Horlogerie
Formés à l’ENSCI ou à Camondo pour la plupart et souvent mis en orbite grâce au VIA, de Philippe Starck à Matali Crasset, ils font rayonner le design tricolore en France comme à l’international.
Matali Crasset. Formée à l’ENSCI, puis auprès de Denis Santachiara, avant d’intégrer la cellule Tim Thom de Thomson Multimédia aux côtés de Philippe Starck, Matali Crasset propose, à travers ses meubles, ses aménagements ou ses scénographies, plus des scénarios de vie que de simples objets. Elle n’en a pas moins créé des collections pour Ikea et Carrefour et disrupté le monde de l’hospitalité avec les Hi Hotels, à Nice, Paris et Nefta, en Tunisie. Dernièrement, dans le cadre de l’appel à projets Faire Paris organisé par le Pavillon de l’Arsenal, elle a installé son aire de jeux Stries & compagnies place de la Nation, et posé ses « îlots de générosité et de confort » colorés dans l’atrium de l’ENS Paris‑Saclay.
Martin Szekely. Malgré l’exposition que lui a consacrée en 2018 le MADD, à Bordeaux, Martin Szekely est encore peu connu du grand public qui, sans le savoir, boit pourtant dans le verre Perrier qu’il a dessiné et côtoie l’élégant mobilier urbain conçu pour JC Decaux. Depuis sa chaise longue Pi (carte blanche VIA 1982), ce designer ascète a su séduire des collectionneurs avertis (François Pinault, Marin Karmitz, Azzedine Alaïa…) avec son mobilier alliant pureté absolue des lignes et matériaux poussés jusqu’à leur derniers retranchements structurels, afin d’atteindre cette finesse du trait qui caractérise, notamment, son bureau Heroic Carbon ou son étagère Opus.
Ronan et Erwan Bouroullec. Leur nom est instantanément synonyme de good design – tout comme Alvar Aalto, Dieter Rams ou Jasper Morrison. Francois Pinault, breton comme eux, ne s’y est pas trompé et leur a confié le mobilier de la Bourse de commerce, à Paris que vient de réaménager Tadao Ando. Pour Ronan et Erwan Bouroullec, la simplicité – à ne pas confondre avec le minimalisme –, la justesse formelle et chromatique, le sens millimétré des proportions et l’intérêt pour le fonctionnel sont des éléments non négociables. Il suffit de flâner devant leurs fontaines pour les Champs‑Élysées et de se pencher sur leurs créations pour s’en convaincre, que ce soit chez Vitra (séparateur modulaire d’espaces Algue, canapé Alcove, chaises Vegetal et Belleville, petites étagères Corniche), Flos (suspension Aim), Ligne Roset (canapé Ploum), Magis (chaise Steelwood), Hay (sièges Palissade, Can et Élémentaire), Artek (collections Kaari et Rope) ou Samsung (télévision Sérif).
Jean-Marie Massaud. Passé par l’ENSCI, Jean‑Marie Massaud conjugue rigueur scientifique et sensibilité poétique pour avancer dans sa quête de légèreté, que ce soit à l’échelle macro (il a signé le stade de Guadalajara, au Mexique, à la silhouette mi-nuage, mi-volcan, ainsi qu’un magnifique concept‑car pour Toyota) ou micro (vaisselle des cabines business et première d’Air France). Résultat : les marques réputées pour leur savoir-faire contract le sollicitent : Poliform, MDF Italia (sièges Flow), Cappellini, Cassina, Poltrona Frau, B&B Italia, Arper ou Offecct, pour lequel il a notamment imaginé l’inclassable canapé Airberg.
Philippe Starck, superstar du design français
Rendons à César ce qui est à César : avec plus de 10 000 créations – un certain paradoxe tout de même pour ce chantre actuel de la dématérialisation – Philippe Starck, designer protéiforme par excellence, remplirait aisément à lui seul toutes les pages de ce dossier. Pour preuve : une salle permanente lui est consacrée depuis 2018 au MAD Paris, et il a son effigie au musée Grévin.
Dans les années 80 et 90, non content d’avoir remis le design français démocratique sur le devant de la scène internationale (fauteuil Costes, tabouret Bubu, brosse à dents pour Fluocaril, plan de maison pour le catalogue des 3 Suisses, flambeau olympique des JO d’Albertville…), cette superstar tricolore a piloté Tim Thom (la cellule de design de Thomson Multimédia) et aménagé les Bains Douches, à Paris, ainsi que les appartements privés de l’Élysée pour François Mitterrand.
La « Starck touch », si prégnante dans les boutique‑hôtels à succès américains de Ian Schrager (Paramount, Royalton, Delano, Mondrian…), s’est, avec un léger jet lag, épanouie en France, notamment au Meurice, au Royal Monceau ou au Mama Shelter. On lui doit également, pêlemêle, la Freebox Revolution, des éoliennes, des yachts (le Venus, dessiné pour Steve Jobs) et autres motos, concept‑cars et wearables.
