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Le musée de la chaussure Doucal's.
Inauguré il y a un an, le musée de la chaussure retrace l'évolution de la marque.
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The Good Business

Doucal’s L’évolution de la tradition

The Good Business

Avec un nom évoquant à la fois les fastes des duchés italiens et le style British – encore une référence en matière de belles shoes –, Doucal’s a parfaitement résisté à la crise en rachetant des petites entreprises artisanales en difficulté et en leur confiant une partie de sa production. Résultat : un chiffre d’affaires qui augmente de 5 à 8 % chaque année, et une envergure internationale. Une jolie marque.

Les frères Gianni et Jerry Giannini
Les frères Gianni et Jerry Giannini DR

La région italienne des Marches a accueilli de nombreux duchés, dont le plus célèbre et le plus influent fut certainement celui d’Urbino. Une influence encore vivace, puisque ce sont bien les ducs qui donnèrent leur nom à une chaussure, la Ducale. Dont Mario Giannini s’inspira, au début des années 70, pour baptiser sa toute jeune marque. La mode étant alors aux anglicismes, Ducale se transforma en Doucal’s. Des années plus tard, Gianni, le fils, se montre plus attiré par les Champs-Elysées et par la culture française que par la via Monte Napoleone ou les fastes milanais et ouvre sa première boutique monomarque à Paris. « Les Parisiens n’aiment pas les chaussures de sport, ils préfèrent les lignes plus classiques. Avec eux, nous pouvons toutefois laisser libre cours à notre fantaisie, raconte, amusé, ce grand observateur. Quand ma femme étudiait à l’université, j’essayais de comprendre ce qui plaisait aux nouvelles générations, celles qui ont connu vingt années de mode décontractée et de chaussures de sport. J’ai découvert que, lorsqu’on entre dans le monde du travail, on recherche des modèles plus classiques, presque toujours avec lacets, et généralement en daim ou en veau. Ce fut une véritable révélation. »

Le secret d’une transmission réussie et de la longévité ? Des modèles de qualité qui revisitent les classiques tout en étant ancrés dans la modernité.
Le secret d’une transmission réussie et de la longévité ? Des modèles de qualité qui revisitent les classiques tout en étant ancrés dans la modernité. DR

En chiffres

Date de fondation : 1973.
Localité : Montegranaro (Fermo).
Nombre de boutiques : 2 (à Milan et à Paris).
Nombre d’employés : 60 (130 avec les activités connexes).
Nombre de paires fabriquées : 150 000 par an.
Prix moyen au détail : entre 300 et 370 €.
Chiffres d’affaires 2015 : 13 M €.

Le quartier général de l’entreprise se trouve toujours au cœur des Marches, à Monte-granaro, dans la province de Fermo. Ici, la chaussure est reine (avec les pôles de production d’Ascoli Piceno et de Macerata, cela couvre 18,2 % de l’exportation italienne, selon le rapport 2014 d’Assocalzaturifici, l’association qui fédère les producteurs de chaussures. La crise ? Doucal’s l’a contournée en absorbant de petites entreprises artisanales en difficulté à qui il a sous-traité une partie de sa production. « La constance, le dévouement et l’obstination de chacun ont donné de grands résultats. Le déclin des ateliers de petite et de moyenne envergures, exclus du marché en raison de la concurrence impitoyable des pays ayant une main-d’œuvre à bas coût, a été compensé par le développement de marques plus importantes », explique Jerry, le frère de Gianni, en charge du service commercial de Doucal’s. Dans cette entreprise, qui n’a donc finalement pas connu une seule heure de chômage technique, a été inauguré, il y a un an, un musée de la Chaussure, qui retrace l’évolution stylistique de la marque. Les techniques de montage restent les éléments clés de la production : le cousu Blake, le cousu California et, bien sûr, le Goodyear. « Au fil des années, nous avons réduit de moitié le poids des chaussures, car le confort est fondamental. Les Russes veulent un chaussant plus large et n’ont pas peur des nouveautés ; les Japonais sont obsédés par la qualité des matières ; les Italiens sont encore influencés par le style anglais et ont découvert le bleu et le bourgogne comme alternative au noir ; les Arabes ont des exigences liées au climat. Parmi les marchés en évolution, nous pouvons citer la Chine où nous sommes présents depuis douze ans, tout en y travaillant avec précaution. Actuellement, nous y avons une vingtaine de clients », explique Gianni Giannini. Mais, chez Doucal’s, la fidélisation du client, italien ou étranger, passe aussi à travers l’art du story-telling : dans la boutique milanaise de la via Gesù, conçue par l’architecte florentin Paolo Giachi, des événements spéciaux sont organisés pour raconter l’histoire de la chaussure, suivre les différentes étapes de fabrication ou apprendre à entretenir ses chaussures. Par exemple, en janvier dernier, pendant la semaine de la mode masculine à Milan, on pouvait y apprendre à coordonner la bonne paire de chaussures au pantalon et aux chaussettes. Essentiel !

