Lifestyle
On la dit obsolète, polluante, fatiguée de courir après les saisons, peu ou mal connectée… Une réflexion s’engage sur l’avenir de la mode et transforme le roman d’anticipation en réalité : smart textiles, robots stylistes, réalité augmentée, créativité numérique, sincérité et transparence du message…
Les questions sont donc multiples, et c’est en urgence que la mode tricote son futur en tentant de lui conserver sa part de rêve… « La mode est une manière collective d’agir, un miroir de notre identité collective et individuelle. Mais, aujourd’hui, design, cosmétiques et technologie donnent la température générale et la mode est un peu en retard », remarque Aude Legré, directrice de stratégie de marque chez Peclers. De son côté, Nathalie Rozborski, directrice générale de l’agence Nelly Rodi, offre cette analyse : « La mode est devenue une industrie, et cette équation inédite est perturbante pour tout le secteur. La crise, la disruption technologique et les besoins des nouvelles générations ont tout bouleversé. Si elle ne bouge pas, la mode peut mourir de ses cloisonnements. Même le luxe, puissant, avec des marques très installées, se pose beaucoup de questions et se réinvente en fricotant avec les rappeurs, les égéries Millennials, les tendances de la rue. On suppose ainsi que l’avenir sera à la création transgressive, singulière et proche de l’art de vivre. »
En mode : attention à la perte de valeur du vêtement
Cela fait cinquante ans que Martine Leherpeur observe ce monde – elle a d’ailleurs judicieusement ouvert un bureau de conseil stratégique à Shanghai. « On aimerait que le moteur de la mode ralentisse, explique-t-elle. Mes clients sont perdus face à la fin d’un modèle qu’ils vivent comme un séisme. Pourtant, le substrat où reconstruire est intéressant. Les utopies vont devenir réalité. De nombreux investisseurs privés me demandent d’analyser des marques qu’ils convoitent. Or, la mode est un miroir aux alouettes, tout sauf rationnel. Elle est faite pour les visionnaires. »
Loin de la production saisonnière de tendances, Nelly Rodi, Martine Leherpeur ou Peclers accompagnent les entreprises anxieuses de dénouer cet écosystème complexe. « Elles doivent comprendre que le commercial peut tuer la créativité et qu’on ne peut pas s’adresser à tout le monde, souffle Aude Legré, chez Peclers. Les actes d’achat sont communautaires et identitaires dans tous les domaines, tandis que la place du vêtement s’est peu à peu diluée. Alors que le geste créatif devrait être au cœur de l’image de marque, la stratégie business l’emporte. Il n’y a pas de réflexion culturelle, de rêve et de prise de risque avec ce genre de stratégie. » Résultat, « le consommateur achète en volume et à petit prix, d’où la perte de valeur du vêtement – le budget habillement est tombé à 3,4 % », conclut Aude Legré.
Création d’univers
De même, le principe de diversité vient déboulonner la beauté figée et normée avec des marques comme Baja East, Outdoor Voices ou… Balenciaga, qui présentent des personnalités plutôt que des corps parfaits. L’incarnation, tendance neuve, peut venir aussi de l’intérieur, comme le prouve Uniqlo, dont le designer explique en vidéo comment porter la marque. Ou Brice Partouche, joggeur tardif et dandy, lorsqu’il vient réveiller Nike et Adidas en fondant Satisfy (@satisfyrunning). Sa collection haut de gamme, urbaine, technique et écolo est tout le portrait de cet ancien skater végétarien.
On constate aussi que le consommateur est désormais adepte de communautés 100 % lifestyle (mode, déco, techno, musique, livres, adresses…). Ainsi que le souligne Nathalie Rozborski, « il vit dans un monde horizontal. Ce qui compte pour une marque, c’est donc de créer un univers global. » Elle donne l’exemple de Sézane, marque créée en ligne par Morgane Sézalory : « Pure player, elle a trouvé sa place avec un nouveau langage côté style et commercial. Ce qu’il faut saluer, c’est la tentation de ces jeunes de faire de la mode autrement, y compris comme entrepreneurs. Les marchés ont déliré, alors il faut aujourd’hui redonner du sens et évangéliser le consommateur, c’est impératif. Tout comme il faut poser des macrotendances. » C’est dit…