire aseptisé.
Le marbre ambiant contraste avec les sols en mosaïque, les murs en bois d’ébène noir et les plafonds lambrissés.
Soin, calme et volupté
Les soins du visage, rasage ou massage, s’effectuent dans le secret de trois suites à l’éclairage tamisé, dont le luxe protège plus qu’il n’écrase. L’objectif étant aussi de se détendre, le temps du soin. C’est particulièrement le cas pour le massage du visage. Ni tapotement allusif ni malaxation appuyée.
La méthode nécessitait des produits. La maison s’est ouverte fin 2023, après deux ans de recherche, notamment en termes de cosmétiques. Eredi Zucca est un lieu mais aussi un label de produits. Lesquels sont utilisés ici par des professionnels, mais aussi faciles à utiliser chez soi. Chacun d’entre eux, fabriqué en Italie, est à 90 % d’origine naturelle. Il s’agit de se raser mais aussi de nettoyer et d’hydrater sa peau, de laver et de coiffer ses cheveux, en mode plus rituel que routine beauté.
Chaque objet Eredi Zucca est fabriqué par des artisans. Ils ont apporté un soin particulier jusque dans la fabrication des manches, des peignes ou des brosses. Ils utilisent aussi bien la corne de cerf, l’ébène ou la résine pour réaliser des objets personnels que l’on peut s’approprier dans le temps. Les luxueuses trousses de voyage ne semblent souffrir que le cuir Saffiano, et certains pots, le marbre. Il fallait créer un univers autour de ce label Eredi Zucca.
Une histoire de transmission
Le nom de la famille de barbiers Zucca se repère en remontant jusqu’à 1652. Les Zuccan, plus exactement, y étaient répertoriés dans les registres officiels de l’Université et du Collège des barbiers de Milan. Lesquels faisaient aussi office de dentistes et de chirurgiens, pratiquant même des saignées.
On ressort en tout cas d’ici, après un patient massage précédé du nettoyage et de l’hydratation de la peau… avec les cernes dégonflées ! Sans l’intervention d’aucun chirurgien. À un moment où la peau est encore perçue par certains hommes comme celle d’un « dur à cuir » hésitant à se crémer trop longuement le visage dans le miroir vestiaire de salle de sport, le massage d’Eredi Zucca peut faire tomber de dernières défenses. Conseils de la maison reçus au passage : « À un taux normal, le sébum de la peau est normal. Jusqu’à la fin des années quatre-vingt, l’obsession de la matité a incité les femmes à se poudrer. La jeune génération est plus à l’aise avec la brillance. »
Comme les Italiens, peut-être sous influence byzantine, habitués à être tout à fait décontractés avec tout ce qui est, ou rend, plus beau.
Eredi Zucca. Via Bigli 6, Milan. Site internet.
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