La boutique parisienne, rue du Marché-Saint-Honoré dans le 1er arrondissement.
La boutique parisienne, rue du Marché-Saint-Honoré dans le 1er arrondissement. Emmanuelle Blanc

3 Questions à Gianni Giannini

Gianni s’occupe du design et du développement produit, tandis que son frère, Jerry, se concentre sur le marketing et la distribution. Tous deux âgés de la quarantaine, ils représentent la deuxième génération des Giannini. Gianni nous raconte l’histoire de Doucal’s.

The Good Life : Comment est née Doucal’s et comment la marque s’est-elle développée ?
Gianni Giannini : C’est une entreprise typique du Centre‑Sud, qui privilégie la collaboration et le travail d’équipe. Elle fonctionne selon une structure pyramidale et non selon une hiérarchie rigide. Nous nous trouvons dans un quartier populaire et de nombreux employés viennent travailler à pied ou à vélo. Au cours des années, cet enracinement au territoire s’est adapté aux règles du marché et à l’internationalisation de la marque. Notre père, Mario, a ouvert son premier laboratoire artisanal il y a plus de quarante ans, alors que nous n’étions pas nés. Nous avons grandi entre les murs de l’atelier, en furetant entre les établis des ouvriers et en reniflant l’odeur de la peau tannée, comme tant d’enfants nés dans cette région.
TGL : Votre père a commencé à s’occuper de la distribution. Comment l’avez-vous développée ?
G. G. : Aujourd’hui, la commercialisation de Doucal’s est mondiale, avec une pénétration importante en Russie, en Turquie, aux Emirats arabes unis, au Japon et en Afrique du Sud. L’Italie représente 35 % du marché, avec 320 clients, parmi lesquels dominent les magasins de mode de tailles petite et moyenne. Nous avons sept représentants, repartis par zones, et trois agences en Europe. Les pays non membres de l’Union européenne sont directement gérés par notre showroom de Milan, via Monte Napoleone. La France est le pays où nous nous sommes le plus développés et représente actuellement 10 % de notre chiffre d’affaires global, qui s’élève à 13 millions d’euros et augmente chaque année de 5 à 8 %. Nous avons ouvert notre première boutique à Paris, il y a sept ans, rue du Marché‑Saint‑Honoré, tout près de Colette et des temples de la finance. Mais nous sommes également présents aux Galeries Lafayette. Notre clientèle est locale et fidélisée : nous travaillons beaucoup par bouche-à-oreille. Notre cible est très large et se situe entre 25 et 60 ans.
TGL : Quels sont les futurs objectifs de vente de Doucal’s ?
G. G. : Nous comptons principalement sur les corners, car nous croyons aux synergies : les boutiques réclament de plus en plus nos collections et agrandissent les espaces consacrés à notre marque. Les prochaines ouvertures prévues sont deux boutiques monomarques à Istanbul et à Dubaï, en partenariat avec des sociétés locales. En ce qui concerne l’e-commerce, nous collaborons avec un portail qui utilise la technologie 3D : on crée une sorte de « passeport » du pied de l’utilisateur pour trouver la chaussure idéale. Sans oublier la collection femme, qui nous tient à cœur et que nous distribuons dans les magasins multimarques : pour la dernière saison hivernale, nous avons créé environ 25 modèles. Notre plus grand défi est de réussir à vendre nos chaussures aux Milanais. Nous nous y appliquons grâce à une marque reconnaissable qui veut se développer et vivre aux côtés des grands noms du luxe international. Et nous rêvons d’avoir comme clients George Clooney et Lapo Elkann.

 

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