Culture
Avec un sens consommé de l’absurde, le duo dano‑norvégien sème ses œuvres mastodontes aussi bien dans les meilleures institutions de l’art que dans l’espace public. Rencontre avec deux drôles d’hommes dans leur atelier berlinois king‑size.
En mezzanine, les assistantes pianotent sur leur clavier dans un silence de cathédrale. Les maîtres des lieux, eux, nous reçoivent à la cool – jeans et boots pour Michael Elmgreen, le blond ; short et tongs pour Ingar Dragset, le brun – dans le penthouse qui coiffe la bâtisse. C’est là qu’ils ont vécu, un temps, en couple. Désormais séparé, leur duo d’art, lui, demeure. « On s’est rencontrés en 1994 à l’ After Dark, le grand club gay de Copenhague. Pas très artistique, n’est-ce pas ? » rigole Ingar.
Les arts visuels, à cette époque, les deux gaillards n’y pensaient d’ailleurs même pas. « Je pratiquais le “théâtre corporel”, ce mouvement théorisé par le Français Jacques Lecoq », poursuit le Norvégien. « Moi, complète Michael, j’écrivais des poèmes imprimés à 300 exemplaires, ce qui était, à mon avis, du gaspillage de papier… Puis, un jour, j’ai eu l’idée de mettre mes textes sur écran. Un centre d’art s’y est intéressé. Alors j’ai commencé à frayer avec des collectifs artistiques : bien plus fun que de rester seul chez moi à gratter du papier. »
Sous leurs dehors goguenards, c’est au plus intense des ping-pongs intellectuels que les artistes se livrent à chaque projet. « Du coup, on s’engueule pas mal, avoue Michael. Mais beaucoup moins qu’à l’époque où on façonnait et polissait nous-mêmes nos sculptures. » Des tâches ingrates qu’ils délèguent désormais à leurs équipes. Ces dernières années, leurs travaux se sont encore densifiés, plus cérébraux. De grands farceurs, Elmgreen & Dragset ? Derrière leurs apparents sarcasmes coule une poésie douce-amère.