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The Good City // Qualité de vie

Comment réussir son déménagement de Paris ?

Qualité de vie

The Good City

Non seulement les villes et les départements français doivent draguer les touristes pour faire vivre leur territoire, mais aujourd'hui, ils doivent également attirer de nouveaux habitants pour endiguer un déclin démographique. Comment s'y prennent-ils ? Comment rendre des territoires plus sexy ? Enquête.

1 000 par an. C’est le nombre d’habitants que perdait le département de la Haute-Marne dans la région Grand Est. « D’où la création d’une agence d’attractivité, pour regrouper les acteurs du tourisme, gagner en efficacité, éviter le saupoudrage financier des collectivités, mais aussi faire venir de nouveaux habitants », indique Céline Brasseur, directrice du pôle conciergerie au sein de l’agence d’attractivité de la Haute-Marne. Cette conciergerie, composée de quatre personnes, sert exclusivement à l’accueil de nouveaux résidents qui souhaitent réussir leur déménagement de Paris ou des autres villes — calendrier, logement, école, institution…

Ce service est là pour faciliter l’installation des familles et organise même des week-ends découverte pendant lesquels de futurs habitants peuvent confirmer leur choix d’installation. « Pour les premiers organisés, nous nous sommes rendu compte que quelques familles étaient plutôt là pour se faire offrir un week-end, puisque tout est pris en charge, et ne donnaient pas de retour, résume Céline Brasseur. Maintenant, nous appelons ça des week-ends de confirmation, pour des projets déjà entamés. » Également prestataire d’entreprises et d’institutions comme l’armée ou le conseil départemental, la conciergerie les accompagne pour installer leurs nouvelles recrues : « On prend le relais pour aider les familles à s’installer dans les meilleures conditions possibles pour le logement, le travail du ou de la conjoint(e), une place en crèche… », précise Céline Brasseur. Au total, 44 familles se sont installées en 2023. Une soixantaine, à date, en 2024.


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Une armada d’outils pour réussir son déménagement de Paris

Au début de la chaîne, l’entreprise Laou joue les entremetteuses entre les particuliers désireux de nouveaux horizons et les collectivités partenaires. « Ces territoires, petites et moyennes villes et petite ruralité, nous mandatent pour aller chercher du flux de contacts à travers des campagnes marketing et communication », explique Aurore Thibaud, cofondatrice de Laou. Depuis 2017, son année de création, Laou a récolté 30 000 inscriptions de familles, parlé à 10 000 d’entre elles — « c’est une étape forte pour parler du projet et donner un premier niveau d’informations » — et en a installé 1 000 sur les territoires partenaires. Si les Français envisagent la Normandie comme un endroit sympa pour passer le week-end, c’est moins le cas pour s’installer et réussir sa vie.

« Nous essayons d’attirer les 30-35 ans, ceux et celles qui ont une famille, grâce à notre cadre de vie, des villes moyennes avec leurs avantages et la proximité de la campagne et de la mer, souligne Michael Dodds, directeur général de l’agence Normandie Attractivité. Nous devons faire face au déclin démographique, au vieillissement de la population, à la fuite des jeunes pour leurs études, mais surtout à une image économique encore un peu limitée. »

Son attirail pour y arriver ? Sites Internet, plateformes d’emploi, publicités en ligne, événements, animations sur les réseaux sociaux, clubs d’ambassadeurs locaux… Par exemple, pour s’installer à Fécamp, en Seine-Maritime, une hotline a été mise en place pour orienter les nouveaux arrivants. Certains candidats présélectionnés pour des offres d’emploi ont effectué des séjours sur place. Certains territoires se tournent également vers le podcast à travers des partenariats avec Ciao Paris, le podcast de Valérie Bauhain, créé en 2020 alors que la journaliste voulait elle-même quitter la capitale : « Les collectivités cherchent ces témoignages sincères, sur les freins à l’installation et les difficultés rencontrées lors de ce genre de déménagements », confirme-t-elle. En fait, ce n’est pas forcément à Paris que tout se passe. Autre chantier : le travail pédagogique pour faire sauter cette idée reçue qui consiste à dire qu’il faut monter à la capitale pour réussir. « Toute une génération a grandi avec cette idée, mais la société a changé, insiste Aurore Thibaud. Les territoires doivent aussi expliquer aux Français qu’on peut réussir en vivant à Verdun ou en ruralité. »

Un vent de renouveau

Ces nouvelles arrivées ont des conséquences importantes pour les communes puisque, selon une étude menée par Laou, une famille a un impact financier de 28 000 euros de dépenses en moyenne par an. Si certains sujets comme le logement ou l’accessibilité sont complexes dans certaines grandes villes, c’est aussi le cas dans des communes plus petites. « À Fécamp, on peut déjà voir des modifications à l’intérieur de la ville avec la réhabilitation d’anciennes maisons de pêcheurs et un certain nombre de reconversions d’usage entre locaux commerciaux et logements », témoigne Michael Dodds. La sociologie de la population est aussi en train de changer avec un peu de gentrification. « Il y a une vraie mixité, intéressante. » À Dieppe, les prix ont déjà commencé à augmenter, tout comme en Haute-Marne, où les achats concernent plutôt l’ancien : « L’augmentation s’amorce, constate Céline Brasseur. Le m² est à environ 1 100 euros, alors qu’il valait 950 à l’ouverture de la conciergerie. » En dehors du prix, se pose également la question de choisir où s’installer. La conciergerie de Haute-Marne recommande plutôt de s’installer d’abord en location à Saint-Dizier ou Chaumont. « On ne conseille pas aux vrais citadins de s’installer en pleine nature, sinon c’est l’échec assuré, sourit-elle. Un petit temps d’adaptation et de stabilisation permet de prendre ses marques et de voir les envies émerger. Quand on quitte une zone urbaine, il faut un intermédiaire, pour éviter de se retrouver en pleine nuit à 18h en zone rurale ! »

Mais avant les avantages économiques, certains voient ces arrivées comme une certaine forme d’ouverture d’esprit. « La Haute-Marne est un tout petit département dans lequel nous avions tendance à vivre un peu recroquevillés ; ces mouvements démographiques ont déclenché une prise de conscience des habitants », conclut Céline Brasseur.


Site internet de laou

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