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Dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, la boutique historique de Sulpice Debauve, pharmacien de Marie-Antoinette et inventeur du chocolat à croquer, voit défiler le Tout-Paris depuis plus de deux siècles. Aujourd’hui, la maison, qui n’a pas pris une ride, reste une référence, surtout quand vient l’heure de garnir une table de fête.
En cette fraîche après-midi d’hiver, rendez-vous est donné au 30 de la rue des Saints-Pères, en plein cœur du quartier de Saint-Germain-des-Prés. Devant la boutique historique de la maison Debauve & Gallais, habitués et curieux se pressent. Il faut dire qu’avec ses boiseries d’époque et son porche d’origine, l’établissement, rafraîchi en 2023, a de l’allure. Assez pour convaincre de pousser, nous aussi, la porte vitrée de ce haut-lieu de la chocolaterie française.
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Des chocolats aux mille vertus
L’histoire de Debauve & Gallais ne date pas d’hier. Elle commence à la fin du XVIIIᵉ siècle, lorsque le pharmacien Sulpice Debauve imagine un stratagème pour que Marie-Antoinette consomme ses médicaments. « Comme elle était d’origine autrichienne, elle aimait beaucoup le chocolat. D’où l’idée d’associer le cacao aux préparations médicinales de la Reine pour en adoucir le goût », raconte Domitille Jollois, présidente de la chocolaterie Debauve & Gallais depuis 2022. Ainsi naquit le chocolat à croquer, commercialisé dès 1800 sous la houlette de Debauve, puis, à partir de 1823, en collaboration avec son neveu Jean-Baptiste Auguste Gallais.
Non contente d’avoir les faveurs de Marie-Antoinette (et de Napoléon Bonaparte), la maison devient rapidement le fournisseur officiel des Rois de France (1825), ainsi que celui officieux de Brillat-Savarin. Celui-ci, dans sa Physiologie du Goût (1826), célébrait déjà les mille vertus des chocolats Debauve et Gallais :
« Sulpice Debauve a cherché en outre à offrir à ses nombreux clients des médicaments agréables contre quelques tendances maladives. Ainsi, aux personnes qui manquent d’embonpoint, il offre le chocolat analeptique au salep; à celles qui ont les nerfs délicats, le chocolat antispasmodique à la fleur d’oranger; aux tempéraments susceptibles d’irritation, le chocolat au lait d’amandes douces, à quoi il ajoutera sans doute le chocolat des affligés, ambré et dosé secundum artem. »
Plus de deux siècles plus tard, Domitille Jollois poursuit dans cette voie : « Nous tenons à proposer des chocolats bons pour la santé. C’est pourquoi ils sont très peu sucrés, dépourvus d’additifs artificiels et regorgent souvent de vertus. » C’est notamment le cas des pistoles – les best-sellers de la maison –, ainsi nommées par Marie-Antoinette pour leur forme évoquant la monnaie de l’époque. Celui au café serait stimulant, celui à la verveine favoriserait l’endormissement, tandis que celui au lait d’amande serait antioxydant et apaisant… « En janvier, nous lancerons un chocolat au miel, au thym et au citron pour soigner les maux de l’hiver », ajoute la présidente. Et de conclure : « C’est notre façon de joindre l’utile à l’agréable, conformément à la devise d’Horace ‘Utile dulci.’ »
De Marie-Antoinette à Sonia Rykiel
En près de 230 ans d’existence, la chocolaterie Debauve & Gallais s’est imposée comme l’une des plus prestigieuses de la scène chocolatière parisienne. « Une institution », selon sa présidente, adoubée par les plus grands auteurs des siècles derniers – de Marcel Proust à Honoré de Balzac en passant par Anatole France, pour qui « tout chez Debauve & Gallais relève d’un style, offre un caractère, présente une signification ».
Coco Chanel, elle, s’est même vue dédier le praliné Mademoiselle, une confiserie mêlant pâte d’amande citronnée et chocolat praliné noisette. Ces figures illustres côtoient les fidèles anonymes, qui transmettent cette adresse de génération en génération. « Au sein d’une même famille, grands-parents, parents et enfants font souvent partie de nos clients », confirme Domitille Jollois.
Depuis sa nomination, la présidente a initié un rafraîchissement discret des lieux, comme le passage à un conditionnement en papier recyclable inspiré des boîtes historiques. Pour convaincre les puristes, elle a exposé les anciens et nouveaux écrins côte à côte. « Tous ont très bien compris », assure-t-elle.
Un savant mélange de tradition et d’innovation
Si Debauve & Gallais reste fidèle à ses classiques, elle s’autorise quelques innovations. Des créations récentes, comme un chocolat au jus de yuzu ou un autre au thé vert au jasmin, incarnent cet équilibre. Depuis le XIXᵉ siècle déjà, la maison innovait, avec la lactoline en 1838 (premier procédé de déshydratation du lait) ou encore le « chocolat éclair » en 1878, une préparation instantanée.
À ces trésors d’inventivité s’ajoutent des gourmandises incontournables : tablettes, truffes, rochers et autres croquamandes – des amandes caramélisées et enrobées de chocolat noir ou au lait. Quel que soit le choix, une chose reste certaine : selon Sulpice Debauve lui-même, la dégustation doit se faire « au calme, entouré de proches, l’esprit apaisé ».
Les créations Debauve & Gallais sont disponibles exclusivement en boutique 30 rue des Saints-Pères, 75006, et 33 rue Vivienne, 75002 ou en livraison.