Naturellement, les éditeurs de mobilier se l’arrachent, italiens en tête : Alessi (presse‑citron Juicy Salif), Flos (lampes Gun (photo) et Miss Sissi), Cassina, Driade ou Kartell (les chaises iconiques et best‑sellers La Marie et Louis Ghost). Pionnier forever, il a imaginé, l’an dernier, avec Kartell et Autidesk, la chaise A.I. qui, comme son nom l’indique, a été dessinée par une intelligence artificielle briefée par ses soins pour maximiser l’utilisation du plastique 100 % recyclé. Rien d’étonnant lorsqu’on sait qu’il a nommé sa propre société Ubik, en hommage au maître de la SF, Philip K. Dick.
Inga Sempé. C’est lors de son séjour à la villa Médicis, à Rome, qu’Inga Sempé a fabriqué ses premières maquettes de luminaires en papier plissé. D’où ces lampes, diverses, mais affichant toutes le plissé en dénominateur commun, éditées par Cappellini (Po), Luceplan (Plissé), Moustache (Vapeurs) ou Hay (Matin). Et peut‑être également le surpiqué/matelassé si emblématique de ses canapé et fauteuil Ruché (Ligne Roset). La curiosité pour les mécanismes de cette designer formée à l’ENSCI, son respect des objets du quotidien – elle adore chiner sur Le Bon Coin –, ainsi que son œil si singulier pour les proportions et les couleurs sont le fil conducteur qui relie ses créations : poignée de porte Madeleine (Dnd Martinelli), lampes w153 Ile et w103 Sempé (Wästberg), carrelage Tratti (Mutina), étagères Brosse (Moustache), canapé modulable Pandarine (Hay).
Patrick Jouin. Passé lui aussi à la fois par l’ENSCI et par la case Tim Thom x Philippe Starck, Patrick Jouin collabore depuis des années avec Alain Ducasse (Plaza Athénée et Jules Verne, à Paris, Spoon Byblos, à Saint-Tropez) ou JCDecaux (mobilier urbain, bornes Velib’ ou distributeurs de gel hydroalcoolique pour Abribus). Pionnier du mobilier en impression 3D avec son siège Solid (MGX by Materialise), ce designer prolifique mais discret est également édité par Ligne Roset, Zanotta, Pedrali ou Alessi. Aux côtés de son associé Sanjit Manku, il signe par ailleurs de nombreux flagship‑stores Van Cleef & Arpels ainsi que des lieux d’hospitalité luxueusement singuliers, comme l’hôtel des Haras, à Strasbourg.
Noé Duchaufour‑Lawrance. L’aménagement du restaurant Sketch, à Londres, en 2002, c’est lui. Sénéquier, à Saint‑Tropez, ou le lounge VIP Air France (photo), à l’aéroport de Paris‑Charles‑de‑Gaulle, lui aussi. Des réalisations remarquées qui n’éclipsent pas pour autant son mobilier aux lignes organiques édité chez Ceccotti (bureau Manta), Cinna, La Chance (canapé Borghese), Saint‑Louis ou Petite Friture. Installé depuis trois ans au Portugal, il vient de lancer Made In Situ, à la fois plate‑forme d’édition et galerie lisboète, pour explorer la richesse des matériaux et savoir-faire artisanaux locaux, avec, pour commencer, une collection de céramiques noires Barro Negro.
Constance Guisset. Le design de cette surdiplômée (avant l’ENSCI, elle a fait l’ESSEC et Sciences‑po, a passé une année au parlement de Tokyo, puis a été administratrice du studio des Bouroullec) est marqué tout autant par la légèreté et la surprise que par le mouvement, l’équilibre et l’ergonomie. Autant de paramètres qui définissent sa suspension Vertigo – best‑seller absolu de Petite Friture – tout comme ses créations éditées par Moustache, Zanotta, Molteni, LaCividina, Cyrillus ou Louis Vuitton. Elle signe également des scénographies pour les ballets d’Angelin Preljocaj, le MAD ou la fondation Cartier, ainsi que des projets d’architecture intérieure pour Van Cleef & Arpels ou Accor, et est aussi auteure de livres pour enfants.
Mathieu Lehanneur. Second Français après Starck à avoir participé à la conférence TED, Mathieu Lehanneur, formé lui aussi à l’ENSCI, s’intéresse aux interactions entre le corps et son environnement, les systèmes vivants et le monde scientifique. Andrea, son purificateur d’air domestique, est entré au MoMA. Demain est un autre jour, son émouvant dispositif‑écran connecté à une station météo a, lui, été conçu pour un service de soins palliatifs. Escale numérique est une oasis de repos connectée développée pour JCDecaux. Designer privilégiant les idées aux objets, il n’en collabore pas moins avec Veuve Clicquot, Audemars Piguet, Nike, Schneider Electric ou Huawei, et ses pièces uniques/édition limitée en marbre (Liquid Marble, Ocean Memories) ont été exposées au V&A et chez Carpenters Workshop Gallery.
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